L'instabilité des marchés des céréales dans l'extrême-nord Cameroun( Télécharger le fichier original )par Natali KOSSOUMNA LIBAA Université de Ngaoundéré Cameroun - Maà®trise de géographie 2001 |
2. Problème général:Le problème général de cette étude est l'instabilité dans le temps et dans l'espace du marché des céréales dans la province de l'Extrême-Nord Cameroun. 3. Question générale:La question générale est de savoir comment s'explique l'instabilité du marché des céréales à l'Extrême-Nord Cameroun. 4. Revue de la littérature.L''instabilité du marché des céréales dans la province de l'Extrême-Nord Cameroun s'explique dans divers rapports et études par des causes nombreuses et variées. La mauvaise production est l'une des causes la plus importante et la plus fréquemment mentionnée dans les rapports d'activités1(*) et études réalisées (Teyssier, 1999; coopération germano-camerounaise GTZ/MINAGRI2). Cette mauvaise production est causée d'après tous ces rapports et études par les sécheresses successives qui affectent le Sahel depuis 1968/1969. Aux effets néfastes de la sécheresse s'ajoutent l'invasion des cultures par les oiseaux granivores, les criquets, les chenilles, les pachydermes, les rongeurs, les adventices, les inondations auxquelles il faut ajouter les difficultés d'accès au crédit de campagne et à des intrants de qualité au moment opportun qui jouent sur le niveau de production et partant sur les prix des céréales sur le marché. Parallèlement, une bonne production peut également être une source d'instabilité sur le marché (Kossoumna, 2000). En effet, après avoir constitué des stocks importants en prévision d'une flambée de prix, les spéculateurs ne savent plus quoi en faire face à une bonne production. Pour laisser de la place à la nouvelle récolte, ils sont obligés de vendre leurs stocks. Le marché local se trouve ainsi bondé faisant forcément chuter le cours des céréales. La mauvaise gestion des récoltes notamment la transformation des céréales en bière locale contribue à la hausse des cours des céréales dans les campagnes et villes de l'Extrême-Nord du Cameroun. D'après Yonga (1998) la flambée des prix des céréales dans le monde rural est principalement causée par la bière locale qui est pointée du doigt aussi bien par les pouvoirs publics que les intervenants des Organisations Non-Gouvernementales (ONG). A Douvangar (village où l'étude a été menée), le pourcentage des familles qui font de la bière locale est de 68% (41/60). Dans ce village, une femme qui prépare régulièrement de la bière aurait besoin de 1 260 kg de mil par an. Les 41 vendeuses utiliseraient donc 51 660 kg par an. C'est d'après l'auteur un chiffre effroyable car une quarantaine de femmes qui noient plus de 50 tonnes de mil dans la bière aggravent sans doute la pénurie surtout lorsque certaines vendeuses se servent du grenier familial comme source de matière première à leur activité. Les rapports d'activités de l'ONG britannique Actions Againts Hunger3(*) note également que l'activité de transformation des céréales en bière locale influe énormément sur les prix et partant sur la sécurité alimentaire à l'Extrême-Nord par « gaspillage » de quantités non négligeables de céréales. Chez les Toupouri du Mayo Danay, 30 % de la production de grain sont utilisées dans la fabrication de la bière locale. La contrainte de liquidité est également une cause de l'instabilité du marché mentionnés par Mathieu et Teyssier (2000). Ces contraintes obligent les producteurs à vendre une bonne partie de leur production à la récolte pour pouvoir acheter ce dont ils ont envie: des animaux, des produits de premières nécessités, des cadeaux, de petits équipements, des investissements de campagne (main-d'oeuvre, crédits-intrants, pesticides...) et pour calmer l'ardeur des créanciers notamment les usuriers et les commerçants (remboursement des emprunts après la récolte...). La mise sur le marché d'une quantité importante de céréales fait chuter les prix de ces derniers au grand bonheur des spéculateurs qui achètent de grandes quantités pour les stocker. Parfois, le stock de sorgho ou de maïs qui reste dans les greniers des producteurs n'est pas suffisant pour nourrir la famille en période de soudure. Il faut alors en acheter au marché à des prix qui ont doublé depuis la récolte. De nouvelles dettes sont contactées et le cycle infernal de l'insécurité alimentaire se poursuit car rares sont les cultivateurs à profiter de la variation saisonnière des cours des céréales qu'ils produisent. Peu d'entre eux disposent en effet d'une trésorerie qui leur permettrait de stocker leur production en attendant un relèvement des prix. Le taux élevé des pertes qui surviennent après les récoltes et l'afflux massif, spontané et régulier des populations en provenance des pays voisins concourent selon l'Office céréalier4(*) à la baisse de la production vivrière et à la hausse des prix sur le marché. L'enclavement des régions isolées en saison des pluies complique d'après Teyssier (1999) l'approvisionnement en céréales de nombreux marché, ce qui se répercute sur la disponibilité et les prix en produits vivriers des régions septentrionales. L'achat et le stockage d'une grande part de la production vivrière par quelques commerçants au moment de la récolte a également selon Teyssier (1999), une importance relative sur sa disponibilité à la période de soudure (juillet et août), limitant les réseaux d'approvisionnement des producteurs et créant une pénurie artificielle qui a un impact direct et immédiat sur les prix. * 1 Rapports annuels d'activités des délégations d'agriculture de Maroua, de Kousseri, de Kaélé, de Yagoua, de Moulvoudaye, de Doukoula, de Bogo, de Wina pour les années 1995, 1996, 1997, 1998, 1999, 2000; Rapport annuel d'activité du CDD de 1999; Rapports d'activité de l'Office céréalier de 1991/1992, 1992/1993, 1996/1997, 1997/1998; 2 Rapport de l'atelier de réflexion sur la sécurité alimentaire tenu à Dobiko du 21 au 22 avril 1999, GTZ, Mora. * 3 Rapport d'activité final - TPS/219/1998/02003, programme de préparation aux catastrophes nutritionnelles et alimentaires dans l'Extrême-Nord du Cameroun, Actions Against Hunger Uk, 1998; Enquête et documentation, Actions Against Hunger/Cameroun, mars 1999. * 4 « Le projet », 20 février 1998, aide mémoire des réunions entre les représentants du gouvernement de la république de Cameroun et la mission de la Banque Islamique de Développement relatif à l'évaluation du projet de construction des magasins de stockage de grains pour la sécurité alimentaire au Cameroun. |
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