B. L'évolution des Institutions de Microfinance
D'un point de vue conceptuel, l'architecture du secteur
financier repose sur trois grands piliers, à savoir : les institutions
financières, les utilisateurs des services financiers et les
contrôleurs du secteur. En Afrique de l'Ouest et plus
précisément dans les pays de l'UEMOA, le secteur financier est en
pleine recomposition, du fait notamment de l'émergence de nouveaux
acteurs que sont les IMF. Nous proposons ici, une analyse du secteur de la
microfinance en trois points. Le premier porte sur la
généralisation de la microfinance à l'échelle
internationale, tandis que le second présente l'ampleur du
phénomène d'expansion du secteur micro-financier dans l'UEMOA.
Enfin, le troisième point est consacré au cas particulier du
Bénin.
1. La généralisation de la microfinance
à l'échelle internationale
Les observateurs sont unanimes sur le constat d'un
développement accéléré des institutions de
microfinance à travers le monde, notamment dans les pays du tiers-
monde, depuis plus d'une décennie. L'ampleur du développement des
IMF et l'intérêt grandissant qu'elles suscitent conduisent
certains auteurs à penser que la microfinance est une invention
récente, dont la paternité est généralement
attribuée au Professeur Yunus du Bangladesh (avec l'expérience
devenue «célèbre» de la Grameen Bank). En
effet, il est admis que les difficultés d'accès aux ressources
financières constituent l'un des facteurs-clés qui limitent les
capacités économiques des populations pauvres dans les pays du
Sud. Dans sa vocation consistant à offrir des services financiers
adéquats au profit des clients pauvres exclus des banques, la
microfinance est perçue comme un mécanisme de financement
alternatif sensé permettre à ces derniers d'améliorer leur
statut social, voire comme un instrument de réduction de la
pauvreté.
Les estimations de la Banque Mondiale montrent qu'environ un
milliard d'individus vivent dans la pauvreté absolue et sont donc
incapables de satisfaire leurs besoins de base. Pourtant plusieurs d'entre eux
sont capables d'initiatives entrepreneuriales, du moins s'ils pouvaient
accéder à des services financiers adéquats. C'est dans ce
cadre que s'inscrit l'objectif de la campagne du sommet de microcrédit,
lancée depuis 1997, qui consiste à toucher avant l'an 2005, cent
millions des familles les plus démunies du monde et de leur fournir le
crédit et les prestations financières nécessaires à
une activité indépendante (Yunus, 1997). Le tableau suivant
décrit les progrès réalisés dans le secteur de
la
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Réalisé par Olivier
NOUKPOKINNOU
Évaluation de la performance sociale du
programme de microfinance d'APHEDD-BAVEC BENIN
microfinance, en termes de nombres d'institutions et de
clients, depuis l'ouverture de la première campagne du Sommet du
Microcrédit. En une décennie, le nombre d'institutions de
microcrédit6 a plus que quintuplé. De plus, la grande
majorité (soit 98%) des 3.316 IMF recensées (fin 2006)
opèrent dans les pays en développement. L'Afrique vient en
deuxième position de cette répartition avec 29,3% des
institutions, derrière l'Asie qui compte 50,6%. Le nombre de clients
quant à lui est multiplié par près de 10 durant la
même période (Daley-Harris, 2007), avec 70% qui sont
déclarés `'plus pauvres». Cette tranche de la
clientèle enregistre une croissance moyenne légèrement
plus forte (33%) comparativement au nombre total de clients (30,4%).
Tableau 1 : Evolution du secteur de la microfinance dans
le monde
Année
|
Nombre d'IMF Enregistrées
|
Variation
(%)
|
Nombre de clients servis
|
Variation
(%)
|
Nombre déclaré de clients
`plus pauvres'
|
Variation
(%)
|
1997
|
618
|
-
|
13.478.797
|
-
|
7.600.000
|
-
|
1998
|
925
|
49,7
|
20.938.899
|
55,3
|
12.221.918
|
60,8
|
1999
|
1.065
|
15,1
|
23.555.689
|
12,5
|
13.779.872
|
12,7
|
2000
|
1.567
|
47,1
|
30.681.107
|
30,2
|
19.327.451
|
40,3
|
2001
|
2.186
|
39,5
|
54.932.235
|
79,0
|
26.878.332
|
39,1
|
2002
|
2.572
|
17,6
|
67.606.080
|
23,1
|
41.594.778
|
54,7
|
2003
|
2.931
|
13,9
|
80.868.343
|
19,6
|
54.785.433
|
31,7
|
2004
|
3.164
|
7,9
|
92.270.289
|
14,1
|
66.614.871
|
21,6
|
2005
|
3.133
|
-9,8
|
113.261.390
|
22,7
|
81.949.036
|
23,0
|
2006
|
3.316
|
5,8
|
133.030.913
|
17,5
|
92.922.574
|
13,4
|
2007
|
3.552
|
7,12
|
154.825.825
|
16,4
|
106.584.679
|
14,7
|
2009
|
3.589
|
1,04
|
190.135.080
|
22,8
|
128.220.051
|
20,3
|
Accroissement moyen
annuel
|
17,7
|
-
|
28,5
|
-
|
30,2
|
|
Source: Larry R. Reed (2011), p.44.
Parmi les raisons qui justifient l'essor enregistré
dans le domaine de la microfinance, on évoque souvent les
expériences en matière de microcrédit qui ont
montré la possibilité de générer et
d'accroître les revenus des pauvres en utilisant le microcrédit. A
cela s'ajoute la promesse de pérennité qu'inspirent certaines
IMF, dans l'hypothèse que la
6 Depuis le lancement de la campagne du Sommet du
Microcrédit (1997), toute mention du terme « microcrédit
» fait référence aux programmes qui offrent des
crédits pour l'entrepreneuriat et autres services financiers et
commerciaux (y compris l'épargne et l'assistance technique) aux
personnes très pauvres.
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Réalisé par Olivier
NOUKPOKINNOU
Évaluation de la performance sociale du
programme de microfinance d'APHEDD-BAVEC BENIN
microfinance contribue à la mise en place
d'institutions financièrement autonomes et capables d'offrir des
services financiers adéquats sans recourir aux subventions. Cependant,
des débats méritent d'être poursuivis sur la question de
l'efficacité réelle des IMF dans la lutte contre la
pauvreté. Etant donné qu'elle continue de s'inscrire dans le
cadre de stratégies de développement, la microfinance ne
connaîtra de succès que si elle est capable d'établir un
juste équilibre entre les deux fondements de son activité,
à savoir l'intermédiation financière et sociale, en
d'autres termes la finance et le développement. A cet effet, on fait
observer un contraste entre le mouvement émergent des IMF avec toutes
les nouvelles formes d'innovations et les diversités qui lui sont
associées, et la situation des ménages cibles qui, modestement
parlant, ne s'améliore pas de façon remarquable. Tout en
reconnaissant que les innovations enregistrées dans le secteur au cours
de ces dernières années ont fortement contribué au
succès de certaines institutions, il faut rappeler que les
principes-clés dont le non respect peut être préjudiciable
à la vie des institutions, à savoir : le remboursement des
crédits, la performance financière, la pertinence des subventions
au secteur, la mesure d'impact des programmes de microfinance sur les
ménages bénéficiaires, l'épargne.
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