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L'instabilité des marchés des céréales dans l'extrême-nord Cameroun

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par Natali KOSSOUMNA LIBAA
Université de Ngaoundéré Cameroun - Maà®trise de géographie 2001
  

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8.4. Les acteurs, leurs fonctions et leurs contraintes.

Entre le producteur et le consommateur évoluent un certain nombre d'acteurs: intermédiaires (collecteurs, commissionnaires, rabatteurs), transporteurs, détaillants, transformateurs. Un seul acteur peut également remplir plusieurs fonctions. Quels sont les fonctions et les contraintes de chaque acteur?

8.4.1. Les producteurs.

Les producteurs constituent la première chaîne du maillon de la filière céréalière. Ils se chargent de la production (semis, labour, sarclage, récolte, battage, ensachage...) puis du transport sur les marchés de brousse, de collecte, de distribution ou souvent directement au marché de consommation.

Auparavant, les producteurs de mil, sorgho, maïs ne se contentaient que de vendre le surplus de leur production, mais aujourd'hui leurs stratégies est de plus en plus de réaliser un surplus de production commercialisable et surtout de produire ce qui se vend le mieux. C'est la raison pour laquelle un engouement est constaté pour le sorgho repiqué ou le maïs en ce qui concerne chaque zone de production. Les producteurs vendent chacun, selon ses besoins et sa disponibilité céréalière, des quantités variables, allant de la calebasse à plusieurs sacs. Ils disposent rarement de moyens de transport. Les céréales sont acheminées sur les lieux de vente par tête, à dos d'ânes, par charrettes, par pirogue (pour la population riveraine). Lorsque les routes sont praticables, les pick-up viennent sillonner les villages la veille ou les jours de marchés hebdomadaires pour acheminer les produits sur les lieux de transaction.

Qu'elles sont les motifs de vente qui s'exercent sur les producteurs en dépit de la fragilité des équilibres céréaliers, mettant parfois en péril ceux-ci?

Les producteurs, s'ils ne disposent pas d'un emploi non agricole (couture, bricolages, petite échoppe, élevage...), qui, outre la culture du coton, leur assure un revenu monétaire, sont soumis à des contraintes de liquidité qui les obligent à vendre une bonne partie de leur production à la récolte. Ces ventes sont destinées à:

- Payer les investissements de campagne (main-d'oeuvre, crédits-intrants, pesticides...);

- Calmer les ardeurs des créanciers notamment les usuriers et les commerçants (remboursement des emprunts après la récolte...);

- Satisfaire les exigences domestiques (festivités, produits de première nécessité, petits équipements, achat d'animaux domestiques...).

Le producteur se trouve donc prisonnier de ses besoins et des prix à lui imposés sur les marchés. La rareté du crédit rural ne permet pas de desserrer cette contrainte. Rares sont ceux qui peuvent investir ailleurs les fruits de vente de leur production. Les stocks de sorgho ou du maïs ne sont pas toujours suffisants pour nourrir toute la famille pendant la période de soudure. Il faut alors en acheter au marché à des prix qui ont presque doublé depuis la récolte. De nouvelles dettes sont alors contactées et le cycle infernal recommence... Le volume des stocks mis en vente étant faible et irrégulier, les producteurs ne peuvent favorablement influencer le marché.

L'analyse des modalités de vente révèle que, outre les contraintes sus cités, celle de l'enclavement tient les producteurs prisonniers du marché local dans certaines régions excédentaires ou déficitaires (notamment dans le Mayo Danay et le Mayo Kani). Bien entendu, les moyens de transport dont disposent les producteurs (charrette, âne, pousse-pousse, vélo, pirogue...), ne sont guère favorables au transfert de lourdes charges sur de longues distances. La charrette, par exemple, à laquelle les producteurs ont l'habitude de recourir pour acheminer leur production sur le marché, supporte à peine 500 kg voire moins en saison des pluies, et ne permet de parcourir plus d'une dizaine de kilomètre.

Ainsi, les producteurs désireux de commercialiser leurs produits sur les marchés urbains transportent de petites quantités, supportant des coûts unitaires proportionnellement plus importants que les grossistes. Le plus souvent, ces coûts s'expriment en temps pour le producteur qui transporte à pied et avec peu de moyen sa charge de production. Par ailleurs, si les producteurs ne portent pas leurs surplus sur d'autres marchés, c'est l'incertitude d'y obtenir un meilleur prix qui varient d'une semaine sur l'autre sans qu'il soit possible d'anticiper ces changements. Le pouvoir de négociation des producteurs étant faible au vu des quantités mises sur le marché.

Les conditions d'information et de transport déficientes telles que nous les constatons entre les villes et les campagnes de l'Extrême-Nord ne garantissent jamais d'un prix et d'un débouché certain. Les coûts de transport et de stockage qu'il faut supporter pour intervenir sur un autre marché sont importants par rapport à la faiblesse des volumes commercialisés. « Aussi, les alternatives du producteur, obligé d'intervenir souvent là où la concurrence est la plus forte, sont-elles de fois illusoires : Soumis au même calendrier monétaire, les producteurs sont autant de concurrents les uns des autres alors que les collecteurs, commerçants, et même certains gros producteurs ne sont que les différents doigts d'une seule main à laquelle seuls des volumes de vente importants permettent d'échapper » (Merdaoui,. 1999). Or, cette condition reste le privilège de quelques rares producteurs capables de gagner la confiance d'un commerçant local ou étranger, qui leur accorde une avance financière suffisante pour se lancer dans la collecte contre une commission.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld