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Le rôle de l'Armée dans la pacification des nations. Cas de la RDC et du Rwanda

( Télécharger le fichier original )
par Dieumerci RIZIKI BYANGOY
Université de Lubumbashi RDC - Licence en relations internationales 2011
  

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CHAPITRE II. ARMEE DANS LA THEORIE STRATEGIQUE OU THEORIE
DE LA SECURITE

Dans Ce chapitre nous analysons l'armée entant qu'instrument de défense, comme instrument de dissuasion, comme instrument de coercition ainsi que comme instrument de statu quo.

Plusieurs Illustres stratèges ont, de tout temps, tenté de déterminer les lois générales régissant les confrontations entre forces armées. Certaines de ces lois, de par leur pertinence et leur universalité, ont été érigées en principes dits "Principes de la guerre".

Parmi ces principes, il faut citer :

· La conservation de la liberté d'action

· La concentration des efforts

· L'obtention de l'effet de surprise

· La définition et la persistance du but à atteindre

· Le soutien du moral

· La qualité de l'administration

· L'économie des moyens

· L'unité de commandement

· L'initiative et l'offensive

· La simplicité

· L'anéantissement des forces ennemies.

? Les principes et les règles de l'art militaire

Comme déjà indiqué, il existe plusieurs manières de présenter les principes de l'art militaire. Le célèbre historien militaire Henri Bernard qui fut longtemps le professeur d'histoire militaire de l'École royale militaire (Belgique) considérait qu'il y avait trois principes de base desquels découlaient diverses règles. Nous les énumérons ci-dessous :

· La proportionnalité des buts et des moyens o La nécessité du renseignement

34

? La liberté d'action

o La réunion des forces

o L'inviolabilité de la ligne de communication

o La sûreté

o La dissimulation des intentions à l'ennemi

? Le rendement maximum ou l'économie des forces

o La réunion du maximum de moyens

o Le maximum d'intensité

o La coopération

o L'unité de commandement

o Le choix du moment

o Le choix de l'endroit

o La surprise

o La vitesse

o La continuité

Dans la fonction de l'utilisation de la force, une armée peut être un instrument de la défense, un instrument de dissuasion, un instrument de coercition ou un instrument de statu quo.

? Les enjeux de la sécurité et les facteurs stratégiques

Fonction de
l'utilisation de la force

Facteurs qui
influencent la
stratégie avant 1945

Facteurs qui
influencent la
stratégie après 1945

Défense : mobilisation

Formulation d'une

Formulation d'une

des ressources en vue

stratégie fondée

stratégie fondée

de limiter les dommages

essentiellement sur la

essentiellement sur la

encourus lors d'une

capacité de faire la

capacité de prévenir la

attaque.

guerre. Prédominance

guerre. Approches

 

d'une approche

surtout psychologiques

 

militaire privilégiant les

et diplomatiques

 

concepts d'offensive et

privilégiant le concept

35

 

victoire.

de gestion des conflits.

Dissuasion : empêcher l'adversaire d'initier une attaque.

Considérations des

facteurs militaires et
politico-diplomatiques

qui influencent les

choix stratégiques.

La dissuasion est le

produit de l'équilibre
entre les puissances.

Considérations des

facteurs technologiques

et existentiels qui

influencent les choix

stratégiques. La

dissuasion est le
produit de l'équilibre de la terreur nucléaire.

Coercition : chercher à

modifier le

comportement d'un

adversaire.

Opération de guerre

« totale » et souvent
directes afin de réaliser des objectifs politiques. Guerres

conventionnelles de

type européen

dominent.

Opération de guerre

« limitée » et souvent

indirectes afin de

réaliser des objectifs

politiques. Guerres

conventionnelles et

révolutionnaires se

déroulant

principalement dans le tiers-monde.

Statu quo : manoeuvres symboliques.

Dimension de l'intérêt

national et importance

du « déséquilibre du
rang » entre les Etats. Recherche du prestige et luttes d'influence

Dimension idéologique

des conflits modernes et

accentuation des
guerres de diversion et du terrorisme. Montée

des acteurs non
Étatiques.

Ce tableau23 ci-dessus explique la question de la pensée militaire classique en mentionnant les facteurs qui influencent la stratégie avant et

23 Michel Fortmann, Thierry Gongora in études internationales, Volume : 20, (1989)

36

après la fin de la deuxième guerre mondiale : ça nous permet de comprendre le but recherché chaque fois qu'une armée est utilisée ; que ça soit dans le cadre de la défense, de la dissuasion, de la coercition ou même de la recherche du statu quo.

Trois fonctions de l'utilisation de la force, nous intéressent les plus dans le cadre de ce chapitre, il s'agit de l'armée comme instrument de défense, l'armée comme instrument de dissuasion et l'armée comme instrument de coercition. Pour plus de détail, Ces trois points vont faire l'objet des trois sections suivantes :

SECTION I : ARMÉE COMME INSTRUMENT DE DÉFENSE

La création d'une armée républicaine n'est en soit une fin, il faut encore doter la République d'une politique de défense innovante, adaptée aux menaces multiformes auxquelles le pays peut faire face, en vue d'optimiser les opportunités et de minimiser les vulnérabilités et arriver ainsi à accomplir les différentes missions d'une armée républicaine.

En effet, « Un Etat qui n'élabore pas un concept de défense adapté à ses besoins, à ses potentialités, à ses caractères, manque à sa mission principale et se condamne à la soumission, peut-être à la disparition 24», pour paraphraser Alain Plantey.

Les armées et les politiques de défense sont pleinement concernées par le problème de l'influence et des rôles sociaux ainsi que de politique des idées. Vue des armées et les politiques de défense, comment cette question se présente-elle?, les politiques de défense et l'évaluation de puissance militaire sont, en règle générale, conçues et analysées, par les analystes comme par les praticiens, d'un point de vue matériel. La perspective la plus courante est issue des conceptions réalistes dans l'étude des relations internationales et du paradigme du choix rationnel. Dans les évaluations conventionnelles de la puissance et de l'efficacité militaires, ce sont des

Fortmann M et Gongora T ; «la pensée militaire classique », in

24 Alain Plantey, « Une diplomatie de la défense », in Stratégique, 2ème trimestre, 1985

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facteurs matériels qui sont considérés comme les déterminants, notamment le nombre des soldats et surtout aujourd'hui le nombre et la quantité des armements. Si la capacité du commandement, la surprise et la manoeuvre jouent un rôle, leur influence est souvent jugé moindre. Parallèlement, la stratégie militaire semble propice au paradigme de l'acteur rationnel, aux calculs et à l'expression des intérêts. Données matérielles quantifiables, maitrise des capacités physiques des armements et, de là, maitrise de la fabrication des armements et de leurs emplois caractérisent nombre de conceptions de la puissance militaire et de ses usages. Depuis l'Antiquité, la rationalité dans la stratégie militaire a été associée aux sciences et aux techniques. Ces rapports entre rationalité technique et rationalité stratégique sont d'ailleurs pour beaucoup dans la genèse du « paradigme de l'acteur rationnel » dans le domaine stratégique. Les exigences de la guerre et, plus généralement, l'action dans un milieu conflictuel sont au coeur de l'affirmation de la raison d'Etat et des intérêts des Princes, que l'on croit pouvoir distinguer de leurs croyances religieuses et de leurs aspirations idéalistes. Force, raison, connaissance : c'est la « liberté de conscience au fait des armes » qui apparait ici et que l'on retrouve dans la tradition réaliste en relations internationales25. Les lumières, mais également la première guerre mondiale et la création des armes nucléaires vont accentuer ce rapport à la rationalité, à la science et aux techniques, qui semble, à première vue, mettre à l'écart les idées, les normes et les cultures.

De plus, il semble difficile de théoriser la stratégie sans le paradigme de l'acteur rationnel « (...) la théorie stratégique, écrit Lucien Poirier, ne se constitue et ne se justifie qu'en construisant du rationnel, du logique, malgré et avec les incertitudes propres à ce types d'action »26.

25 Etienne Thuau, Raison d'Etat et pensée politique à l'époque de Richelieu, Paris, Albin Michel, 2000 (Bibliothèque de l'évolution de l'humanité) 1re éd : 1966), p. 317-318.

26 Lucien Poirier, Essais de stratégie théorique, Paris, Fondation pour les études de défense nationale, 1983, p.19

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§1. Armée instrument de légitime défense conformément à la charte de l'ONU

C'est le droit de pouvoir préserver son intégrité lorsque l'on est victime d'une agression. En droit international, c'est la réponse qu'un Etat doit exercer contre un acte qui met en jeu sa souveraineté.

L'historique du principe de la légitime défense.

1) Avant le Pacte Briand-Kellog de 1928.

Les Etats pouvaient invoquer la légitime défense pour répondre aux atteintes qui leur étaient portées. Cette notion est encadrée juridiquement à partir du XIXème, suite à l'affaire de la Caroline (1837) entre les USA à la GB : un bateau américain utilisé par des canadiens pour détruire des navires anglais, est détruit par les britanniques dans le port américain où il s'était réfugié. Les USA ont invoqué une violation de leur territoire pour réclamer une mise en cause de la responsabilité de la GB, mais celle-ci a plaidé la légitime défense. Les parties ont alors adopté un compromis précisant cette notion : la légitime défense peut être invoquée si elle est immédiate, impérieuse et qu'il n'y a pas d'autres choix pour se défendre. Ces conditions ont toujours été reprises, et la légitime défense est devenue un principe coutumier.

2) Après le Pacte Briand-Kellog de 1928.

Le Pacte prévoit que la légitime défense est la seule exception admise au principe de l'interdiction définitive du droit de recourir à la force armée. Les Etats ont donc utilisé cette notion pour légitimer leurs interventions, et ce principe est devenu le droit fondamental de recourir à la force, d'autant plus que les conditions de son invocation sont restées les mêmes, et qu'aucune procédure n'était prévue.

3) Après la Deuxième Guerre Mondiale et la Charte des Nations-Unies.

39

Le principe de légitime défense est consacré conventionnellement à l'art.51 de la Charte des Nations-Unies. Les rédacteurs ont craint que les Etats n'en fassent une utilisation abusive, et ont donc relié cet article à un système de sécurité collectif27 : les Etats qui veulent utiliser la légitime défense doivent saisir le Conseil de sécurité de l'ONU pour qu'il se prononce sur cette situation de légitime défense. Contenu et portée du droit de légitime défense tel que codifié à l'art.51 de la Charte.

L'art.51 se trouve dans le Chapitre 7 de la Charte des Nations-Unies, consacré à l'action du Conseil de Sécurité des Nations-Unies en vue du maintien et du rétablissement de la paix.

1) Un droit naturel.

L'art.51 de la Charte des Nations-Unies énonce qu'il s'agit d'un droit naturel : il est donc immuable et universel. Dès qu'un Etat existe, ce droit lui est conféré, et aucun texte ne peut le remettre en cause.

CIJ, 1986 Activités militaires et paramilitaires des USA au Nicaragua : le droit de légitime défense a un caractère coutumier. Il redevient un droit positif, susceptible d'évoluer du fait de la pratique des Etats.

2) Un droit individuel ou collectif.28

Un groupe d'Etat d'une même région peut faire une application collective de ce droit. Des pactes militaires de défense ont été conclus : le traité de l'Atlantique Nord (1949), le pacte de Varsovie (1955)...

27. Zourek, J « La notion de légitime défense en droit international - Rapport provisoire », AIDI 56 (1975), p. 1-80.

28 Dinh, N. Q ; Droit international public, LGDJ, coll. « Traités », 1999.

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La multiplication de ces pactes a mis en danger la stabilité internationale, car dès qu'un Etat partie au pacte était agressé, tous les autres signataires pouvaient intervenir au titre de la légitime défense.

Selon la coutume :

? l'accord de défense collective doit avoir été librement consenti (pas imposé à l'Etat).

? les Etats-parties à l'accord ne peuvent intervenir qu'en cas d'agression dirigée contre l'un des Etats-parties au pacte. Chaque Etat a un droit personnel à utiliser la force armée pour défendre l'Etat agressé. Ex : en 1967, les USA sont intervenus au Vietnam en vertu du Traité de l'OTASE (1954).

CIJ, 1986 Activités militaires et paramilitaires des USA au Nicaragua et contre celui-ci, a posé 2 autres conditions :

? l'Etat agressé doit faire une déclaration expresse vis-à-vis de ceux dont il sollicite le secours.

