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Analyse de la performance du programme de transition fiscale ( PTF )) au Togo

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par Ayétout AKPAKI
Ecole nationale d'administration du Togo - Inspecteur des impôts, macroéconomiste 2012
  

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INTRODUCTION

Chaque être humain aspire au bien-être : disposer d'un logement, bénéficier d'une éducation et avoir un emploi décent par exemple. Pour Abraham MASLOW, le bien-être est la satisfaction de cinq catégories de besoins hiérarchisés. Les besoins physiologiques qui se résument au manger, boire et se vêtir, les besoins de sécurité physique ou morale, les besoins d'appartenance à la famille ou à la collectivité, les besoins d'estime et les besoins d'accomplissement qui correspondent au besoin d'épanouissement de la personnalité. Mais, pour les économistes classiques, le terme «bien-être» est étroitement associé à l'expression «économie du bien-être» qui désigne, la recherche des moyens à mettre en oeuvre pour parvenir à des situations considérées comme les meilleures possibles pour et par la collectivité.

Le lien entre bien-être et développement n'est plus à démontrer. Déjà, en 1776, Adam SMITH ne se contentait pas d'étudier ou de décrire les causes de la richesse des nations, mais, il apportait aussi les preuves que le bien être individuel de chaque membre de la communauté crée une aisance générale.1(*) Plus tard, ce fut le tour de l'économiste anglais Cécil PIGOU de témoigner que la psychologie des hommes et les relations d'ordre marchand qu'ils entretiennent concourent au bien-être général.2(*)

De nos jours, pour la communauté internationale organisée, le bien-être national est synonyme de développement et donc de croissance élevée et soutenue. Ainsi, CHAMBAS pourra dire : «Parmi les causes de la faible croissance des Etats Africains, figurent les carences des pays à offrir des biens publics indispensables au développement».3(*) Ces carences ont pour conséquences de faibles niveaux d'éducation et de santé, des infrastructures collectives insuffisantes. Au Togo par exemple, les statistiques sont alarmants : en 2006, 61.7? de la population vivaient sous le seuil de pauvreté, 74.6? des enfants étaient scolarisés, 478 décès maternels étaient enregistrés sur 100 000 accouchements et 57.1? seulement de la population avaient accès à l'eau potable. Dans la perspective de l'atteinte des objectifs du millénaire pour le développement, ces indicateurs devront d'ici 2015 être ramenés à 30.9? pour les personnes vivant sous le seuil de pauvreté, 100? pour le taux de scolarisation nets des enfants, 143 décès maximum lors des accouchements et 75? de la population devraient avoir accès à l'eau potable. Ces objectifs, quoiqu' insuffisants nécessiteraient 985 milliards de CFA sur trois ans (2009-2011)4(*). Aussi, la mobilisation des ressources publiques, principal mode de financement des dépenses publiques, constitue-t'-elle un enjeu crucial. Quelles sont donc les moyens dont disposent les gouvernements pour financer les dépenses publiques ?

On distingue principalement deux sources de financement des dépenses de l'Etat. D'une part, les financements intérieurs que constituent les ressources non fiscales (concours du Trésor, revenus des exploitations de l'Etat...) et celles fiscales (impôts, taxes et droits), d'autre part, les financements extérieurs composés essentiellement des dons et de l'aide publique au développement.

Malgré un sous-sol riche en ressources minières, les particularités des économies des Etats de l'Afrique de l'ouest caractérisées d'une part par une quasi indisponibilité de moyens d'exploitation des matières premières et d'autre part, l'instabilité et la fragilité politique de ces Etats à conclure des accords équitables profitables pour leurs économies crée un sérieux obstacle à une mobilisation efficace des ressources provenant des exploitations.

En outre, la tendance économique universelle dans un contexte de mondialisation semble modifier le rôle des gouvernements. Dorénavant, l'intervention gouvernementale se limite à favoriser l'émergence des conditions optimales au développement des acteurs économiques. Par ailleurs, cette intervention se concentre sur des enjeux où les intérêts de la société en général divergent ou ne coïncident pas avec ceux du secteur privé. Les pertes de ressources pour les Etats vont du faible effort fiscal des populations à l'évasion et à la fraude.

