La promotion de la démocratie, de l'état de droit et des droits de l'homme dans l'espace francophone( Télécharger le fichier original )par Aimé, Malick, Corine ROBEYE RIRANGAR , SY, DJISTERA Université Jean Moulin Lyon 3 - Master 2 sciences politiques et relations internationales 2008 |
B) Une complexité de ces missions liées au fonctionnement de l'OIF.La volonté de l'OIF de promouvoir la démocratie, l'Etat de droit et les droits de l'homme sur l'espace francophone est réelle mais cette volonté se heurte d'une part au fait que la Francophonie est une institution politique fragile (1) et d'autre part que la Francophonie est une institution dépourvue de moyens juridiques contraignants (2). 1. Une institution politiquement fragile.La fragilité de l'OIF dans son aspect politique découle de sa vocation culturelle d'origine qui « masque » sa vocation politique naissante. ) Une institution fragilisée par sa vocation culturelle d'origine.L'Agence de Coopération Culturelle et Technique (ACCT) crée en 1969 avait pour vocation comme son nom l'indique de réunir autour d'une langue des Etat et gouvernement parlant le français dans un but de coopération culturelle et technique. Ici, il s'agit de partager cette culture française véhiculée par le français. La vision française de la Francophonie. Depuis le départ, la France avait beaucoup de réticence à l'égard de ce projet de regroupement des pays nouvellement indépendants désireux de poursuivre avec la France des relations fondées sur des affinités culturelles et linguistiques. Cela peut s'expliquer par le traumatisme engendré par la décolonisation. D'ailleurs on constate malgré ces années que ce traumatisme est toujours présent, prenons deux exemples assez parlant à ce sujet : le premier concerne le débat à propos de l'adoption en France de l'article 4 de la Loi du 23 février 2005 et le second concerne l'Algérie. La loi française n° 2005-158 du 23 février 2005 37(*) portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des français rapatriés a suscité un débat houleux en France et surtout dans les anciennes colonies françaises. Dans son article 4 « les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord et accordent à l'histoire et aux sacrifices des combattent de l'armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit ». C'est surtout la première partie du texte qui a réveillé les tensions, il y a ici encore une incapacité des uns et des autres à débattre publiquement de la décolonisation et qui fait de cette partie de l'histoire « une faute honteuse » de la France qu'il vaut mieux laisser de côté. En ce qui concerne l'Algérie le paradoxe persiste car c'est l'un des plus grands pays francophones sans faire pour autant partie de la Francophonie. Cette position se comprend à travers les liens historiques étroits et conflictuels entre la France et l'Algérie car pour cette dernière la Francophonie n'est que le reflet de la France. Il y a quelques années les leaders algériens ont toujours refusé tout lien avec la Francophonie mais cette situation a semble-t-il changé car le Président algérien Bouteflika a été l'invité personnel du Président libanais Emile Lahoud lors du IXème Sommet de la Francophonie à Beyrouth en 2002, où il a prononcé un discours important devant l'Assemblée exprimant l'ouverture de l'Algérie au monde. En ce qui concerne l'adhésion de l'Algérie à l'OIF cette question n'est pas encore d'actualité car l'opinion publique algérienne n'est pas encore prête à franchir ce pas. En survoltant ces deux exemples on eut comprendre les réticences de la France à mettre en exergue ce volet politique de la Francophonie et préfère se contenter de privilégier le volet culturel pour éviter ainsi de se faire traiter de néo- colonialiste à travers cette organisation. En tout cas la France par ses « peurs » sous-estime la force de la Francophonie en matière de politique étrangère comme ce fût le cas « lors du sommet de Beyrouth en 2002 lorsque les 55 chefs d'Etats et de gouvernements présents ont appuyé et donc conforté la position de la France sur la guerre en Irak »38(*). La vision des francophones de la Francophonie. Il est tout à fait dommage de réduire la Francophonie à son élément culturel même en sachant que son rayonnement dans son espace se constate plus par sa représentation culturelle et technique comme par exemple à travers les alliances