III.2. Le risque de crédit
Le risque de crédit ou de contrepartie est
défini comme le non respect par l'entrepreneur de ses obligations
contractuelles envers le créancier.
Pour se prémunir contre ce risque mais aussi des
risques de marché et opérationnel, le Comité de
Supervision Bancaire de Bale (CSBB), à travers les accords de Bale II,
ont mis l'accent sur l'exigence de fonds propres. Le Comité a
émis aussi des mesures concernant la surveillance et le contrôle
des risques et la transparence des informations financières (discipline
de marché).
L'exigence minimale en fonds propres du ratio de
solvabilité (Ratio de Mc Donough) se détermine de la
manière suivante selon Bale II47 :
Fonds Propres Effectifs
Ratio MD = = 8% Risques de crédit
pondérés+ Risque de marche+ Risque
opérationnel
47 Dr Babacar SENE, Cours de Marché des
Capitaux, 2010.
L'Analyse des produits financiers islamiques et la gestion des
risques : Moucharaka et Mourabaha
DIOP Moussa 42
Les Fonds Propres Effectifs ou Capital Economique permettent
de couvrir les pertes imprévisibles.
Les propositions en cours laissent le choix aux institutions
financières entre deux méthodes de pondération des risques
(B. SENE, 2010) :
· Approche standard révisée proposée
par la Banque centrale
· Approche notation interne (simple et avancée)
propre à l'institution financière.
En ce concerne les IFI, le risque de crédit est
lié au défaut de paiement se manifestant lorsqu'une partie du
contrat avance des fonds (contrat Salam ou Istisna) ou
délivre une marchandise (Mourabaha) avant de recevoir la
contrepartie de son financement et s'expose, donc, à des pertes
potentielles (BID, 2002, p.58). Quant à l'adéquation du capital
propre des banques islamiques l'Islamic Financial Service Board (IFSB) a
émis des recommandations de bonnes pratiques. Le tableau suivant en
reprend les principales :
Tableau 2
Les fonds propres nécessaires aux produits
financiers islamiques
Types de produits
|
Risque de crédit
|
Risque de marché
|
Mourabaha
|
8% de fond propre sur l'actif vendu et remis au client.
|
15% de fond propre pour l'actif prêt à la vente.
|
Salam
|
8% de fond propre sur le prix d'achat d'un client
Salam.
|
15% de fond propre sur une position à long terme.
|
Ijara Muntahia Bittamleek (IMB)
|
8% de fond propre sur la
valeur total de la location (sur la durée total du
bail).
|
15% de fond propre des actifs prêts à la vente.
|
Moucharaka
Moudaraba
|
32% de fond propre pour
toutes les positions au bilan. Un taux de 24 peut être
prélevé si l'actif est liquide et échangé
publiquement.
32% de fond propre de
l'investissement dans le
partenariat, moins toutes provisions
spécifiques.
|
|
|
Source : IFSB (2005, p. 3-50)
Nous constatons que les actifs dont la transaction obéit
aux principes de 3P sont plus exposés aux risques que les autres
produits.
L'Analyse des produits financiers islamiques et la gestion des
risques : Moucharaka et Mourabaha
DIOP Moussa 43
C'est pourquoi les suggestions d'adéquation en capital
pour les produits comme la Moucharaka et la Moudaraba (32%
respectivement) soient plus élevés que les produits sur
coût plus marge comme la Mourabaha, le Salam ou
l'Ijara (8% respectivement).
III.2.1. Gestion et atténuation des risques de
crédit
La fonction d'une banque est de prêter de l'argent
à ses clients, donc elle est exposée au risque de
défaillance de la part de l'emprunteur. Ce risque est lié
à la nature de son activité.
Pour les IFI, il est important de se prémunir contre
ce risque. Certaines techniques d'atténuation du risque de crédit
emprunté à la finance conventionnelle sont applicables à
la finance islamique. Nous pouvons citer les réserves pours pertes de
prêts, les techniques de nantissement, les techniques de netting du
bilan, les clauses contractuelles atténuant le risque, le rating interne
(BID, 2002. p129-143).
III.2.1.1. Les réserves et les
provisions
Pour faire face aux risques de crédit les banques
islamiques sont recommandées d'établir des réserves
prudentielles. Deux types de réserves sont retenus : le premier est le
Profit Equalization Reserve (PER) 48 qui permet de garder
un certain niveau de profit pour les comptes d'investissement. Le
deuxième est l'Investment Risk Reserve (IRR), une
réserve pour risque d'investissement qui permet de protéger la
banque lors des pertes sur les comptes d'investissement. L'IIR est
calculée à partir des profits attribués seulement aux
titulaires des comptes d'investissement.
Selon C. Karim (2008, p.54), il existe des obstacles à
ces réserves du point de vue islamique. Ces réserves accroissent
le risque de manipulation des informations financières et diminuent la
transparence des IFI (asymétrie d'information). De même elles ne
protègent pas de façon parfaite les comptes d'investissements des
anciens titulaires.
III.2.1.2. Le nantissement
Cette méthode représente un rempart contre les
pertes de crédit. Le nantissement est utilisé par les banques
islamiques pour sécuriser les liquidités en leur possession.
Comme l'exige les principes de la FI, les produits périssables et
instruments financiers à base d'intérêt ainsi que les
créances ne sont pas acceptés en tant que garanties. Ce qui fait
que le potentiel de garanties offert aux banques islamiques est
inférieur à celui des banques conventionnelles.
48 Le PER ou réserve de
péréquation des rendements est retenue à partir du revenu
brut de la banque avant l'allocation des profits entre les actionnaires et
les titulaires des comptes d'investissement.
L'Analyse des produits financiers islamiques et la gestion des
risques : Moucharaka et Mourabaha
DIOP Moussa 44
Selon la BID (2002), les garanties offertes à
l'industrie islamique en générale ne sont pas éligibles au
vu des normes internationales.
III.2.1.3. Les clauses contractuelles atténuant
le risque
Certaines clauses contractuelles permettent de diminuer
l'incertitude (Gharar) prohibée par l'Islam. Dans certaines
situations, elles permettent de diminuer le risque de défaut comme dans
le cas d'une vente Salam où le bien est vendu comptant avec
livraison différée.
A titre d'exemple, les fluctuations des prix
postérieurs à une vente Salam pourrait inciter à
des manquements aux obligations contractuelles. Le risque pourrait être
minimisé en ajoutant une barrière ou une limite dans le contrat
au dessus de laquelle la partie gagnante doit compenser l'autre partie. Selon
la BID cette pratique est largement utilisée au soudan et est connue
sous le non de Band AL Ihsan.
III.2.1.4. Le rating interne
Un système de rating interne peut être
défini comme l'inventaire des risques associés aux
différents emplois individuels de la banque. Pour établir un
système de rating interne dans une banque deux informations de bases
sont nécessaires : l'échéance des crédits
accordés et la solvabilité du client.
Ainsi toutes les banques procèdent à une
évaluation ou un rating de leurs actifs et de leurs clients pour
déterminer les provisions pour pertes sur les prêts consentis.
D'après une étude menée par la BID
(2002, p.128), la plupart des IFI ont intégré des systèmes
de rating interne proche de la méthode de notation interne (IRB)
préconisée par le Comité de Bâle. Cependant, leur
manque de solidité et de consensus fait qu'ils ne sont pas encore
validés par le BCBS.
A coté de ces techniques d'atténuation du
risque de crédit utilisées par les IFI, il existe d'autres qui ne
sont pas plus ou moins compatibles avec la Charia. Nous pouvons citer
le Netting sur le bilan, les Autres garanties comme les garanties commerciales
(la littérature faqhique va à l'encontre de cette pratique), les
Crédits dérivés et la titrisation (excepté la
Malaisie).
Ces techniques sont très utilisées par les
banques classiques parce qu'elles permettent une forte réduction des
risques de crédits.
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