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La coopération sécuritaire dans le golfe de Guinée à  l'épreuve de la criminalité transfrontalière. Etat des lieux et esquisse de solution

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par Vernuy Eric SUYRU
Université de Yaoundé II Cameroun - Master en relations internationales, option intégration régionale et management des institutions communautaires 2011
  

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Paragraphe II : De l'appel d'un leadership régional garant du système de sécurité collective dans le golfe de Guinée

Selon AWOUMOU Côme Damien Georges, chercheur à la Fondation Paul ANGO ELA de géopolitique en Afrique Centrale, « le Golfe de Guinée souffre de l'absence d'une puissance motrice et mobilisatrice pouvant s'imposer comme le leader incontesté, de par sa capacité d'influence voire de nuisance, aussi bien au sein qu'en dehors de ladite zone, apte à s'opposer aux convoitises que suscite la région. »203(*) Or, pour donner corps et consistance au système de sécurité collective en émergence, il importe qu'un leadership, bipolaire ou multipolaire, s'affirme dans la région. Pour ce faire, nous allons d'abord procéder à l'analyse des principales forces en présence (A). De cette analyse, nous dégagerons ensuite la possibilité d'un leadership collégial structuré autour du tandem Abuja-Yaoundé (B).

A. Analyse des principales forces en présence

L'analyse des principales forces susceptibles de donner forme et consistance au système de sécurité commune autonome, afin de lutter efficacement contre les actes de criminalité transfrontalière dans le golfe de Guinée, ne prendra en compte que celles des Etats membres de la CGG. Ce choix s'objective par le fait que c'est la seule organisation de coopération à vocation sécuritaire qui comprend effectivement divers Etats originaires d'Afrique centrale et de l'ouest. En effet, il s'agira de décrypter les atouts et faiblesses du Nigéria, de l'Angola et du Cameroun principalement204(*) à l'aune de divers critères d'ordre diplomatique, socioéconomique et militaire.

S'agissant tout d'abord du Nigéria, ce pays est généralement perçu comme le leader naturel du golfe de Guinée, du fait de nombreux atouts qui plaident en sa faveur. En effet, sur le plan diplomatique, « il a toujours affirmé sa vocation au leadership (...) ; il revendique un siège de membre permanent au Conseil de Sécurité de l'ONU ; il est membre du Conseil de Paix et de Sécurité de l'UA et l'un des moteurs du NEPAD ; pilier de la CEDEAO, il se positionne également comme médiateur dans différents conflits et a créé un « fonds spécial du Nigéria » domicilié à la BAD. »205(*) Sur le plan économique, le Nigéria est le premier producteur africain de pétrole avec en 2010 une production journalière qui s'élevait à 2,4 millions de barils par jour.206(*) Sur le plan militaire, avec un cinquième du budget de l'Etat alloué aux forces de sécurité, (4,4 milliards d'euros207(*), soit environ 2886 milliards de FCFA), le Nigéria est la première puissance armée de la région208(*).

Toutefois, ce pays est « handicapé par le caractère déplorable de son image de marque : succession de coups d'Etats, montée de l'islamisme, corruption endémique, perception comme pays de grande mafia et de blanchiment d'argent, trafic de stupéfiants, provincialisme et arnaque internationale. »209(*) Bref, le Nigéria est considéré comme l'épicentre de toutes les formes de criminalité dans la région. En effet, avec ses 170 millions d'habitants dont la majorité est en proie à l'extrême pauvreté, les bandes criminelles prospèrent grâce à la mauvaise gouvernance des affaires publiques conjuguée à la corruption des pouvoirs publics, auxquels s'ajoute une longue histoire de violence politique dans le Delta du Niger210(*).

Concernant ensuite l'Angola, ce pays est souvent présenté comme « la puissance de substitution »211(*) au Nigéria. En effet, situé à la lisière de l'Afrique centrale et australe, ce pays présente quelques atouts qui participent de son rayonnement régional et continental. Pays richement doté de ressources pétrolières212(*), diamantifères et forestières, l'Angola mène une « diplomatie économique »213(*) d'influence dans la région214(*) par le biais de la SONANGOL, l'entreprise publique qui exploite le pétrole et gère ses revenus. Sur le plan militaire, avec une armée de plus de 135000 hommes, bien équipés et aguerris par plus de deux décennies de guerre civile, l'Angola a une réelle capacité de dissuasion dont elle s'est servie au cours de divers conflits dans la région215(*).

