Chapitre II : Examen des résultats et
propositions de mesures d'amélioration
La mise en oeuvre du PTF se manifeste sur deux volets
principaux. Le premier, chiffré se traduisant par des grandeurs en
valeurs monétaires et statistiques, le second relatif à la
modification des textes fiscaux afin d'incorporer les dispositions du
programme. Certes, les différentes évolutions des indicateurs
peuvent a vue d'oeil, faire appel à diverses déductions. Mais,
dans un procédé scientifique et rationnel, il s'agira dans ce
chapitre, de se poser des questions sur les interprétations et les
éventuelles mesures correctives des indicateurs du PTF. Ainsi, la
première section sera consacrée à un examen des
résultats (section 1) et la seconde à la
proposition de mesures complémentaires (section 2).
Section 1 : Examen des résultats
Les incidences des réformes sur l'évolution des
recettes fiscales au Togo (paragraphe I) et les efforts
restants à fournir en vue d'atteindre les normes de convergence
préconisées par les actes de l'UEMOA (paragraphe
II) seront successivement examinés.
Paragraphe I : Incidences des réformes sur
l'évolution des recettes fiscales au Togo
L'évolution des indicateurs de convergence fiscale est
fonction des réformes fiscales d'origine communautaire ou nationale
(A) d'une part, et de l'environnement économique,
social et politique (B) d'autre part.
A. Incidences des réformes fiscales sur
l'évolution des recettes fiscales
En principe, pour être qualifié de performant,
les variables principales du PTF doivent être supérieures ou
égales à :
- 1.5 pour les recettes fiscales intérieures
rapportées aux recettes fiscales sur le commerce
extérieur ;
- 55% pour les recettes fiscales intérieures (directes
et indirectes) rapportées aux recettes fiscales totales ;
- 17% pour les recettes fiscales totales rapportées au
PIB nominal.
Les données se présentent comme suit sur la
période 2007-2011.
Tableau 2 : Evaluation en chiffre des
variables principales de performance
Années
|
2007
|
2008
|
2009
|
2010
|
2011
|
Recettes fiscales intérieures/recettes fiscales de
porte
|
0.84
|
0.76
|
0.86
|
0.85
|
0.79
|
Recettes fiscales intérieures/recettes fiscales
totales
|
45.79%
|
43.19%
|
46.16%
|
46%
|
44.09%
|
Recettes fiscales totales/produit intérieur brut
nominal
|
16.15%
|
14.89%
|
15.34%
|
15.6%
|
17.15%
|
Source : tableau réalisé par l'auteur a
partir des données de la BDSM
Sur la période 2007-2011, le Togo n'a atteint pour
aucune des variables les normes de performance fixées par les
dispositions de l'Union excepté en 2011 ou le taux de pression fiscale a
dépassé de 0.15% la norme de 17% fixée par l'article 19 de
l'acte additionnel N°04/99/CM/UEMOA portant pacte de convergence, de
stabilité, de croissance, et de solidarité entre les Etats
membres de l'UEMOA. Quelles sont donc les interprétations fiscales des
performances du Togo ?
Pour répondre à cette question, nous nous
appuierons sur les réformes sous l'angle purement textuel des
dispositions fiscales (1) et les réformes en vue de la modernisation de
l'administration fiscale (2).
1- Réformes sous l'angle textuel
Pour mieux apprécier les performances du Togo, il
s'avère indispensable de distinguer les périodes de nette
régression (2007 ; 2008) et les périodes de stabilité
relative (2009-2011). Il est aussi indispensable de rappeler les impôts
essentiels pourvoyeurs de recettes (TVA, IR) ainsi que les domaines de
réformes (champ d'application, assiette, taux de liquidation et
recouvrement) des impôts.
La période biennal qui s'étale sur 2007 et 2008
est marquée par des modifications via des lois de finances sans grands
enjeux pour le niveau des recettes fiscales. Cependant, la révision
à la baisse dans la loi de finances 2008 des tranches d'IRPP pourrait
avoir généré des répercussions sur les recettes
fiscales intérieures qui se sont accrues de 1.73% seulement par rapport
à 2007 tandis que sur la même année les impôts
directs s'élevaient à 23.27% des recettes totales.
Tableau 3 : Taux de progression des
recettes fiscales intérieures
Années
|
2007
|
2008
|
2009
|
2010
|
2011
|
Recettes fiscales intérieures
|
89.68
|
91.23
|
105.74
|
113.46
|
128.47
|
Taux de croissance en %
|
3.32
|
1.73
|
15.90
|
7.30
|
13.23
|
Source : tableau réalisé par l'auteur
à partir des données de la BDSM
La période triennale 2009-2011 est celle d'une relative
stabilité. Cette constance des indicateurs pourrait résulter de
plusieurs actions conjuguées. La stratégie suivie par le
législateur fiscal est d'autoriser l'administration fiscale à
mettre en place une véritable politique de fiscalité incitatrice
de croissance. L'essentiel de cette stratégie consiste à
instaurer des mesures d'élargissement de l'assiette fiscale, en
diminuant les exonérations et les taux d'imposition et en accentuant les
pratiques de contrôle et de recouvrement des impositions. L'objectif est
de réduire un peu la pression fiscale pesant sur les entreprises
formelle, de les répartir sur les autres entreprises en leur permettant
ainsi d'accroitre leurs investissements et productions. Comment cela s'est-il
matérialisé ?
D'abord pour ce qui concerne le champ d'application des
impôts, la loi de finances 2009 a élargi l'imposition à la
TVA des produits obtenus à partir des matières premières
locales ou des pays de l'espace CEDEAO en abrogation de l'article 59 du
décret N°90/40 du 04 avril 1990 portant application de la loi
N°89-14 du 18 septembre 1989. Par ailleurs, la loi de finances
précitée a adopté à l'article 1425 du CGI une
restriction aux entreprises éligibles au régime de la Taxe
Professionnelle Unique (TPU). Quant à la loi de finances 2010, elle a
limitée les exonérations en publiant une liste exhaustive des
médicaments exonérés de l'imposition à la TVA et en
joignant aux conditions générales de déductions des
charges l'obligation de ne pas concourir à la formation d'un produit non
exonéré d'impôt sur les sociétés. Par
ailleurs, au nombre des mesures d'incitation à l'investissement, on peut
citer dans la loi de finances de 2010, les avantages fiscaux et douaniers tout
impôt confondu accordés par l'article 1476 du CGI. Par la
réécriture des articles 31, 138.3 et 310 du CGI, la loi de
finances 2011 a contribué à l'élargissement de l'assiette
fiscale en ramenant respectivement l'imposition à l'IS comme droit
commun d'imposition pour les entreprises aussi bien individuelles que
sociétaires et en retirant la facturation de la TVA pour les entreprises
réalisant un chiffre d'affaires de moins de 30 millions. Cette
dernière mesure vise à forcer les entreprises nichées dans
le régime des impositions libératoires à ressortir de
plein gré vers les régimes d'impositions réelles
facilement contrôlable.
La suite des mesures visant à instaurer un
système fiscal performant axé sur le développement a
consisté en la réduction des taux d'imposition. Sur la
période de stabilité des indicateurs, les tranches d'imposition
à l'IRPP ont été par deux fois revues à la baisse
à travers l'article 135 du CGI. La première, par la loi de
finances de 2009 ramenant le seuil maximum d'exonération de 270 000 CFA
à 375 000 CFA et le taux maximum d'imposition des revenus de plus de 15
millions à 45% au lieu de 55% auparavant. La seconde par la loi de
finances de 2010 a relevé le seuil maximum d'exonération à
900 000 CFA et a abaissé le taux maximum d'imposition à 40%. Sur
la même période, les entreprises imposables à l'IS ont vu
leur taux d'imposition chuté de 3% quel que soit le secteur. L'ensemble
de ces réformes voudrait encourager les entreprises à
l'investissement et la population active à l'épargne et à
la consommation afin de relever le montant des prélèvements et
soutenir la réduction de la pauvreté. Il faut noter que par la
loi de finances portant gestion 2009, l'objectif de répartition de la
pression fiscale a été poursuivi par l'instauration d'une
imposition progressive des entreprises de la zone franche (article 150 du
CGI).
2- Réformes sous l'angle de la modernisation de
l'administration fiscale togolaise
En dehors des interprétations basées sur les
différentes modifications du CGI, d'autres facteurs peuvent expliquer
les performances des différents indicateurs de la transition fiscale. Il
s'agit des mesures prises dans le cadre de la modernisation de l'administration
des impôts du Togo. Ces mesures sont consacrées par des textes
suivants :
- décret N°2006-121/PR du 20 septembre 2006
relatif à la définition des primes d'incitation des agents de
l'administration des douanes et des impôts ;
- décret N°2006-122/PR du 20 septembre 2006
relatif à la mise en place du projet de réforme et de
modernisation de l'administration des impôts ;
- décret N°2007-011 du 28 février 2007
portant attributions et organisation de la direction général des
impôts ;
- décret N°2010-027 du 30 mars 2010 modifiant et
complétant le décret N°2007-011 du 28 février 2007
portant attributions et organisation de la direction général des
impôts.
Pour exécuter ces différents décrets, le
Ministre des finances et la haute direction de l'administration des
impôts ont pris plusieurs mesures opérationnelles sur la
période 2007-2011. L'essentiel de ces mesures est
récapitulé dans le tableau ci-après :
Tableau N°4 : Mesures
opérationnelles prises pour la modernisation de la DGI du
Togo
Domaines d'opérationnalisation
|
Mesures opérationnelles prises sur la
période 2007-2011
|
Incidences directes
|
Modernisation de l'administration
|
Mise en place d'une cellule de pilotage et de suivi des
réformes de modernisation de la DGI
|
Volonté réelle de changement aux regards du
personnel et de la population
|
Construction d'un nouveau local pour la direction
général à Lomé et la direction régionale de
Kara. Construction et réhabilitation des locaux de plusieurs centres
des impôts.
|
Amélioration de l'ergonomie du travail des agents et
amélioration de l'image vis-à-vis des contribuables
|
Informatisation complète de la direction
générale et des centres des impôts. Projet d'extension du
câblage réseau, installation du SYDONIA.
|
Facilité de travail, gain de temps, renforcement de la
maitrise des contribuables importateur/exportateur et lutte contre la
corruption des agents.
|
Mise en place d'un guichet unique avec l'appui du
Ministère du commerce et de la Chambre de commerce.
|
Inciter et faciliter la création d'entreprise.
|
Organisation des services et
renforcement des capacités.
|
Redéfinition des directions centrales et
opérationnelles et création des directions régionales.
|
Adaptation de la mission aux changements de l'environnement,
définition de nouvelles stratégies et coordination des
services.
|
Renforcement en ressources humaines, formation et
recyclage.
|
Gestion prévisionnelle des emplois et meilleure
répartition des tâches.
|
Opérations fiscales
|
Définitions claires des seuils des trois régimes
d'impositions et mises en place de procédures de rattachement aux
différents services : DGE, DPME et CDI
|
Meilleur encadrement des contribuables, gestion fluides des
dossiers, facilités de contrôles ciblés
|
Encouragement des méthodes de recensement des
contribuables pour rééquilibrer la courbe des différents
régimes d'impositions
|
Détection des contribuables de mauvaise foi et meilleur
encadrement des contribuables.
|
Création d'un service de saisie préalable des
déclarations à la DGE et projet d'extension aux autres directions
afin d'automatiser le suivi des contribuables.
|
Rapidité de détection des contribuables
défaillants et lutte contre la fraude et la corruption.
|
Nomination des agents des impôts receveurs et
développement des garanties et assistance des contribuables.
|
Développement de la relation
administration/collaborateur, encadrement des contribuables et
amélioration de l'image de l'administration.
|
Renforcement du contrôle et amélioration de la
qualité de la programmation des vérifications.
|
Renforcement du suivi des contribuables, détection et
réduction des contribuables fraudeurs ou de mauvaise foi.
|
Source : tableau réalisé par l'auteur
à partir des informations collectées à la DGI- Togo et des
différents rapports du FMI.
L'ensemble des mesures opérationnelles et actions
citées ci-dessus a une incidence directe sur une ou plusieurs
composantes, fonction ou environnement de l'administration des impôts.
Mais ces actions pourraient aussi avoir contribué indirectement à
l'accroissement des recettes fiscales intérieures et surtout à la
stabilisation relative des différents indicateurs de performance sur la
période 2009-2011.
|