Peuples autochtones et droit au développement au Cameroun. Cas des pygmées Baka de l'est( Télécharger le fichier original )par Marielle KOLOKOSSO Université catholique d'Afrique Centrale Yaoundé - Master en droits de l'homme et action humanitaire 2010 |
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIEDans la région de l'Est du Cameroun, et particulièrement dans l'arrondissement d'Abong Mbang, au village de Missoumé, le droit au développement est partiellement mis en oeuvre. Cela s'illustre par le fait que les pygmées baka en jouissent de manière relative. Cette relativité est perceptible à travers la primauté qui est accordée à la dimension liée à l'accès au bien être du droit au développement. De ce fait, l'on observe une certaine négligence quant à la prise en compte des pygmées baka comme acteurs de leur propre développement. Il existe néanmoins des tendances d'implication de ces personnes, mais elles demeurent timides. Or, la légère prise en compte des pygmées comme des sujets de leur développement provoque sur ces derniers des conséquences liées d'une part à la dépendance des baka vis-à-vis des donateurs, occasionnant en eux la paresse et le maintien dans la pauvreté ; et d'autre part à l'acculturation forcée dont sont victimes les baka, lesquels abandonnent leurs cultures et modes de vie anciens pour adopter radicalement de nouveaux. La situation dans laquelle se trouve les baka émane du fait que la mise en oeuvre du droit au développement s'avère être limitée à cause des difficultés qu'elle rencontre. Celles-ci sont liées tant au cadre juridique et politique qu'au domaine social et culturel. De ce fait, des aspects tels que l'absence de loi ou de politique propres au développement, la conception erronée du développement des baka par les acteurs du développement, le manque de moyens financiers et matériels, le difficile accès à la justice, constituent des difficultés réelles à la mise en oeuvre du droit au développement au Cameroun. Ces difficultés majeures ont été recensées dans le but d'identifier les causes de blocages générales de la réalisation dudit droit, afin de proposer des solutions permettant de les surmonter et par là de perfectionner sa mise en oeuvre. CONCLUSION GENERALEL'étude portant sur les peuples autochtones et le droit au développement au Cameroun : cas des pygmées baka de l'Est, a trouvé écho à la préoccupation de la Communauté internationale, qui a le souci d'assurer le droit au développement aux peuples autochtones, mais dans le respect strict de leurs spécificités et identité. Ainsi, dans le but de déterminer s'il est possible de parler d'un droit au développement des peuples autochtones notamment des pygmées baka de l'Est au Cameroun, il a été question de présenter la reconnaissance effective du droit au développement au profit des pygmées baka. En effet, le droit au développement leur est reconnu tant sur le plan international que national. Toutefois, la mise en oeuvre du droit au développement demeure partielle et obstruée d'embûches. Car, le développement doit viser la réalisation des droits de l'homme et pas en premier l'amélioration des conditions de vie. Pourtant, dans les villages ayant fait l'objet de notre étude, l'accès au bien être demeure la priorité des acteurs du développement, négligeant la dimension relative aux droits de l'homme qui exige que les pygmées baka soient impliqués dans la réalisation de leur développement. Les conséquences immédiates de cette négligence sont la dépendance des baka vis-à-vis de leurs bienfaiteurs et une acculturation progressive qui ne cesse de prendre de l'ampleur. Toutefois, la mise en oeuvre du droit au développement demeure limitée du fait des difficultés tant juridiques et politiques, que sociales et culturelles. Ainsi, l'hypothèse posée au préalable selon laquelle il existe bel et bien un droit au développement au Cameroun, conformément aux dispositions internationales existantes en la matière, celui-ci étant reconnu aux peuples autochtones, notamment aux pygmées baka de l'est en tant que citoyens de l'Etat camerounais, malgré sa mise en oeuvre partielle du fait de nombreuses difficultés qu'il rencontre, puisque dans la pratique la primauté est accordée à l'accès au bien être, négligeant ainsi la dimension relative aux droits de l'homme, se trouve être pleinement vérifiée et confirmée. En effet, le droit au développement existe au Cameroun et est reconnu aux peuples autochtones en tant que citoyens de l'Etat. Mais, sa mise en oeuvre demeure partielle parce qu'il n'est pas consacré de manière spécifique aux peuples autochtones, notamment aux pygmées baka. Par conséquent, dans le souci de contribuer au perfectionnement de la mise en oeuvre du droit au développement chez les pygmées baka de l'est, il convient d'émettre un certain nombre de recommandations à l'endroit de l'Etat et à l'attention des autres acteurs du développement qui doivent eux aussi exercer une pression sur l'Etat pour que la situation soit changée. Ainsi, il convient de: - Adopter une loi portant mise en application de la disposition constitutionnelle sur la protection des peuples autochtones; - Finaliser et publier la politique nationale sur les populations marginales entamée il y a plusieurs années et y inclure des dispositions relatives à leur développement; - Prendre des mesures spécifiques concrètes pour combattre la discrimination contre les peuples autochtones au Cameroun ; - Promouvoir et ratifier la Convention n°169 relative aux peuples indigènes et tribaux ; - Faire de la consultation et de la participation effective des peuples autochtones une condition indispensable à tout projet ou programme de développement susceptible de les affecter ; - Prendre des mesures visant à encadrer et à promouvoir l'industrie traditionnelle, l'artisanat et les techniques et connaissances médicinales et vétérinaires des communautés qui s'identifient comme autochtones au Cameroun ; - Mettre en place au sein de l'inspection nationale du travail une section spéciale pour s'occuper de la question de l'emploi des personnes autochtones ; - Conduire une réflexion sur la question foncière et la gestion des ressources naturelles, afin de s'assurer que les droits fonciers des autochtones et leurs modes de vie sont protégés, dans le cadre d'une réforme du droit qui ne bouleversera pas de manière fondamentale le droit foncier national ; - Soutenir les initiatives culturellement appropriées dans les secteurs de l'éducation et de la santé en milieux autochtones : notamment aux modes de vie des peuples autochtones par la création d'écoles et de centres de santé mobiles ; - Créer un quota de représentation des peuples autochtones dans les instances de décision nationales et locales, ainsi que de prendre des mesures incitatives visant à résoudre le problème de la sous représentation voire de la représentation quasi nulle des peuples autochtones dans les institutions publiques ; - Intégrer dans les efforts nationaux de réduction de la pauvreté les perceptions et les stratégies des autochtones et adopter à leur égard une approche basée sur la reconnaissance de leurs droits collectifs en tant que peuples avec leurs spécificités culturelles, et identifier et intégrer leurs savoirs traditionnels dans les stratégies de réduction de la pauvreté81(*) ; - Renforcer les capacités organisationnelles des peuples autochtones et appuyer ceux-ci dans la formulation de leurs préoccupations et de leurs intérêts, pour qu'ils puissent participer de manière égale dans les processus qui les affectent ; - Reconnaître l'organisation traditionnelle des peuples autochtones et nomades dans le processus de création des chefferies des communautés; - Imposer, dans le cadre des études d'impact, un volet social avec des dispositions précises relatives aux communautés autochtones : les opérateurs devront avoir l'obligation d'analyser l'impact spécifique de leurs opérations sur les communautés autochtones et de fournir un plan d'atténuation ; - Assurer la réalité de la gratuité de l'école pour les autochtones et adapter les programmes scolaires des établissements fréquentés par des autochtones pour qu'ils bénéficient d'enseignements plus pratiques, et des cours donnés en langues autochtones Toutes ces recommandations pourraient permettre que s'améliore la mise en oeuvre du droit au développement au Cameroun. Le développement des pygmées baka nécessite des investigations plus poussées car il constitue un domaine vaste, dans lequel il convient d'étudier le comportement de chaque village baka pour se faire une idée précise de l'impact des actions de développement et des solutions à envisager pour leur permettre de bénéficier du développement. * 81 Voir les recommandations du séminaire sur le Multiculturalisme en Afrique : comment réaliser une intégration pacifique et constructive dans des situations intéressant les minorités et les peuples autochtones, tenu à Arusha en Tanzanie du 13 au 15 mai 2000. |
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