? l'agressé doit lui-même qualifier les faits, d'agression nécessitant l'état de légitime défense.

3) Un membre des Nations-Unies

La légitime défense de l'art.51 ne devrait s'appliquer qu'aux parties contractantes des Nations-Unies. En fait, il s'applique aussi aux autres Etats (Suisse,...) et pourrait même s'appliquer aux organisations internationales.

4) Un Etat faisant l'objet d'une agression armée.

La légitime défense ne peut être invoquée que par un Etat qui a fait l'objet d'une agression armée.

La Charte des Nations-Unies ne définit pas la notion d'agression armée : les rédacteurs ne se sont pas entendus sur une définition (économique ou non,...) et craignaient de définir trop strictement cette notion.

5) La procédure à suivre.

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Un Comité spécial a été créé en 1967 par l'AGONU pour définir la notion d'agression : l'art.1 de la résolution 33/14 du 14/12/1974 portant définition de l'agression, précise que l'agression correspond à l'emploi de la force armée par un Etat contre la souveraineté d'un autre Etat, son intégrité territoriale ou son indépendance politique, ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations-Unies. Cette définition reprend grossièrement les thèmes énoncés à l'art.2§4 de la Charte des Nations-Unies.

La CIJ a précisé cette notion : - CIJ, 1986 Activités militaires et paramilitaires des USA au Nicaragua et contre celui-ci : l'agression armée n'existe qu'en cas d'opération militaire de grande ampleur. Il n'y a pas forcement une confrontation directe d'armée à armée : l'envoi de bandes armées dans un autre Etat suffit.

- Avis CIJ, 1996 Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires : la légitime défense ne peut être invoquée que si l'agression perpétrée contre l'Etat met en cause sa survie.

? L'art.51 de la Charte n'indique pas si la menace d'une agression armée permet d'invoquer la légitime défense, et la résolution de 1974 ne comble pas ce vide juridique. Pour certains auteurs, la pratique des Etats montre qu'une menace précise et claire d'emploi de la force armée doit suffire à invoquer la légitime défense. Mais, pour la majorité des internationalistes, une simple menace d'agression ne peut suffire, du fait de la difficulté à prouver le caractère extrêmement dangereux de la menace, et en raison de la stratégie de dissuasion nucléaire, qui utilise la menace comme gage de stabilité internationale. Pour certains, seule la menace d'emploi d'armes non nucléaires pourrait rentrer dans le cadre de cet article.

Ce vide juridique n'est pas comblé : la solution pourrait résulter d'une convention, coutume, ou de la CIJ.

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Le droit de légitime défense ne peut être exercé que si le CSONU n'a pas pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix.

Le CSONU doit être tenu informé des mesures prises dans le cadre de la légitime défense.

Cette saisine a été instaurée afin que le CSONU qualifie la situation, qu'il décide d'une action dans le cadre de l'ONU, ou à défaut, que l'Etat sache s'il peut utiliser la force armée pour légitime défense.29

Cette procédure n'a pas été suivie : avec la guerre froide, le CSONU s'est retrouvé bloqué, et n'a jamais pu qualifier une situation ni se substituer à un Etat agressé. La procédure est devenue obsolète : les Etats n'ont plus saisis le CSONU, ou, lorsqu'ils le saisissaient, ils agissaient avant qu'il ne se prononce.

Dans l'affaire des Malouines (1982), suite à l'invasion des Iles Malouines par l'Argentine, la GB a invoqué le droit de légitime défense, a saisi le CSONU et a engagé des forces militaires sans attendre de décisions. La résolution 502 du CSONU constate la rupture de la paix, mais demande juste aux parties de cesser leurs opérations militaires et de régler pacifiquement leur différend.

6) Une condition non inscrite à l'art.51 : l'exigence de proportionnalité des
moyens mis en oeuvre.30

L'agresseur doit répondre à l'agressé de façon strictement proportionnelle à l'agression. Ce principe de proportionnalité est un principe coutumier contenu dans le droit des conflits armés.

29 Greig, D. W. « Self-Defence and the Security Council: What Does Article 51 require? », International and Comparative Law Quarterly, 40 (1991).

30 J.-P. Cot et A. Pellet, La Charte des Nations unies, Economica, 1991

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo