10. Conclusion et recommandations
L'instabilité du marché des
céréales à l'Extrême-Nord du Cameroun est
causée par une mosaïque de facteurs naturels, humains, infra
structurels et conjoncturels, qu'il apparaît difficile de
maîtriser.
- Dispersion et non-superposition des zones de production et
de commercialisation nécessitant l'organisation de la commercialisation
et du transport des céréales des zones de production vers les
zones de consommation en période de récolte principalement, et
inversement en période de soudure, d'où les différents
types de marchés mis en évidence : collecte dans les zones
de production, intermédiaires pour assurer le stockage et la
distribution, consommation principalement dans les centres urbains ;
- Sensibilité extrême de la production aux
aléas climatiques et aux différences de prix entre les
années. Ainsi, entre une année normale et une année
"sèche" les différences de production atteignent 30 à 40%.
Une année de bonne production, donc de prix faibles amène
l'année suivante les paysans à réduire leurs surfaces en
céréales, ce qui se traduit par une baisse de production, donc
une augmentation des prix ;
- Les pratiques spéculatives des commerçants
accentuent les effets sur les prix et les disponibilités des
céréales sur les marchés, non sans risques pour les
stockeurs (privés ou organisations de producteurs) ;
- La combinaison entre une offre dispersée et un
mauvais réseau de transport à une incidence majeure sur
l'instabilité des prix sur les marchés. Les régions de
l'Extrême-Nord ont en effet, un accès inégal aux
réseaux de communication. La précarité de ce réseau
rend inaccessibles aux véhicules de transport certaines zones rurales en
période de soudure (saison des pluies) où la demande est
forte.
- Ces résultats montrent que quels que soient les
marchés, l'accès à une information juste, fiable en temps
opportun est primordial. En effet la plupart des acteurs ne suivent pas
systématiquement le cours des céréales sur le
marché local et extérieur à la radio. Les informations sur
lesquelles ils se fondent sont pour la plupart formées à base de
rumeurs et des discussions sous les hangars et les places des marchés.
En fait, la difficulté de choix entre diverses informations souvent
contradictoires et les incertitudes quant à la qualité de
celles-ci obligent les différents acteurs à recourir à la
routine pour prendre des décisions d'achat, de vente, de stockage... Les
désillusions des spéculateurs et des groupements de stockeurs du
Diamaré, du Mayo Danay pendant la saison fortement excédentaire
de 1998/99 sont là pour illustrer cette situation. Ceci impose de porter
une plus grande attention à la pertinence des anticipations et des
procédures de décisions des différents acteurs puisque
l'efficience de l'équilibre dépend du succès des agents
économiques à réunir l'information pertinente et
nécessaire aux transactions.
Ils montrent aussi que les causes de l'instabilité ont
un poids inégal sur les différents marchés de
l'Extrême-Nord Cameroun. Les cours des céréales ne sont pas
seulement distincts par leur localisation dans l'espace mais aussi dans le
temps, et les contraintes d'ajustement de l'offre à la demande
s'expriment aussi bien en termes de conditions de production, de
disponibilité en quantité et en qualité, de
saisonnalité, de transport, d'information, de stockage, de gestion, des
coûts de transaction, des contraintes et des risques d'approvisionnement
et de débouchés.
Ces conclusions nous amènent à formuler quelques
recommandations visant à limiter et réduire ces variations
importantes des flux et des prix sur les marchés des
céréales.
Dans un contexte où domine un mode d'exploitation
traditionnel, le déterminisme des conditions agro-climatiques reste une
contrainte forte à une production régulière. Pour ce
faire, il est nécessaire de réfléchir à de nouveaux
systèmes de production et à accorder plus d'importance à
l'irrigation qui limite les effets d'une pluviométrie
irrégulière.
Pour éviter en pluvial que la forte demande ne provoque
de fortes fluctuations de prix, on cherchera à sécuriser les
approvisionnements ou à favoriser les substitutions. Une modernisation
de la production favorable à la maîtrise des récoltes, la
réalisation d'un stock de sécurité et l'importation de
céréales en cas de déficit devraient participer à
ces objectifs.
La tâche la plus évidente, et en même temps
la plus importante, que doit réaliser le gouvernement consiste à
améliorer les communications, mais aussi la circulation et la
fiabilité des informations sur les marchés, entre les zones de
production et de consommation, des régions excédentaires vers les
régions déficitaires, des villes vers les campagnes.
Les différences écologiques entre les pays
limitrophes et les possibilités de complémentarité
qu'elles procurent doivent être exploitées pour mettre en place
une politique commune de gestion de la commercialisation et du stockage des
céréales au niveau régional. De même que les
arbitrages dans le temps ne se limitent pas à l'horizon d'une campagne,
ceux dans l'espace ne se limitent pas toujours au territoire national. Une
collaboration étroite est ainsi nécessaire entre tous les pays
qui participent au circuit commercial des céréales, de la
production à la transformation et de la commercialisation à la
consommation. Ainsi, pour étayer la coopération dans le domaine
des échanges et du stockage, il est nécessaire qu'un faisceau
cohérent et convergent de mesures soient prises par les pays de la
région dans le domaine de la politique des prix et de la
législation douanière et commerciale, de l'information.
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