La conception cartésienne de léhomme selon René Descartes( Télécharger le fichier original )par Placide IPAN MOLOUASHUNI Institut supérieur de philosophie Saint-Joseph MUKASA Yaoundé Cameroun - Baccalauréat 2011 |
III. 3. ATHEISME« L'homme relève [...] entièrement, dans ses actes et ses pensées, dans sa vie et sa survie, de cette cause incomparable. [...] d'une manière originale, qui le sépare des autres choses. Créature privilégiée, dotée d'une faculté de connaître et d'une faculté de vouloir, (...) par sa volonté d'autre part, il est apte à décider du sens de son existence, en ressentant le mérite proportionnel à son choix (...) elle a le double pouvoir de dire le oui ou le non, d'adhérer ou de renoncer, de servir Dieu ou de le trahir »82(*). C'est de cette liberté dont l'athéisme aura son ampleur, un athéisme formé de deux mots grecs : du (a), particule négative et du substantif (théos) dieu. Finalement « le a privatif, ici dit l'essentiel : être athée, c'est être sans dieu (a-théos), soit parce qu'on ne croit en aucun, soit parce qu'on affirme l'inexistence de tous »83(*), c'est dire que l'athéisme est la théorie de ceux qui ne reconnaissent pas l'existence d'un dieu quelconque, d'un être supérieur à la nature humaine, d'une intelligence réglant les mouvements de l'univers et intervenant dans les affaires des hommes. Selon les athées, il n'y a pas de dieu, car il est impossible de prouver son existence. Les athées ne nient pas Dieu parce qu'ils ne peuvent nier ce dont ils n'ont aucune conception et dont la conception chez les chrétiens est si imparfaite, qu'ils sont incapables de définir ce qu'ils entendent par Dieu. Mais alors, quelles peuvent être les conséquences d'une telle pensée dans laquelle règne une séparation radicale entre Dieu et l'homme ? Il y a, à première vue, un refus catégorique de la transcendance comme dans l'athéisme marxiste. L'athéisme de Marx se fonde sur le postulat de refus de la transcendance pour une affirmation de la seule immanence. Mais, il faut du dire, cet athéisme théorique que nous pouvons constater chez Marx n'est que sa première attitude qui correspond à l'antithèse. Maintenant nous pouvons passer à sa seconde attitude. Cette dernière est l'athéisme positif de Marx, qui constitue à l'instar des autres philosophes son fait singulier et distinctif. Nier Dieu théoriquement pour Marx, n'est plus nécessaire pour que l'homme puisse se retrouver. Cet athéisme ne vaut plus la peine d'être appelé athéisme parce qu'effectivement dépassé. « En effet, l'athéisme comme négation de cette inessentialité n'a plus de sens car l'athéisme est une négation de Dieu et pose par cette négation l'existence de l'homme : mais le socialisme comme socialisme n'a plus besoin d'une telle négation ; il part de la science théoriquement et pratiquement sensible de l'homme et de la nature comme de l'essence. Il est la conscience de soi de l'homme positive et non plus médiatisée par la suppression de la religion de l'homme qui n'a plus besoin de la médiation par la suppression de la propriété privée par le communisme »84(*). J.Y. CALVEZ, paraphrase la même idée quant il écrit : « La dernière attitude du marxisme concernant la religion diffère très profondément de la première qui n'était qu'une abstraction où du moins resterait une dénonciation abstraite si la praxis ne venait pas la justifier. La critique n'a de valeur que parce qu'elle est orientée vers la transformation des conditions réelles de l'aliénation. Ici l'athéisme n'est plus négateur, il est un résultat, il est l'envers de l'instauration positive de l'homme, il est l'envers de l'humanisme »85(*). Que retenir de ce bref parcours ? Descartes, après avoir découvert le cogito, cherche à prôner l'existence de Dieu qui est pour lui le point final pour l'athéisme. Mais, bien que son souci soit d'arriver à affirmer l'existence de Dieu, il pose la première pierre qui est le cogito. Le cogito nie explicitement et implicitement même l'existence de Dieu. Dans son doute hyperbolique qui a enfin tout enterré et dans sa sixième méditation, il dit ceci : « le Dieu de Descartes est le garant de la certitude de notre sensation »86(*). En ceci, le Dieu dont parle Descartes est un Dieu conditionné puisqu'il a démontré son existence à partir de l'immanence du cogito qui est sa pensée. Comment alors faire ressortir clairement cet athéisme issu du cogito ? Si nous acceptons avec Descartes que le « cogito ergo sum » tel qu'il est, met, l'homme au centre comme nous avons dit plus haut, nous pouvons par la suite déduire que « je pense donc je suis », c'est-à-dire je suis un être dont la substance ou son être est la pensée et si tel est le cas, je suis donc tel que je me pense, alors, puisque je me pense, je pense aussi d'autres existants, je me crée par ma pensée et si le monde existe, je le crée tel qu'il existe et tel que je le pense et par la suite même Dieu s'il existe ; c'est grâce à ma pensée et il existe tel que je le pense. Bref, c'est ma pensée, le cogito, qui crée tout ce qui existe sans exception. Néanmoins, en poursuivant cette déduction, nous pouvons constater que si l'homme qui cogite, pense à l'inexistence de