La réforme hospitalière de MAI 2003 a
été le point de départ d'une réflexion sur la
nécessité de revoir le système de gestion des
hôpitaux publics au Cameroun avec une meilleure prise en compte des
critères de résultats dans la performance, nous parlerons ici du
contexte de la mise en place de cette réforme ainsi que des exigences de
cette dernière.
1.1.2.1. Le contexte de la réforme
Suite au sommet des Nations Unies, tenu en l'an 2000 sur les
objectifs du millénaire pour le développement, les dirigeants du
monde entier souscrivent à un ensemble d'objectifs parmi lesquels, le
secteur de la santé occupe une place très importante. Au
Cameroun, un document de stratégie de réduction de la
pauvreté (DSRP) est mis en place, document dans lequel, une
stratégie sectorielle de santé préconise: la
réduction du tiers au moins de la charge morbide globale et de la
morbidité des populations les plus vulnérables, développer
le paquet minimum d'activité par formation sanitaire, la pratique de la
gestion efficace et efficiente des ressources dans 90% des formations
sanitaires et services de santé publics et privés à
différents niveau de la pyramide. Pour atteindre ces objectifs, huit
programmes sont mis en place, la réforme hospitalière de 2003,
étant un sous programme clé de ceux-ci.
Les huit programmes initiés concernent la lutte contre
la maladie, la santé de la reproduction, la promotion de la
santé, les médicaments et consommables médicaux
essentiels, l'amélioration de l'offre de santé, le financement du
secteur de la santé, le développement institutionnel et le
processus gestionnaire.
Le processus gestionnaire qui est le point essentiel de cette
réforme sur lequel se base notre étude, porte sur
l'amélioration de la gestion financière du secteur de la
santé, des infrastructures et équipements, des ressources
humaines, du système d'information sanitaire, en vue d'améliorer
l'offre de soins et services de la santé.
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Notons que cette réforme est la première qui
met en exergue la nécessité d'une gestion plus rigoureuse du
secteur sanitaire au Cameroun, car s'il est vrai que la rationalité
économique est placée au second plan, l'hôpital public
étant une entité à but non lucratif, il n'en demeure pas
moins que, les ressources étant de plus en plus restreintes, la
nécessité d'une bonne gestion permet un meilleur rendement, et
même une augmentation de l'activité, signe d'efficience.
L'objectif principal de cette réforme est de «
contribuer à l'amélioration de la qualité des soins et de
la prise en charge des patients dans un réseau hospitalier ».
Il se décompose en sous objectifs suivants:
· Redéfinir les missions des différentes
formations sanitaires à l'horizon 2005 ;
· Augmenter l'efficacité des formations sanitaires
publiques et privées contractualisées de 50% à l'horizon
2006 ;
· Amener au moins 80% des formations sanitaires à
pratiquer une gestion rationnelle de leurs ressources à l'horizon 2006
;
· Développer à l'horizon 2010 au moins deux
pôles d'excellence dans chaque hôpital national.
Ces objectifs découlent d'une appréciation
négative faite sur le système global de gestion des
hôpitaux publics au Cameroun, le diagnostic effectué fait
état de la nécessité d'un changement radical, et de la
mise en place d'une nouvelle vision de la gestion de l'hôpital.
+ Le diagnostic du système hospitalier au
Cameroun
Une analyse profonde du système de santé au
Cameroun, effectuée par le Ministère de la Santé Publique
a permis de mettre en exergue plusieurs limites et manquements, qui ont rendu
nécessaire la mise en place de la réforme de Mai 2003.
Le problème central du système de soins au
Cameroun est « le faible accès des populations aux soins de
santé de qualité ». Les causes évoquées sont
multiples :
· L'accès inéquitable des populations
aux soins de santé
Cette inégalité d'accès des populations
aux soins est due à l'insuffisance des formations sanitaires de
1ère référence, à une mauvaise
répartition financière des ressources entre les formations
sanitaires, à une non collaboration entre les grands hôpitaux et
les formations de référence inférieure.
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· Une qualité des soins dispensés
très peu satisfaisante
Elle est due à une gestion des ressources humaines peu
satisfaisante, une inadéquation entre les ressources financières
et les missions des établissements, un déficit des plateaux
techniques, une absence de planification opérationnelle, une
organisation technique anarchique.
