II. L'amélioration du
cadre économique des pygmées baka
Devenus sédentaires, les baka ont compris
qu'ils doivent comme tous les autres citoyens camerounais, gagner leur pain en
travaillant. De ce fait, ils tirent leurs revenus d'une part des emplois et
travaux qu'ils effectuent (A) et d'autre part des activités
génératrices de revenus (B) qu'ils mènent.
A- Le travail et l'accès à l'emploi chez
les baka
Des entretiens avec les communautés baka, il ressort
que celles-ci connaissent de sérieuses difficultés à
trouver des emplois stables, dignes et rentables dans la société.
En effet, il existe une telle discrimination à l'égard des
pygmées, à tel point que ceux même qui ont réussi
à « percer » et à obtenir de bons emplois
dissimulent leur identité de pygmée baka à la
société. Leurs frères restés au village ne peuvent
donc pas bénéficier de leur aide. C'est le cas d'un baka qui est
adjudant chef dans l'armée camerounaise, et de deux étudiants de
l'Université Catholique d'Afrique centrale, qui s'attèlent
à ne pas révéler leur identité aux autres membres
de la société sous peine de se voir exclus et
marginalisés.
Les pygmées en général sont
considérés par la société comme des
« sous-hommes », des indigènes qui sont
dépourvus de toute civilité et qui ne méritent pas
d'accéder à un quelconque statut dans la société.
C'est ainsi que dans l'arrondissement d'Abong Mbang où l'on retrouve de
nombreux pygmées baka, et aussi ceux qui ont été
scolarisés, il n'en existe pas un seul qui soit employé à
la mairie, ni dans aucune autre institution. Même les travaux les plus
simples leur sont refusés tels que le ménage ou le gardiennage.
L'Etat, qui se déclare protecteur et promoteur des droits des peuples
autochtones donc des pygmées baka ne les emploie pas.
Bien plus, lorsque les baka produisent leurs efforts pour
gagner honnêtement leur vie, leurs efforts sont anéantis par les
bantous. C'est le cas de la Directrice de l'ONG CADDAP qui, pour vivre et
gagner sa vie, a ouvert un « snack-bar » au centre ville
d'Abong Mbang. Mais, depuis l'ouverture de ce centre de détente et de
gastronomie, elle a été l'objet de plusieurs cambriolages et de
plusieurs menaces de la part des bantous voisins. Ils lui demandent ouvertement
de fermer son établissement et la narguent en lui intimant l'ordre
d'avoir recours à la sorcellerie pour qu'ils arrêtent. Elle est
donc obligée de renouveler à chaque fois son stock de
marchandises. Les baka sont de ce fait persécutés par les bantous
et reçoivent le plus souvent des injures ouvertement. Les bantous
perçoivent le terme et la condition «pygmée »
comme des injures potentielles.
Cet état de fait pousse les baka à se laisser
employer par les bantous, qui leur offrent des emplois en tant que
ménagères, gardiens, ou ouvriers dans les plantations. Mais, de
par leur naïveté, les baka se font la plupart de temps exploiter
par les employeurs. Ces derniers les trompent facilement avec des sachets
d'alcool et ne les paient pas au rendement du travail effectué. En
outre, c'est au cours des exploitations forestières que les baka sont
employés en tant que guides ou en tant que main d'oeuvre pour les jeunes
qui doivent transporter le bois de la forêt jusqu'au lieu de transport.
Leur salaire n'est toutefois pas consistant, considérant le poids des
pièces, car s'élève à 1200 F/pièce. Mais,
les exploitants forestiers avant d'entamer la mise en oeuvre de leurs projets,
remettent des cadeaux aux baka qui sont le plus souvent constitués de
nourriture et d'alcool. A Missoumé en particulier, ils ont offert un
téléviseur, connecté à une antenne parabolique,
leur permettant d'être plus ouverts au monde extérieur. Mais,
depuis cinq ans, ce téléviseur est en panne sans qu'il trouve des
personnes désireuses de la réparer. De plus, ils promettent en
retour de leur reverser leur part prévu de la RFA, promesse pas souvent
tenue.
C'est conscients de cette réalité qu'ils ont
axé leur économie sur les activités
génératrices de revenus.
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