Dieu, il n'a pas tort car par sa pensée, il crée tout et rien n'existera en dehors de lui. Il pourrait donc facilement nier l'existence d'un être transcendant qui est au dessus de lui et qui crée les êtres inférieurs à lui. A la suite de cet athéisme issu du cogito cartésien, débouchera l'existentialisme de Jean Paul SARTRE où il affirmera la préséance de l'existence sur l'essence. Il définit sa pensée existentielle de la sorte : une « doctrine qui rend la vie humaine possible et qui, par ailleurs, déclare que toute vérité et toute action impliquent un milieu et une subjectivité humaine »87(*). Cette conception sartrienne (l'existence précède l'essence), montre que l'homme existe d'abord et se définit après, à travers ses actions. Ainsi, le fait de poser l'existence avant l'essence suppose déjà une négation de Dieu en tant qu'essence absolue. Le fait de mettre l'existence avant l'essence pose un problème ontologique grave pour affirmer l'existence de Dieu. Et nous pouvons dire que c'est le cogito sartrien qui a eu sa source du cogito cartésien et ne serait que le cogito cartésien poussé à l'extrême, c'est-à-dire l'homme se détermine lui-même dans le monde et par rien d'autre que par ses actions ou ses actes. Nous pouvons donc conclure avec Sartre qu'il n'existe point de Dieu qui nous aurait attribué par avance une nature d'homme. Par ailleurs, nous pouvons constater que cet athéisme issu du cogito cartésien a pris un autre élan chez Karl MARX. Chez celui-ci, il s'agit de « l'athéisme humaniste, c'est-à-dire l'athéisme qui consiste à mettre l'homme à la place de Dieu... »88(*) Et il croit que l'aliénation est une sorte de dépourvue de son essence : « pour lutter efficacement contre l'illusion religieuse, il faut faire disparaître un état de choses qui amène l'homme à s'éprouver comme aliéné »89(*). Puisque pour Marx, l'homme doit s'affirmer dans le monde par ses moyens, il doit matérialiser ses pensées, c'est-à-dire la science pratique ou la philosophie pratique. En outre, l'homme n'a plus besoin d'un créateur puisqu'il explique les phénomènes de la nature au moyen de la science : « la science moderne est destructrice de la mentalité contemplative et la remplace par une attitude d'explication conquérante »90(*). L'homme moderne croit à la toute puissance de la science et nie consciemment l'existence d'un Dieu créateur en pensant que c'est lui qui crée tout même le type de Dieu qu'il veut lui-même. Henri ARVON d'affirmer : « le savoir scientifique apparaît comme le seul savoir authentique. Chaque nouvelle conquête scientifique se traduit par un recul des croyances religieuses qu'on considère de plus en plus comme un legs encombrant des âges superstitieux »91(*) et Jean LACROIX précisera que : « L'homme moderne a souvent le sentiment que par la science et la technique unies, il peut en quelque sorte ajouter à la nature, c'est-à-dire collaborer d'une certaine manière à son évolution et à sa genèse, transformer si l'on peut dire l'histoire naturelle en une histoire humaine. Et il plaint ceux qui ont peur et refusent de prendre en main le destin du monde et la destinée de l'homme »92(*) La praxis que prône Marx aboutit à l'impasse comme cet athéisme dit marxiste. Si nous remontons, c'est évidemment par rapport à l'aliénation de l'homme à la nature que Marx sité par Henri ARVON dira : « l'athéisme, qui se contente de nier Dieu, apparaît comme un stade dépassé ; ce dont il s'agit à présent, c'est d'assurer le règne de l'homme divinisé »93(*). Et Marx cité par Jean LACROIX dira que : « l'homme ne peut se satisfaire que dans la transformation effective du monde il n'y a pas pour lui d'autre plan que celui de la praxis »94(*). De tout ceci, nous pouvons affirmer avec Jean LACROIX que : « l'athéisme en effet est définitivement fondé chez Marx sur sa conception du travail. C'est parce que l'homme se fait lui-même humain dans sa lutte contre la nature qu'il ne saurait être fait par un autre, par un Dieu »95(*). Bref, nous pouvons dire que l'athéisme issu du cogito est remarquable chez Karl MARX au niveau où l'homme par sa pensée qu'il prône comme absolue et par sa conception du travail, arrive à écarter tout ce qui le transcende et devient lui-même transcendant des transcendants, le cogito, la suprême réalité de tout ce qui existe. Le vrai Dieu ayant été effacé dans la pensée, l'homme devient le maître de tout et il veut tout changer. Ceci nous mène dans l'influence du cogito sur la connaissance phénoménologique chez Husserl. * 82 Roger LEFEVRE, op.cit, p.90. * 83 André COMTE-SPONVILLE, Op.cit, p.69. * 84. Manuskripte 1844, Méga, p. 125 cité par J.Y. CALVEZ, op.cit., p. 551. * 85. Idem * 86 Thomas, J, une journée de Descartes, * 87 Jean Paul SARTES, L'existentialisme est un humanisme, Ed. Negel, Paris, 1970, p.12. * 88 Henri ARVON, L'athéisme, Ed.PUF, France, 1967, p.77. * 89 Ibidem, P.88. * 90 Jean LACROIX, Le sens de l'athéisme moderne, Ed Casterman, Belgique, 1958, p.23. * 91 Henri ARVON, op.cit, p.69. * 92 Jean LACROIX, op.cit, p.p.24-25. * 93 Henri ARVON, op.cit, p.89. * 94 Jean LACROIX, op.cit, p.32. * 95 Ibidem, p.35. |
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