Le point le plus important de ce diagnostic concernant notre
recherche est celui de la gouvernance dans les formations sanitaires, celle-ci
est très peu satisfaisante comme nous allons le démontrer dans
les lignes qui suivent.
· Une mauvaise gouvernance des formations
sanitaires
L'amélioration de l'état de santé d'une
population est fonction non seulement de l'environnement dans lequel elle
évolue, mais aussi des capacités de son système de soins.
Le système de soins notamment dans les grands hôpitaux montre une
mauvaise organisation de l'offre de soins, et des services de santé.
Ceci est souvent dû à une non définition et description des
missions des services, ce qui conduit à un travail sans réelle
planification. En réalité, les hôpitaux sont
administrés et non gérés, il y a une absence des outils de
gestion (absence de la comptabilité, manque de critère
économique dans la prise de décision, absence d'équilibre
des comptes&), une insuffisance du système d'information
hospitalier, de la gestion des équipements. Le personnel technique n'a
pas de fil conducteur, et les conséquences sont multiples, à
l'instar du mauvais accueil des usagers, l'absence de la permanence dans les
soins, les coûts de soins élevés, la complexité des
mécanismes de prise en charge des malades, une absence de protocoles
dans le diagnostic et la thérapie.
Le deuxième problème est celui de la corruption
qui de plus en plus, prend le pas sur l'efficacité et le
dévouement du personnel hospitalier. Ceci est conséquent à
l'absence de description des tâches, et postes dans les formations
sanitaires, une démotivation du personnel, un faible niveau des
salaires, à la non application du règlement, ce qui crée
un flou total et un certain laxisme propice à des écarts dans la
gestion des malades.
Une observation certaine montre également une
inefficacité dans la gestion des ressources sanitaires, à ce
titre, la démotivation et la mauvaise gestion du personnel sont des
manifestations d'une absence de gestion des carrières, une absence ou un
non respect de la règlementation dans le recrutement du personnel, la
conséquence principale est donc l'insuffisance de la prise en compte du
patient au sein de l'hôpital.
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De plus, la gestion financière est peu satisfaisante,
la gestion des crédits de l'Etat est complexe, les recettes propres des
grands hôpitaux sont peu sécurisées. En effet, les
hôpitaux se contentent de l'utilisation des allocations
financières de l'Etat, et de diverses subventions or le chiffre
d'affaire qu'ils réalisent est très élevé.
Concernant les ressources informationnelles, il faut noter
que le système d'information hospitalier, bien que très complexe,
est très mal géré, la collecte des informations sanitaire
est encore très insuffisante pour le suivi des malades.
Enfin, la gestion du patrimoine est encore insatisfaisante,
les équipements et le matériel ne connaissent pas un suivi
adéquat, ce qui entraine la détérioration de ce dernier,
de ce fait, le coût des prestations se retrouve élevé, car,
les ressources matérielles sont de plus en plus réduites.
· La non maîtrise des coûts des
soins
Les problèmes de gouvernance cités
précédemment ont pour principale conséquence, la non
maîtrise du coût des soins, qui entraine une hausse anormale du
prix des soins pour des populations ayant un pouvoir d'achat de plus en plus
faible.
Etant admis que la gestion hospitalière a un
coût, force est de constater que les dirigeants ne se préoccupent
pas encore du calcul et de l'analyse de celui-ci.
Or la maîtrise de ce coût, pourrait aider
à prendre un certain nombre de décisions, car il dépend
non seulement de l'amortissement des équipements médicaux et des
infrastructures, mais aussi des dépenses liées aux achats des
services de maintenance, aux achats de consommables médicaux, à
la rémunération des ressources humaines. Il pourrait aussi
permettre une certaine régulation, et un arbitrage sur le choix des
investissements.
De manière générale, l'hôpital
public fonctionne comme une administration, dans le respect des principes de
règlementation, et de hiérarchisation, sans culture du
résultat, la logique dominante étant celle de l'Etat distributeur
de crédits qu'il juge nécessaire pour l'apport des soins aux
populations. Cette logique entraîne donc la gestion de l'hôpital
à une certaine suffisance dans l'effort produit pour l'efficacité
et même l'efficience de celui-ci, car elle s'oppose à la vision
managériale, structurée autour de la gestion par les
résultats. Toute action médicale, (hospitalisation, vaccination,
chirurgie&) est un service économique, et résulte d'une
activité de production, elle doit donc être traitée comme
telle, s'il est admis que
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le but principal de l'hôpital public est purement
bénévole, sa gestion doit être exemplaire et basée
autour des résultats, pour permettre une meilleure action et si possible
une augmentation de son activité.