françaises, sources de documentations et d'ateliers pour des milliers de francophones et autres. Aussi à travers des festivals comme la Francofolies qui met en scène à la Rochelle les artistes francophones, au même titre que le festival du film francophone. Ou encore à travers les jeux de la francophonie compétition sportive très appréciée par les francophones. On peut aussi prétendre que cette vision culturelle de la Francophonie rassure les Etats francophones surtout ceux issus des anciennes colonies françaises car ce sphère culturel est moins polémique et leur évite le sentiment d'être à nouveau sous la tutelle de la puissance coloniale. Ces anciennes colonies promptes à la schizophrénie voient la main de la France sous les décisions de l'OIF car il faut le rappeler la France est jusqu'à ce jour le principal « bailleur de fonds de l'OIF » grâce à ses contributions financières et autres. Si ces pays issus de la décolonisation veulent avancer il faudra qu'ils s'affranchissent de cet héritage et savoir faire la part des choses entre la Francophonie et la France. De toute façon ils sont bien conscients de leur poids dans cette organisation car les institutions de l'OIF sont faîtes de sorte qu'aucun pays francophone ne prédomine face à un autre, tout en respectant le principe « d'un Etat, une voix ». Il est donc indéniable que la Francophonie est imprégnée de culture donc pourquoi ne pas tirer profit de cette richesse commune à tout francophone pour apprendre à mieux se connaître c'est-à-dire aller vers l'autre et éviter ainsi certaines incompréhensions si souvent sources de conflits dans l'espace francophone. Il s'agit ici de faire de cet héritage commun de l'ACCT un atout pour l'avenir comme ce fût le cas lors de la création de celle-ci. En sachant que la Charte de la Francophonie rappelle dans son article 1 que « la Francophonie respecte la souveraineté des Etats, leurs langues et leurs cultures ». Ce qui fait la richesse de cette aire géoculturelle c'est son multiculturalisme à travers le respect et la place qu'elle donne aux cultures de ses pays membres. Comme le rappelle si bien le cadre stratégique décennal de la Francophonie adopté lors de la Xe Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement à Ouagadougou le 26 et 27 novembre 2004 « la Francophonie a su devenir un espace de concertation, permettant à ses membres d'échanger des informations, d'élaborer le cas échéant des positions communes et d'intervenir efficacement dans les débats des autres instances internationales.» Mais pour éviter d'être réduit à sa dimension culturelle l'OIF doit plus vulgariser ses raisons d'être au sein de l'espace francophone, voir au-delà en mettant en relief ses compétences et surtout ses apports à la communauté mondiale. Mais face au contexte politique international l'OIF se doit de réagir pour ne pas laisser ses membres en proie à des difficultés politiques. -La présence de l'OIF sur les questions politiques au sein de son espace. Il n'est pas possible pour l'OIF d'ignorer les questions de nature politique sur son territoire car elle demeure un acteur privilégié au sein de son propre espace. D'ailleurs cet engagement est réaffirmé dans le Cadre stratégique décennal de la Francophonie mise en place lors du Xe Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement des pays ayant le français en partage à Ouagadougou le 26 et 27 novembre 2004. La mobilisation de la Francophonie dans le sphère politique y est considérée comme un des engagements pour lesquels celle-ci se mobilise car « elle donne à la Francophonie une image forte, lisible et crédible ». L'OIF sur ce plan intervient seule ou en partenariat avec d'autres organisations intergouvernementales universelles ou régionales ou encore avec la société civile afin pour une partie de promouvoir la démocratie, l'état de droit et les droits de l'homme dans l'espace francophone. * L'OIF en tant que seule intervenante pour la promotion de la démocratie, de l'état de droit et des droits de l'homme. Cette intervention de l'OIF peut se faire dans le cadre des élections au sein d'un Etat francophone car celles-ci sont un élément de consolidation de la démocratie surtout quand l'Etat est en sortie de crise. En vertu du principe établi par la Déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948 en son article 21, que la Déclaration de Bamako du 