Cependant, l'Angola reste encore un Etat fragile dont les fondements peuvent vaciller à tout moment. En effet, pour objectiver sa puissance, les autorités angolaises se doivent de « réimplanter l'administration surtout dans les zones anciennement occupées par l'UNITA, réinsérer les personnes déplacées et les ex-combattants confinés dans des camps, restaurer la paix dans le Cabinda, combattre la corruption au sein de la hiérarchie politique et militaire, diversifier l'économie, résorber la crise des cadres (...), s'attaquer à la montée du racisme dans le pays (legs de l'opposition ethno-raciale qui a sous-tendue la guerre civile angolaise). »216(*)

Enfin, en ce qui concerne le Cameroun, ce pays est incontestablement présenté comme le leader naturel de l'Afrique centrale-CEMAC217(*) en dépit des velléités contestataires de certains de ses voisins, à l'instar du Gabon et de la Guinée-Equatoriale218(*). En effet, considéré comme un oasis de paix et de stabilité politique dans un désert d'instabilité et de désordre sociopolitiques récurrents, le Cameroun dispose de nombreux atouts : géographiquement, il constitue une zone de contact219(*) entre l'Afrique de l'ouest et celle du centre, les deux sous-régions qui forment le golfe de Guinée ; diplomatiquement220(*), membre du conseil de paix et de sécurité de l'UA ainsi que de la CEEAC, le Cameroun a toujours privilégié le non recours à la force dans le règlement des conflits221(*) et la coexistence pacifique des nations ; militairement, avec un budget estimé à 175,353 milliards, les forces de défense camerounaise contribuent aux opérations de maintien de la paix dans la région222(*) et dans le cadre continental et onusien. Considérant ce dernier aspect, le Cameroun dispose de nombreux atouts géophysiques permettant la tenue dans son territoire d'exercices opérationnels conjoints223(*) de protection et de sécurisation du golfe de Guinée, permettant ainsi d'entrainer les forces militaires des différents Etats riverains de la région avec l'appui technique et financier des partenaires étrangers.

Cependant, le Cameroun « demeure (...) recroquevillé sur lui-même et ne saurait dès lors assumer seul ce rôle »224(*) de leader dans le golfe de Guinée. Car, projeté à cette échelle, le Cameroun s'apparente à une puissance moyenne qui ne saurait faire cavalier solitaire dans la gestion efficace de ses nombreuses contraintes sécuritaires. En effet, avec un effectif évalué à environ 3000 hommes en 2010, le Bataillon d'Intervention Rapide (BIR), l'unité d'élite spécialisée dans la lutte contre le grand banditisme et chargé de la sécurisation des zones frontalières terrestres et maritimes du territoire, ne semble pas encore en mesure d'assumer efficacement son rôle225(*) et d'empêcher les attaques menées envers et contre les intérêts du Cameroun226(*), miné qu'il est par les querelles intestines propres à l'armée camerounaise227(*).

Au regard de ce qui précède, il ressort que le leadership régional en matière sécuritaire ne peut revêtir qu'un caractère dual structuré autour de l'axe Abuja-Yaoundé. Plusieurs raisons corroborent cette option.

* 203 AWOUMOU Côme Damien Georges, op.cit., p.6

* 204 La RDC, géant géographique et démographique en Afrique Centrale, aurait pu également être analysée si elle n'était pas en proie à une instabilité politique chronique et une insécurité endémique qui menacent de la balkaniser et relativisent sérieusement son influence dans la région.

* 205 Idem, p.9

* 206 Sources : Jeune Afrique N°2663 du 22 au 28 Janvier 2012, p.24

* 207 Idem

* 208 Le Nigéria se classe en tête tant en matière d'équipements que d'effectifs avec une force navale d'environ 15000 hommes, une quinzaine de vedettes Defender, une dizaine de patrouilleur hauturier pour la sécurisation des installations maritimes, une dizaine de patrouilleurs côtiers destinés à la surveillance du littoral ainsi que de petits bâtiments de débarquement amphibie. Voir International Crisis Group, Le Golfe de Guinée : la Nouvelle zone à haut risque, op.cit., p.6

* 209 AWOUMOU Côme Damien Georges, op.cit., p.9

* 210Voir International Crisis Group, Le Golfe de Guinée : la Nouvelle zone à haut risque, op.cit., p.7

* 211 AWOUMOU Côme Damien Georges, op.cit.

* 212 L'Angola était en 2006 le deuxième producteur africain de pétrole avec 1,6 millions de barils par jour. Idem.

* 213 Ibid.

* 214 Notamment en RDC où la SONANGOL jouit d'un agrément de distribution d'hydrocarbures. Ibid.

* 215 Nous pensons au conflit congolais dans les Grands Lacs et à la récente crise postélectorale ivoirienne dans lesquels l'Angola a apporté son soutien aux pouvoirs en place avec des fortunes diverses.

* 216 AWOUMOU Côme Damien Georges, op.cit.

* 217 Avec environ 50% de la population, du PIB et de la masse monétaire en circulation dans la zone CEMAC, le Cameroun possède de nombreux atouts faisant de lui le pole universitaire, industriel et agricole de la sous-région.

* 218 Ce pays, du fait de ses avoirs financiers sans cesse croissant grâce à l'exploitation pétrolière, a d'ailleurs réclamé et obtenu l'inscription du principe de la rotation à la tête des institutions de la CEMAC, mettant ainsi fin au consensus de Fort-Lamy de 1972 qui réservait certains postes de responsabilité à certains Etats de l'organisation. C'est ainsi que ce pays obtenu le poste de gouverneur de la BEAC, au grand dam du Gabon qui l'occupait depuis plus de trois décennies déjà.

* 219 Du fait de son double héritage culturel issu de son passé colonial, le Cameroun réalise la synthèse des deux principaux courants d'expression du golfe de Guinée, le français et l'anglais, et peut donc ainsi atténuer la méfiance qui caractérise les relations entre Etats dits francophones et ceux dits anglophones de la région.

* 220 Diplomatiquement, le Cameroun, après avoir piloté la mise en oeuvre du COPAX, a été désigné comme pays hôte du Sommet des Chefs d'Etats de la région sur les questions de piraterie maritime et des vols à main armée dans le golfe de Guinée prévu courant Avril 2013 à Yaoundé. Tout ceci témoigne du poids certain du réseau politique et diplomatique camerounais dans le golfe de Guinée.

* 221 Comme l'atteste le règlement pacifique du différend frontalier et terrestre qui l'opposa au Nigéria au sujet de la péninsule de Bakassi, par le mode juridictionnel et diplomatique.

* 222 Ainsi en est-il de l'envoi de 120 soldats du Bataillon d'Intervention Rapide (BIR) dans le cadre de la mission de consolidation de la paix en Centrafrique (MICOPAX) en décembre 2012, en vue d'apporter un soutien militaire aux autorités de Bangui en proie à la menace des rebelles du mouvement SELEKA qui comptait les renverser.

* 223 Nous pensons ici notamment à l'opération OBANGAME 2013, un exercice opérationnel conjoint de simulation/riposte d'attaques aux larges des eaux du golfe de Guinée qui s'est tenu au Cameroun durant la dernière semaine de Février 2013.

* 224 AWOUMOU Côme Damien Georges, op.cit., p.11

* 225 Cette perception est corroborée par l'enlèvement par un groupe se revendiquant de la secte islamiste et terroriste BOKO HARAM de sept touristes français le 19 Février 2013 dans la localité de DABANGA, dans la région de l'Extrême-Nord. Selon les informations fournies par les autorités camerounaises et relayées par les médias officiels, cette bande de ravisseurs s'est ensuite introduite au Nigéria en franchissant la frontière commune aux deux Etats au grand désarroi du dispositif sécuritaire camerounais déployé à cet effet.

* 226 Comme en témoigne la prise en otage du sous-préfet de Bakassi en février 2011 qui a été revendiquée par l'African Marine Commando (AMC). Cette autorité aurait été libérée après versement d'une rançon. Peu de temps auparavant, un autre sous-préfet enlevé avait été exécuté par ses ravisseurs. Voir International Crisis Group, Le Golfe de Guinée : la nouvelle zone à haut risque, op.cit., p.17

* 227 Considéré comme une armée dans une armée, le BIR bénéficie d'un traitement spécial, avec des avantages et primes qui sont conférés à ses éléments et dont ne bénéficient pas toujours les soldats ordinaires, ce qui suscite jalousies et tensions au sein de l'armée. Voir International Crisis Group, Cameroun : les dangers d'un régime en pleine fracture. , Rapport Afrique N°161, 24 juin 2010, p.9

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius