II. La prise en compte des
préalables du droit au développement
Les préliminaires indispensables à la
réalisation du développement se résument en la
reconnaissance des droits fonciers et sur les ressources naturelles (A) et en
la réalisation des études d'impact environnemental (B).
A- Les droits fonciers et sur les
ressources naturelles
Les droits reconnus aux peuples autochtones relativement
à leurs terres le sont à travers la démarche
d'immatriculation. Depuis la réunification de l'Etat, l'immatriculation
est devenue le mode exclusif d'accès à la propriété
foncière. Pourtant, les conditions d'accès à
l'immatriculation sont extrêmement difficiles à remplir pour les
populations autochtones. En effet, elles ne peuvent obtenir l'immatriculation
de leurs terres que si elles les ont mises en valeur. L'article 11
alinéa 3 du Décret n° 2005/481 du 16 décembre 2005
portant modification et complément de certaines dispositions du
décret n° 75/165 du 27 avril 1976 fixant les conditions d'obtention
du titre foncier, frappe en effet d'irrecevabilité les demandes
d'immatriculation portant sur les terres libres de toute occupation ou de
toutes exploitations. La mise en valeur se réalise soit par
l'occupation, soit par l'exploitation. Or, dans le cas spécifique des
pygmées, elle leur enlève tout droit à l'immatriculation
et par conséquent tout droit à la propriété des
terres parce que leur mode d'habitation essentiellement nomade et leur mode de
vie, fait de chasse et de cueillette les empêche d'occuper ou d'exploiter
une terre. Cela contribue à détruire leur culture.
Toutefois, même pour les peuples autochtones qui sont
sédentarisés, la procédure d'immatriculation est
très pénible à suivre. La procédure
d'immatriculation des terres au Cameroun est prévue par le décret
n° 76/165 du 27 avril 1976 fixant les conditions d'obtention du titre
foncier, modifié par celui n° 2005/481 du 16 décembre 2005.
D'après ces deux textes, toute collectivité locale ou autochtone
ou membre de celle-ci qui veut transformer son ancienne
propriété coutumière en propriété ou plus
exactement qui veut récupérer sa terre confisquée par
l'Etat grâce aux ordonnances de 1972, doit constituer un dossier
comprenant : Une demande en quatre exemplaires dont l'original est
timbrée, indiquant ses noms et prénoms, filiation, son domicile,
sa profession, son régime matrimonial, sa nationalité, le nom
sous lequel l'immeuble doit être immatriculé ; la description
de l'immeuble (situation, superficie, nature de l'occupation ou de
l'exploitation, estimation de sa valeur, indication des charges qui le
grèvent) ; La demande signée ne doit viser qu'un seul
immeuble composé d'une seule parcelle. Si une route ou une
rivière traverse le terrain, celui-ci fait l'objet d'autant de demandes
qu'il y a des parcelles distinctes.
On le constate, la procédure est écrite, longue,
coûteuse, et exige beaucoup d'informations techniques et ne peut
être facilement suivie par les populations autochtones. Ainsi, ni le
procédé ni les droits accordés par ce texte de loi, ne
répondent de façon appropriée aux besoins de ces peuples.
De même, et alors que la loi écrite catégorise les terres
nationales en domaine public et domaine non public, quelques formes
coutumières d'usage et de possession sont tolérées.
L'accent, cependant, est mis sur l'occupation visible des terres et
l'utilisation productive de celles proposées pour l'immatriculation.
S'agissant des ressources naturelles, elles constituent
l'essentiel nécessaire à la survie des peuples autochtones. Au
Cameroun, il existe des mécanismes de sylviculture de la
communauté qui leur permettent d'avoir, même de façon
limitée, l'accès à certaines ressources. La politique
forestière de 1993 prévoit une plus grande implication des
communautés locales dans la gestion des forêts. La loi
forestière de 1994 et ses textes d'application organisent les
modalités de leur association aussi bien à la gestion des espaces
(forêts communautaires et territoires communautaires de chasse notamment)
que des ressources financières issues de l'exploitation industrielle du
bois (redevances forestières). L'exemple le plus frappant de gestion des
ressources naturelles est celui de la forêt communautaire. Car, selon la
loi forestière du 20 janvier 1994, Les produits forestiers de toute
nature résultant de l'exploitation de la forêt communautaire
appartiennent entièrement à la communauté (loi, art 37(3)
et 67(2). L'exploitation peut se faire soit en régie, soit dans le cadre
d'un contrat de sous-traitance (loi, art. 54).
Ainsi, les dispositions légales sur la
communauté forestière au Cameroun témoignent du fait que
la législation ne tient souvent pas compte de la situation
spécifique des peuples autochtones et de l'attitude discriminatoire
envers leurs modes de vie. Elles rendent, par conséquent, difficile
sinon impossible toute retombée positive de telles dispositions sur ces
communautés.
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