03 novembre 2000 reprend « la démocratie exige la tenue, à intervalles réguliers, d'élections libres, fiables et transparentes, fondées sur le respect et l'exercice des libertés publiques.» Ici, il s'agit pour la Francophonie d'éviter que cet élément de la démocratie, qui est l'expression même de la volonté du peuple, fasse l'objet de manipulation ou autres tentatives de fraudes qui pénaliseraient le parti le plus « faible ». Ces intervention de l'OIF dans le cadre des processus électoraux s'inscrivent dans le cadre de la mise en oeuvre du chapitre V de la Déclaration de Bamako du 3 novembre 2000 qui d'ailleurs recommande notamment au secrétaire général de l'OIF de se tenir informer en permanence de la situation de la démocratie, des droits et des libertés dans l'espace francophone..... » Ces interventions se manifestent par deux actions interdépendantes39(*) : l'observation des élections et l'assistance électorale, ces missions ont pour but de renforcer la crédibilité des processus électoraux tout en favorisant l'échange d'expériences et des pratiques positives au sein de l'espace francophone. Ainsi, entre 2006 et 2008, la francophonie a organisé près de soixante missions à caractère électoral et a entrepris des actions multiformes destinées à renforcer les capacités des acteurs et des institutions en charge de la préparation, de l'organisation et du contrôle des élections40(*). Prenons deux exemples de missions d'observation électorale41(*) : - Aux Comores lors des élections du Président de l'Union des Comores du 14 mai 2006 et lors des élections primaires a Anjouan du 16 avril 2006. Au Togo lors des élections législatives du 14 octobre 2007.Prenons deux exemples de missions d'information et / ou de contact : - En Haïti pour une mission d'information et d'accompagnement du processus électoral lors du second tour des élections législatives et sénatoriales du 21 avril 2006. - Au Mali pour une mission d'information à l'occasion de l'élection présidentielle du 29 avril 2007. * La coopération entre l'OIF et d'autres organisations intergouvernementales universelles ou régionales ou encore avec la société civile. Cette coopération entre l'OIF et les autres organisations intergouvernementales se manifeste soit par des collaborations sur le terrain soit par des réunions internationales sur des questions d'actualités. On peut prendre comme illustration la réunion sur les partenariats en matière d'alerte précoce et de prévention des conflits le 21 et 22 avril 2008 à l'initiative de l'OIF et de l'ONU en présence de la majorité des organisations et institutions internationales et régionales. Il s'agissait ici d'échanger des expériences entre praticien de l'alerte précoce et de la prévention des conflits. On relève aussi l'existence de collaborations entre l'ONU et l'OIF dans le cadre de l'observation et l'assistance électorale lors de différentes échéances électorales au sein de l'espace francophones. Prenons le cas d'une concertation sur le terrain entre l'OIF et l'ONU au sein de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation de Haïti dans le cadre de sa mission d'observation lors du premier tour des élections présidentielles, législatives et sénatoriales du 7 février 2006, ainsi que dans le cadre de sa mission d'information et d'accompagnement lors du second tour des élections législatives et sénatoriales du 21 avril 200642(*). D'ailleurs à ce propos, l'article 12 de la Charte de la Francophonie dit : De la Conférence des organisations internationales non gouvernementales et des organisations de la société civile stipule que « Tous les ans, le Secrétaire général de la Francophonie convoque des organisations internationales non gouvernementales, ... » . Ce qui prouve la place que donne l'OIF aux acteurs internationaux non gouvernementaux. * 37 J.O. 46 du 24 février 2005 ( http ://www.droit.org/jo/20050224) * 38 Michel Guillou, « Francophonie Puissance : l'équilibre multipolaire » p°116(sous la direction de), Mondes réels, Aymeric Chauprade. * 39 Rapport sur l'état des pratiques de la démocratie, des droits de l'homme et des libertés dans l'espace francophone 2008 * 40 Idem * 41 Source Rapport 2008 * 42 Le Potentiel édition 3875 du vendredi 10 novembre 2006 ( http://www.lepotentiel.com/afficher_article.php?id_edition=&id_article=37106) |
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