CHAPITRE III : LA PERFORMANCE HOSPITALIERE ET LA
METHODOLOGIE DE RECHERCHE
Le secteur de la santé représente 4,9% du budget
total de l'Etat du Cameroun pour les années 2009 et 2010, soit 113,3
milliards de francs CFA en moyenne, et malgré le fait qu'il
bénéficie de financements extérieurs, à travers
plusieurs programmes, il se doit d'appliquer une gestion rigoureuse et
performante de ces ressources qui se révèlent souvent
insuffisantes. La notion de performance est très complexe, et son
appréhension nécessite une analyse profonde, aussi la
première section de ce chapitre sera consacrée à la
définition de cette notion, et à l'étude de ses
indicateurs. Ayant fait le lien entre le contrôle de gestion et la
performance, nous pourrons véritablement effectuer notre
évaluation, et pour cela, nous devrons dans notre deuxième
section, construire une méthodologie adaptée à la
spécificité de cette étude.
SECTION 1. LA NOTION DE PERFORMANCE A L'HOPITAL
Les établissements de santé, qu'ils soient
publics ou privés, sont confrontés à une double contrainte
aux fondements parfois antagonistes (BONAFINI, 2005) : une contrainte
économique, due au resserrement des finances publique, du fait des
différentes crises subies par les pays depuis les années 80, et
une contrainte sociale qui est celle de la mise à disposition des soins
de qualité à tous les citoyens. La question de la maîtrise
de la gestion des ressources hospitalières, et donc de la performance,
est très importante, surtout avec la réduction des allocations
budgétaires de l'Etat, et du pouvoir d'achat des patients. Le terme
performance est très présent dans la littérature de
gestion, mais son champ d'étude est très vaste et complexe. Dans
cette section, nous allons présenter le concept de performance, ainsi
que les indicateurs permettant de la mesurer, tout en mettant en exergue son
lien avec le contrôle de gestion.
Rédigé et Soutenu Publiquement par : MOUTO NSIA
Charlotte Page 77
Contribution du Contrôle de Gestion à la
Performance des Hôpitaux Publics au Cameroun
1.1. PRESENTATION DU CONCEPT DE PERFORMANCE
Dans cette partie, nous présenterons les
différentes dimensions de la performance ainsi que le cadre que nous
avons délimité pour mener à bien notre étude.
1.1.1. LES DIMENSIONS DE LA PERFORMANCE
Il existe plusieurs formes de performance, toutefois, nous
allons dans un premier temps, rechercher un essai de définition de cette
notion, puis en étudier les particularités.
1.1.1.1. Définition
Le concept de performance apparaît au milieu du
19ème siècle, faisant référence aux
résultats de course d'un cheval, ou à l'exploit sportif d'un
athlète, au 20ème siècle, il indique les
capacités d'une machine. C'est au début des années 80 que
les auteurs se sont attachés à
définir la notion de performance (BOUQUIN, 1986 ;
BESCOS, et al. 1993 ; BOURGUIGNON, 1995).
La notion de performance a fait l'objet de nombreuses
définitions dans la littérature de gestion: selon ALBANES
cité par PAYETTE (2000), la performance est la raison des postes de
gestion, elle implique l'efficacité et l'efficience. MILES quant
à lui, pense que c'est la capacité de l'organisation à
réaliser une satisfaction minimale des attentes de sa clientèle
stratégique (LEVIN et MINTON, 1986). CHANDLER (1992) appréhende
la performance comme l'association de l'efficacité stratégique et
l'efficacité fonctionnelle. Selon MARCHESNAY (1991) elle désigne
le degré de réalisation du but recherché. Enfin, LORINO
(1997) pense qu'est performant dans l'entreprise tout ce qui contribue à
l'amélioration du couple valeur-coût.
Toutes ces définitions mettent en relief trois notions
très importantes dans le concept de performance: l'efficacité,
l'efficience et la pertinence.
L'efficacité se définit comme la
capacité d'une organisation à atteindre les objectifs qui lui
sont fixés, quant à l'efficience, elle s'apparente à
l'atteinte de ces objectifs avec des ressources limitées. Enfin la
pertinence indique l'adéquation entre la réalité et le
projet, les objectifs devant être avant tout réalistes, et
adaptés au projet.
Rédigé et Soutenu Publiquement par : MOUTO NSIA
Charlotte Page 78
Contribution du Contrôle de Gestion à la
Performance des Hôpitaux Publics au Cameroun
Il est donc très difficile de donner une
définition unanime de la performance, toutefois, celle de BOURGUIGNON
(2000), montre bien le caractère subjectif de ce concept. Selon cet
auteur, la performance se définit comme « la réalisation des
objectifs organisationnels quelles que soient la nature et la
variété de ces objectifs. Cette réalisation pouvant se
comprendre au sens strict (résultat, aboutissement) ou au sens large du
processus qui mène au résultat (action)... » (p. 934). Cette
définition s'applique autant à l'organisation qu'à
l'individu: « est performant celui ou celle qui atteint les objectifs
» (BOURGUIGNON, 1995, p. 65).
Il existe plusieurs approches du concept de performance;
MORIN, SAVOIE et BEAUDIN (1994) en distinguent quatre:
· L'approche économique: elle
repose sur la capacité de l'entreprise à dégager les
profits et à permettre la rémunération de ses capitaux,
elle est souvent énoncée en terme financier ou économique
(ROI, valeur boursière de l'entreprise...);
· L'approche sociale: elle prend en
compte la dimension humaine de l'organisation, mettant l'accent sur la
cohésion et le moral des salariés, qui doivent garantir
l'intensité et la qualité du travail;
· L'approche environnementale: par
opposition aux précédentes, elle propose un modèle
adapté à l'environnement, en mettant l'accent sur la protection
et le développement des ressources financières ainsi que la prise
en compte du marché et de la qualité des produits et services.
Cette approche montre la capacité de l'organisation à s'adapter
à son environnement;
· L'approche politique: mettant en
cause les trois approches précédentes, elle considère que
chaque acteur peut avoir ses propres critères pour juger de la
performance de l'organisation. Elle serait donc une construction sociale qui
dépendrait du point de vue des acteurs.
A l'hôpital, la performance recouvre à la fois
l'efficacité socio-économique (la prestation
de soins répond-elle aux besoins de santé?
est-elle adaptée au standard de qualité attendu ?), l'efficience
(la réalisation du service se fait-elle au moindre coût ?), et la
qualité du service (l'accessibilité aux soins, les délais
d'attente...) selon BLANC et al. (2007). Cette définition de la
performance hospitalière est complétée par l'approche de
CLAVERANNE et PASCAL (2004) qui distinguent trois visions
interdépendantes de cette performance:
· Une vision externe: elle est
fondée sur les indicateurs sanitaires de santé publique
(espérance de vie à la naissance, taux de mortalité
infantile...);
Rédigé et Soutenu Publiquement par : MOUTO NSIA
Charlotte Page 79
Contribution du Contrôle de Gestion à la
Performance des Hôpitaux Publics au Cameroun
· Une vision médicale qui
suppose la mesure de l'efficacité des résultats relativement
à des référents et qui vise à minimiser le risque
clinique (délais d'évaluation d'un accident vasculaire
cérébral&);
· Une vision administrative renvoyant
à l'efficience des activités d'un établissement de
soins.
Notre recherche intègre les deux dernières
visions de la performance hospitalière, à savoir, la vision
médicale et la vision administrative. Le concept de performance est
multidimensionnel, en entreprise, il existe autant d'approches que de parties
prenantes.
1.1.1.2. Les différentes formes de la
performance
Longtemps réduite à sa dimension purement
financière qui consistait en la réalisation de la
rentabilité souhaitée par les actionnaires, avec le chiffre
d'affaires et la part de marché garantissant la pérennité
de l'entreprise, la performance a été progressivement
élargie au cours de ces dernières années, pour prendre en
compte ses dimensions sociale et environnementale. C'est ZENISEK (1979) qui, en
segmentant l'évolution historique de l'entreprise en quatre phases
principales, montre parallèlement l'apparition d'autres formes de
performances. En effet, pendant la période 1850-1910, la gestion
concernait uniquement les dirigeants et les actionnaires, mais la montée
progressive en puissance des syndicats (1910-1950), induit une prise en
considération croissante des salariés. Les années de
récession 1945-1965 ont entraîné la
supériorité de l'offre sur la demande, exigeant ainsi le
développement des techniques de marketing pour mieux attirer et
fidéliser les rares clients. Progressivement, les nouveaux acteurs
à savoir les clients, les fournisseurs et les distributeurs sont pris en
compte, enfin, à partir de 1960, des exigences apparaissent au niveau de
la responsabilisation des coûts sociaux et environnementaux. Nous
remarquons donc qu'au fil des décennies, de nouveaux acteurs entrent
dans le processus de performance de l'entreprise, entrainant la
nécessité d'autant de performances que de parties prenantes:
performance financière, économique, technique, sociale, humaine,
organisationnelle, environnementale, éthique&nous allons en
présenter les plus fréquentes.
a. La performance économique
La performance économique fait référence
à l'efficacité du développement, de la production et
à l'efficacité commerciale, elle privilégie la croissance
du volume d'affaires et des parts de marché.
Rédigé et Soutenu Publiquement par : MOUTO NSIA
Charlotte Page 80
Contribution du Contrôle de Gestion à la
Performance des Hôpitaux Publics au Cameroun
b. La performance financière
C'est l'approche la plus privilégiée par les
dirigeants et actionnaires d'une organisation, elle traduit l'efficacité
de la stratégie financière et accompagne la performance
économique.
c. La performance technique
Elle fait référence à l'utilisation
efficace des ressources de l'entreprise, le degré d'innovation dans le
système de gestion, le processus de production ainsi que les biens et
services produits par l'entreprise. La performance technique est perçue
différemment en fonction de l'activité de l'entreprise, ainsi,
à l'hôpital, elle pourrait faire référence à
l'accueil, la prise en charge des malades, à la qualité des soins
dispensés, à celle des équipements&
d. La performance sociale et humaine
La performance sociale peut être définit comme
le niveau de satisfaction atteint par l'individu participant à la vie de
l'organisation, ou encore l'intensité avec laquelle chaque individu
participe et adhère aux propos et moyens de l'organisation (DU MONCEL
cité par BAYED, 1992).
La performance humaine est un facteur très sensible
dans l'organisation, car l'Homme est le facteur le plus important qui participe
à la performance économique dans l'organisation. Contrairement
à l'époque taylorienne pendant laquelle l'Homme était
considéré comme un simple outil de travail, de nos jours, le
salarié est plus mis en relief, notamment avec les notions de
motivation, de responsabilisation, la performance humaine permet
désormais un partage du pouvoir entre les salariés et
l'entreprise.
e. La performance organisationnelle
KALIKA (1985) définit la performance organisationnelle
comme « les mesures portant directement sur la structure organisationnelle
et non pas sur ses conséquences éventuelles de nature sociale ou
économique ». Quant à BOUQUIN (1988), il l'appréhende
comme « la capacité d'une organisation à déterminer
et à mettre en oeuvre de bonnes stratégies dans le cadre des
finalités qu'elle poursuit ».
Rédigé et Soutenu Publiquement par : MOUTO NSIA
Charlotte Page 81
Contribution du Contrôle de Gestion à la
Performance des Hôpitaux Publics au Cameroun
|