8.4. Les acteurs, leurs
fonctions et leurs contraintes.
Entre le producteur et le consommateur évoluent un
certain nombre d'acteurs: intermédiaires (collecteurs, commissionnaires,
rabatteurs), transporteurs, détaillants, transformateurs. Un seul acteur
peut également remplir plusieurs fonctions. Quels sont les fonctions et
les contraintes de chaque acteur?
8.4.1. Les producteurs.
Les producteurs constituent la première chaîne du
maillon de la filière céréalière. Ils se chargent
de la production (semis, labour, sarclage, récolte, battage,
ensachage...) puis du transport sur les marchés de brousse, de collecte,
de distribution ou souvent directement au marché de consommation.
Auparavant, les producteurs de mil, sorgho, maïs ne se
contentaient que de vendre le surplus de leur production, mais aujourd'hui
leurs stratégies est de plus en plus de réaliser un surplus de
production commercialisable et surtout de produire ce qui se vend le mieux.
C'est la raison pour laquelle un engouement est constaté pour le sorgho
repiqué ou le maïs en ce qui concerne chaque zone de production.
Les producteurs vendent chacun, selon ses besoins et sa disponibilité
céréalière, des quantités variables, allant de la
calebasse à plusieurs sacs. Ils disposent rarement de moyens de
transport. Les céréales sont acheminées sur les lieux de
vente par tête, à dos d'ânes, par charrettes, par pirogue
(pour la population riveraine). Lorsque les routes sont praticables, les
pick-up viennent sillonner les villages la veille ou les jours de
marchés hebdomadaires pour acheminer les produits sur les lieux de
transaction.
Qu'elles sont les motifs de vente qui s'exercent sur les
producteurs en dépit de la fragilité des équilibres
céréaliers, mettant parfois en péril ceux-ci?
Les producteurs, s'ils ne disposent pas d'un emploi non
agricole (couture, bricolages, petite échoppe, élevage...), qui,
outre la culture du coton, leur assure un revenu monétaire, sont soumis
à des contraintes de liquidité qui les obligent à vendre
une bonne partie de leur production à la récolte. Ces ventes sont
destinées à:
- Payer les investissements de campagne (main-d'oeuvre,
crédits-intrants, pesticides...);
- Calmer les ardeurs des créanciers notamment les
usuriers et les commerçants (remboursement des emprunts après la
récolte...);
- Satisfaire les exigences domestiques (festivités,
produits de première nécessité, petits équipements,
achat d'animaux domestiques...).
Le producteur se trouve donc prisonnier de ses besoins et des
prix à lui imposés sur les marchés. La rareté du
crédit rural ne permet pas de desserrer cette contrainte. Rares sont
ceux qui peuvent investir ailleurs les fruits de vente de leur production. Les
stocks de sorgho ou du maïs ne sont pas toujours suffisants pour nourrir
toute la famille pendant la période de soudure. Il faut alors en acheter
au marché à des prix qui ont presque doublé depuis la
récolte. De nouvelles dettes sont alors contactées et le cycle
infernal recommence... Le volume des stocks mis en vente étant faible et
irrégulier, les producteurs ne peuvent favorablement influencer le
marché.
L'analyse des modalités de vente révèle
que, outre les contraintes sus cités, celle de l'enclavement tient les
producteurs prisonniers du marché local dans certaines régions
excédentaires ou déficitaires (notamment dans le Mayo Danay et le
Mayo Kani). Bien entendu, les moyens de transport dont disposent les
producteurs (charrette, âne, pousse-pousse, vélo, pirogue...), ne
sont guère favorables au transfert de lourdes charges sur de longues
distances. La charrette, par exemple, à laquelle les producteurs ont
l'habitude de recourir pour acheminer leur production sur le marché,
supporte à peine 500 kg voire moins en saison des pluies, et ne permet
de parcourir plus d'une dizaine de kilomètre.
Ainsi, les producteurs désireux de commercialiser leurs
produits sur les marchés urbains transportent de petites
quantités, supportant des coûts unitaires proportionnellement plus
importants que les grossistes. Le plus souvent, ces coûts s'expriment en
temps pour le producteur qui transporte à pied et avec peu de moyen sa
charge de production. Par ailleurs, si les producteurs ne portent pas leurs
surplus sur d'autres marchés, c'est l'incertitude d'y obtenir un
meilleur prix qui varient d'une semaine sur l'autre sans qu'il soit possible
d'anticiper ces changements. Le pouvoir de négociation des producteurs
étant faible au vu des quantités mises sur le marché.
Les conditions d'information et de transport
déficientes telles que nous les constatons entre les villes et les
campagnes de l'Extrême-Nord ne garantissent jamais d'un prix et d'un
débouché certain. Les coûts de transport et de stockage
qu'il faut supporter pour intervenir sur un autre marché sont importants
par rapport à la faiblesse des volumes commercialisés.
« Aussi, les alternatives du producteur, obligé d'intervenir
souvent là où la concurrence est la plus forte, sont-elles de
fois illusoires : Soumis au même calendrier monétaire, les
producteurs sont autant de concurrents les uns des autres alors que les
collecteurs, commerçants, et même certains gros producteurs ne
sont que les différents doigts d'une seule main à laquelle seuls
des volumes de vente importants permettent d'échapper »
(Merdaoui,. 1999). Or, cette condition reste le privilège de quelques
rares producteurs capables de gagner la confiance d'un commerçant local
ou étranger, qui leur accorde une avance financière suffisante
pour se lancer dans la collecte contre une commission.
|