Le diagnostic étant effectué, la réforme
hospitalière recommande donc une restructuration totale des
hôpitaux publics, pour permettre la réalisation des objectifs
qu'elle s'est fixé, aussi, selon elle le futur système
hospitalier qui va naitre de son action est complètement
différent.
1.1.2.2. Les nouvelles exigences de la réforme
pour les hôpitaux publics au
Cameroun
L'exigence ultime de cette réforme est de placer le
patient au coeur de l'hôpital, ceci passe par une amélioration de
la gouvernance des hôpitaux publics, une meilleure gestion des ressources
hospitalières, une meilleure qualité des soins, et une
amélioration de l'accès des populations aux soins de
santé.
a. Une meilleure gouvernance des formations
sanitaires
Cette première exigence veut faire passer la gestion
des hôpitaux d'une logique administrative à une logique
managériale, mais ceci n'est possible qu'après la
réalisation de plusieurs conditions dont la principale réside
dans la meilleure organisation de l'offre de soins :
· Accorder à tout hôpital la
personnalité morale et l'autonomie de gestion, ceci passe par la
dotation de textes particuliers, adaptés à cette logique
d'autonomie de gestion;
· Donner au directeur général la pleine
responsabilité de son établissement, et responsabiliser les chefs
de services dans la gestion de leurs unités ;
· Mettre en place des procédures et outils de
management décentralisés pour la gestion des ressources
financières et matérielles;
· Assurer le suivi et l'évaluation à tous
les niveaux du système de santé;
· Conduire des audits externes dans les structures
sanitaires;
· Décrire les tâches et postes à
tous les niveaux;
· Mettre en place un système de sanctions
efficace pour lutter contre l'indiscipline du personnel;
· Mettre en place un mécanisme de lutte contre la
corruption en milieu hospitalier.
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b. Une gestion efficace et efficiente des ressources
hospitalières
Les ressources hospitalières sont matérielles,
humaines, et financières :
· Les ressources matérielles concernent les
infrastructures, les équipements,
ainsi que les médicaments, consommables,
dispositifs médicaux, et réactifs, à
cet effet la reforme propose de :
- Créer au sein de chaque hôpital une unité
de gestion des biens hospitaliers
durables ayant des compétences requises au sein de
l'hôpital;
- Etablir un plan de développement des
équipements;
- Tenir des inventaires périodiques des
équipements;
- Etablir les procédures d'acquisition des
équipements;
- Rendre effectives les normes des équipements et des
infrastructures;
- Elaborer un document de stratégie de maintenance des
équipements et des
infrastructures;
- Rendre disponibles les médicaments, consommables,
dispositifs médicaux, et
réactifs.
· La gestion des ressources financières
demande de :
- Mettre en adéquation les ressources financières
avec les missions des établissements;
- Rationaliser la procédure d'allocation et de mise
à disposition des subventions;
- Maitriser des comptes et des coûts, par la mise en place
d'outils comptables tels que la comptabilité à partie double, la
comptabilité analytique, le plan comptable hospitalier, les états
financiers ;
- L'équilibre des comptes;
- Lier les subventions à la signature de contrats;
· La gestion des ressources humaines
- Assurer une meilleure formation continue pour maintenir le
niveau de compétences et adapter les compétences à
l'emploi.
- L'adaptation des tarifs au pouvoir d'achat de la
majorité des usagers par la mise en place d'un mécanisme de
subvention;
- Assurer le remboursement aux hôpitaux, des tarifs des
urgences non-recouvrées.
Cette réforme totale du système de gestion des
hôpitaux, a été initiée en Mai 2003, et se donne
pour délai de finalisation au courant de l'année 2010. Notre
recherche aidera donc entre autres, à effectuer une certaine
évaluation de l'atteinte de ses différents objectifs. Pour mieux
comprendre l'utilité et le déploiement de cette reforme, pour les
formations sanitaires, il est nécessaire de comprendre le fonctionnement
de l'hôpital, qui allie des compétences techniques, et des
compétences organisationnelles.
Pour une meilleure construction de notre analyse, il est
nécessaire de connaitre le fonctionnement de l'hôpital, ses
missions, ses contraintes, son organisation de manière
générale.