Enfin, l'inexistence d'un marché intérieur fort, capable de soutenir une production locale compétitive déjà rudimentaire et exposée aux aléas du commerce internationale et de l'environnement entretient une dépendance accrue des économies locales vis-à-vis de l'extérieur.5(*) Les frontières des Etats étant poreuses, il en résulte un manque de contrôle de l'activité économique tendant à rendre l'économie locale volatile créant ainsi un manque à gagner de ressources douanières.

Face à tout ce qui précède, l'aide publique au développement devient la seule alternative de financement des dépenses publiques.6(*) Mais, de nos jours, l'économie mondiale est soumise à de fortes perturbations marquées par des crises répétitives forçant ainsi les pays développés à un retour à l'équilibre budgétaire. Ce qui entraine une aide de plus en plus rare et de plus en plus conditionnée dans un contexte marqué par un accroissement soumis au temps, des besoins en financement des économies locales. Dans ces conditions, Comment mettre en place un mécanisme fort assurant une autonomie des économies locales ? Voilà la question qui se pose aux gouvernants des pays francophones de la zone franc d'Afrique de l'ouest.

Pour répondre à cette préoccupation, la mission a été assignée à l'UEMOA de favoriser l'intégration économique sous-régionale en vue de créer un marché commun.7(*) Dans ce cadre, divers projets ont été mis en oeuvre par l'institution sous-régionale : Il s'agit de la liberté de circulation des personnes et des biens et de l'accord instituant un Tarif Extérieur Commun (TEC) entré en vigueur depuis janvier 2000. Mais, ces politiques commerciales communes entrainent une baisse croissante des recettes de la fiscalité de porte.8(*) Dans ce cadre, Comment mobiliser efficacement les ressources publiques sur le long terme ?

C'est le Conseil des Ministres de l'UEMOA qui, par la décision N°10/2006/CM/UEMOA du 23 mars 2006, a adopté le «Programme de Transition Fiscale» (PTF). Selon un rapport du Département de la Politique Economique et de la Fiscalité Intérieure (DPEFI) de l'UEMOA, la transition fiscale est le changement de la structure des recettes de l'Etat. En d'autres termes, il s'agit du passage d'une recette de l'Etat dominé par les recettes publiques provenant du commerce extérieur (fiscalité de porte) par les recettes publiques tirées de l'activité à l'intérieure de l'Etat (fiscalité intérieure). Elle a pour objectif de soutenir la croissance par un allègement des prélèvements fiscaux sur le capital et le travail et de promouvoir le financement du développement sur ressources propres. En tant que programme, le PTF est un ensemble d'actions mis en oeuvre sur une période de sept (7) ans pour atteindre quatre objectifs.9(*) Il s'agit de : la consolidation du marché commun ; le soutien à la croissance et au financement du développement ; la mobilisation optimale des ressources fiscales et douanières ; le renforcement des capacités et de la synergie entre administrations fiscales et douanières.10(*)

La décision précitée charge la commission de l'UEMOA d'élaborer les actes et instruments nécessaires à la mise en oeuvre du programme. Elle invite également les Etats membres de l'Union à prendre des mesures internes nécessaires à sa réalisation. A cet effet, la Commission de l'UEMOA a mis en place un plan d'actions qui est en cours de déclinaison au niveau des Etats. Au nombre de ces actions, on peut citer des directives, des structures de pilotages, et des indicateurs de suivi.

En conformité avec la décision du Conseil des Ministres de l'UEMOA (décision N°10/2006/CM/UEMOA), l'Etat togolais exécute présentement son programme de transition fiscale. A l'échéance 2013, il est envisagé une convergence des indicateurs vers trois (3) normes spécifiques. D'une part, le ratio recettes fiscales intérieures rapportées aux recettes fiscales sur le commerce extérieur doit être supérieur ou égal à 1,5 ; d'autre part, le ratio recettes fiscales intérieures rapportées aux recettes fiscales totales doit être supérieur à 55? ; enfin, le ratio recettes fiscales totales rapportées au Produit Intérieur Brut (PIB) nominal doit être d'au moins 17?. A l'instar des politiques d'intégration régionale en exécution, des politiques d'ouverture commerciale pilotée par l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC), ainsi que l'incidence des accords futurs (Accord de Partenariat Economique avec l'Union Européenne), il est envisagé à terme la disparition en moyenne d'environ 30? des recettes budgétaires des pays africains.11(*) Or, sur le plan national, le gouvernement togolais s'est également engagé dans la réalisation notamment des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) et des grands projets de développement.12(*) Aussi, selon plusieurs auteurs, de profondes réformes fiscales s'imposeraient aux Etats africains tout au long des décennies à venir13(*).

Au regard de tout ceci, il s'avère indispensable de s'interroger sur les performances du Togo dans le cadre du programme de transition fiscale actuellement en cours. En d'autres termes, quelles sont les évolutions des indicateurs susmentionnés sur la période 2007-2011 ? Quels sont leurs différents niveau a fin 2011 ? Quels sont les efforts restants à fournir pour atteindre les objectifs susmentionnés à l'horizon 2013 ?

L'intérêt de ce travail est double. D'abord, il permet sur le plan général de constater les avancées dans la mise en oeuvre du PTF au Togo mais aussi de relever les éventuels manquements en vue de proposer des solutions adéquates pouvant contribuer à la réussite de ce projet. Sur le plan personnel, ce travail nous permet de rentrer en plein dans ce que sera la fiscalité de demain. Pour ce faire, il convient globalement d'assigner à cette oeuvre, un objectif de renseignement et d'évaluation de projet de développement. Ainsi donc, dans une première partie, nous allons exposer le cadre conceptuelle du programme de transition fiscale ; l'analyse portant sur l'exécution du programme constituera la seconde partie.

* 1Adam SMITH La recherché sur la nature et les causes de la richesse des nations (1776), Livre V

* 2Arthur Cécil PIGOU, The economics of welfare, (1920).

* 3 Gérard CHAMBAS, Afrique au sud du Sahara, quelle stratégie de transition fiscale, CERDI, Etudes et documents, Janvier 2005, P. 3.

* 4Document Complet de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP-C) Togo, (2009-2011), Avril 2009.

* 5Economies locales fait référence aux Etats de l'Afrique de l'ouest en particulier aux pays de l'UEMOA.

* 6 Aide publique au développement s'entend des dons ou prêts à des conditions privilégiées accordées par les pays de l'OCDE et de l'OPEP ; Eric TOUSSAINT, La bourse ou la vie, la finance contre les peuples, Lucpire Sylepse CADTM, P.147.

* 7L'UEMOA, Union Economique et Monétaire Ouest Africaine a été créée par le traité du 10 janvier 1994 par sept Etats de l'Afrique de l'Ouest ayant le FCFA en partage en plus de la Guinée Bissau. Sa mission est de favoriser l'intégration économique par la création d'un marché commun.

* 8La fiscalité de porte est employée pour désigner essentiellement les taxes et droits de douanes prélevés aux frontières par l'administration des douanes..

* 9La mise en oeuvre du PTF avait été prévue par la décision N°10/2006 pour le 31 décembre 2008 au plus tard, mais, l'horizon a été repousse à 2013 par la directive N°34/2009/CM/UEMOA portant adoption des critères et indicateurs du PTF au sein de l'UEMOA.

* 10Annexe, décision N°10/2006/CM/UEMOA portant adoption du Programme de Transition Fiscale au sein de l'UEMOA.

* 11 Gérard CHAMBAS, TVA et transition fiscal en Afrique: les nouveaux enjeux, Paris, Economica, P. 181.

* 12Excellence M. Gilbert Fossoun HOUNGBO, Premier Ministre de la République Togolaise, discours de

« Déclaration de Politique Générale » devant l'Assemblée Nationale, Lomé, 04 juin 2010.

IMF, Third review under the three year arrangement, the poverty reduction and growth facility, February 2010.

* 13 Hervé DIATA et Antoine N'GAKOSSO, L'intégration et la nécessité d'une transition fiscale : cas de la TVA dans les pays de L'Union Africaine, Revue africaine de l'intégration, janvier 2007, P.78.

Gbewopo ATTILA en association, Aide publique au développement et transition fiscale, Clermont Université, Université de Clermont I, CERDI-UMR CNRS, février 2009, P.3.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore