II. LA GESTION DES RISQUES LIES AU CONTRAT DE
MOURABAHA II.2. Risques liés à la Mourabaha
La Mourabaha est le mode de financement le plus
utilisé par les institutions financières islamiques (57% de
l'activité bancaire islamique). Elle est comparable au financement
à intérêt classique si elle est uniformisée.
Cependant la Mourabaha manque d'uniformité sur plusieurs
aspects. La divergence de point de vue60 peut être source de
risques de contrepartie en l'absence d'un cadre juridique rigoureux.
59 La BIS n'utilise pas encore le produit
Moucharaka.
60 Divergence sur le contrat uniformisé par
les foukahas.
L'Analyse des produits financiers islamiques et la gestion des
risques : Moucharaka et Mourabaha
DIOP Moussa 62
La Mourabaha est un contrat récent et certains
foukaha l'ont conçu comme une forme de transactions
commerciales différées. La condition de validité de ce
contrat est basée sur le fait que la banque doit acheter (devenant donc
propriétaire) et ensuite transférer le droit de
propriété à son client. L'ordre émanant du client
ne constitue pas un contrat de vente mais une simple promesse d'achat.
Les avis divergent sur cette promesse d'achat si elle
constitue une obligation ou non. Pour l'Académie Fikh de l'OCI,
l'OCAIFI ainsi que la plupart des banques islamiques traitent la promesse
d'achat comme une obligation vis-à-vis du client. D'autres
jurisconsultes sont de l'avis que l'obligation ne s'applique pas au client. Le
client même après avoir donné l'ordre et payé, peut
demander l'annulation du contrat. Le risque de contrepartie le plus important
lié à la Mourabaha émane de cette
diversité d'appréhension de la nature juridique du contrat (BID,
2002.
Un autre problème lié à la Mourabaha
se pose lorsque la contrepartie ne respecte pas les
échéances car les banques islamiques ne peuvent, en principe,
augmenter d'aucun surplus c'est-à-dire une augmentation du taux
d'intérêt. Ce retard de paiement peut causer des pertes pour la
banque. Sur le marché, le risque de taux de rendement se manifeste si le
taux de rendement de l'opération est différent du taux de
référence (Benchmark) actuel ; alors il y a possibilité de
pertes financières.
Pour les formules d'évaluation et de calcul des
risques, sont proposées les mêmes formules utilisées en
finance conventionnelle basée sur l'actualisation des flux futurs.
II.2 Gestion de risque pour la Mourabaha
Le produit Mourabaha (équivalent à la
vente à crédit) est très utilisé par les banques
islamiques. Cependant le produit présente des risques importants pour
son exécution. Nous pouvons citer les risques de contrepartie, de
change, de taux d'intérêt.
II.2.1 Mourabaha et atténuation contractuelle
des risques
La vente différée (Bai Ajil)
présente beaucoup de risques pour les institutions financières.
C'est ainsi que le Gharar (incertitude du résultat causé
par des conditions ambigus d'un contrat à règlement
différé) est prohibé par la finance islamique. La BID
fournit certaines mesures pratiques pour atténuer ce risque (BID, 2002,
p. 138-139) :
· Pour réduire les risques de contrepartie
liés au contrat de Mourabaha, le paiement en amont d'une
commission importante est devenu une pratique courante.
·
L'Analyse des produits financiers islamiques et la gestion des
risques : Moucharaka et Mourabaha
DIOP Moussa 63
Pour éviter le risque de refus de marchandises
commandités par le client, on peut faire la proposition que
l'exécution du contrat Mourabaha soit obligatoire pour le
client et non pour la banque. Cela suppose que la banque, en tant
qu'institution, honorera à ces engagements contractuels en
finançant l'opération d'achat de marchandises, même si le
contrat n'acquière pas un caractère obligatoire envers elle.
Cependant tous les foukaha ne sont pas unanimes sur
le caractère obligatoire de la Mourabaha du coté du
client. Une proposition alternative serait de créer un marché de
compensation de Mourabaha (MCM) pour régler certains cas qui
peuvent surgir à cause du caractère non obligatoire du contrat
Mourabaha.
· La validité du contrat Mourabaha est
conditionnée par la possession par la banque du bien commandé.
Cette opération est pratiquement éliminée par les banques
islamiques qui désignent le client comme agent de la banque qui s'en
charge de l'achat du bien commandé. De cette façon la banque
n'aura pas à supporter le risque de stockage (destruction du
matériel, vol...)
· Si le bien commandé est à la possession
de la banque, cette dernière court un risque particulier. Pour couvrir
ce risque il y'a lieu de prévoir des fonds propres à cet
égard.
Vente différée diversifiée
(Diversified Bai Ajil)
Il existe une solution plus générale
basée sur le partage des risques entre le prêteur et l'emprunteur
dans un contrat à vente différée. Certaines écoles
contemporaines proposent une titrisation islamique qui consiste à
construire un portefeuille de dette (maximum 49 %) et d'actifs tangibles (51 %
minimum).
Exemple : Mourabaha avec un client de
maturité 20 ans61:
· La valeur réelle (Valeur actuelle) de la dette
vaut 49% du montant nominal ;
· Le Markup ou le prix majoré vaut 51% au minimum du
nominal ;
Les versements (correspondant au Markup) peuvent être
réglés directement en actifs tangibles par exemple actions, parts
de fonds de placement, matières premières, etc.
Dans cette vente diversifiée, le préteur en
l'occurrence la banque islamique peut choisir les actifs, servant pour le
règlement, qui sont libellés dans la devise de la dette. De cette
manière la banque pourra se couvrir du risque de change que nous verrons
ci-après.
61 Le client bénéficie d'une
bonne cote de crédit pour avoir toujours effectué les
remboursements dus aux fournisseurs et grâce à la valeur de son
patrimoine.
L'Analyse des produits financiers islamiques et la gestion des
risques : Moucharaka et Mourabaha
DIOP Moussa 64
Du coté de l'emprunteur, les actifs peuvent être
choisis de manière à réduire ses obligations en
égalisant ses sources de revenus.
|