II-2- L'impact des pressions subies par les journaux
fondés par les nationalistes
sur la publication des informations liées
aux revendications d'indépendance
Il vient donc d'être démontré dans le
précédent paragraphe que les journaux fondés par les
nationalistes ont subi des pressions exercés sur eux par les
autorités coloniales. Il s'agit entre autre de l'interdiction
temporaire et de la saisie. Ce paragraphe entend donc montrer en quoi ces
pressions de l'administration ont pu entraîner la non-publication par ces
organes de presse des nouvelles liées aux revendications
d'indépendance formulées par les nationalistes.
L'interdiction d'un journal entraine son inactivité et
donc son incapacité à pouvoir relayer des informations. C'est une
contrainte imposée à un organe de presse. Le journal La voix
du Cameroun a donc été temporairement interdit entre mai
1950 et janvier 1952 suite à ses écrits anticolonialistes dans sa
parution d'avril 1950. Ce périodique ne réapparaît dans les
kiosques qu'en janvier 1952. L'édition d'avril 1950 ayant
été la dernière avant son interdiction, il y a donc une
période d'inactivité de 21 mois et l'édition numéro
six du journal ne paraît qu'en janvier 1952 c'est-à-dire
seulement 2 mois avant les élections pour l'ATCAM organisées en
mars 1952. Entre temps, les revendications des nationalistes ne paraissent
plus dans les journaux car La voix du Cameroun est à cette
période là le seul organe de presse qui s'efforce encore de
publier les nouvelles liées aux revendications indépendantistes
entre 1949 année de disparition du journal Le flambeau,
premier organe d'information favorable aux revendications des
nationalistes et 1954, année de lancement du second organe de presse de
l'UPC, L'étoile. Cette suspension de La voix du
Cameroun entre mai 1950 et janvier 1952 va donc empêcher la
publication par ce support d'informations des nouvelles concernant les
revendications d'indépendance formulées par les nationalistes.
Ainsi, après les élections à l'Assemblée nationale
française de juin 1951, les nationalistes camerounais décident
d'organiser une conférence publique le 12 juillet 1951 dans la salle des
fêtes d'Akwa à Douala pour dénoncer ce qu'ils qualifient de
tripatouillage électorale orchestré par l'administration
coloniale. Pendant ce scrutin, l'UPC qui obtient 3081 voix sur 280.302
suffrages exprimés (Victor Julius Ngoh, 1990 :125) perd les
élections face au BDC et au RPF. Au cours de cette conférence
publique, plusieurs dirigeants de l'UPC dont MM. Djoumessi Mathias et Um
Nyobé Ruben respectivement Président et Secrétaire
général du parti prennent la parole pour condamner les fraudes
massives enregistrées selon eux pendant les élections. Les
orateurs réaffirment les idéaux du parti à savoir :
l'indépendance immédiate et la réunification du Cameroun
(Idem, P.124). L'événement tient toute son importance car c'est
la deuxième fois après le congrès de Dschang que les
nationalistes camerounais réclament publiquement l'indépendance
du pays. Seulement, malgré l'importance de cette information
qui aurait dû normalement être relayé dans les colonnes de
La voix du Cameroun, unique organe d'information de l'UPC à ce
moment là, cette actualité ne sera pas publiée par ce
journal à cause de son interdiction par l'administration coloniale. La
parution de La voix du Cameroun ayant été interrompue
entre mai 1950 et janvier 1952 suite à son interdiction, le journal sera
donc contraint de ne pas publier toutes les informations liées aux
revendications d'indépendance pendant ladite période. La
suspension de ce journal entre mai 1950 et janvier 1952 a donc eu pour impact
direct son inactivité forcée et donc la non-publication par cet
organe de presse de toutes les informations concernant les faits qui se sont
déroulés pendant la période de cessation de ses
activités. L'interdiction de ce support d'information par
l'administration coloniale entre mai 1950 et janvier 1952 est donc la raison
déterminante du silence observé par cet organe de presse autour
des nouvelles liées aux réclamations d'indépendance
pendant cette période.
La saisie d'un journal quant à elle peut
s'opérer de deux manières. Il peut s'agir de la saisie de la
publication. Dans ce cas lors de ladite opération, l'autorité
chargée de le faire confisque tous les numéros de cette
publication qui sont sur le marché. De même, il peut s'agir de la
saisie d'un numéro de la publication. Dans ce cas précis,
l'autorité procède à la confiscation des seuls exemplaires
du numéro concerné. Bien entendu, la saisie est une forme de
censure. Et lorsqu'un numéro d'une publication est saisi et que les
exemplaires sont confisqués, on peut avoir deux conséquences
directes. La première est que les lecteurs du journal sont privés
de toutes les informations contenues dans le numéro en question. Et la
deuxième conséquence est que la confiscation des exemplaires
entraine un manque à gagner du producteur du journal qui peut ainsi se
retrouver sans ressources pour continuer à éditer sa publication.
Ainsi, comme il a été démontré dans le
précédent paragraphe, le journal Kamerun mon
pays a connu des saisies de numéros. C'est le cas du numéro
33 de cette publication qui a été saisi sur ordre du chef de la
région du Wouri le 27 novembre 1956. Cette saisie a entrainé une
conséquence majeure : le journal n'a pas pu porter à la
connaissance de ses lecteurs l'information sur l'interdiction par
l'administration de la tenue d'une réunion publique du Mouvement
d'Union Nationale à Douala le 27 novembre 1956. Kamerun mon
pays a ainsi été contraint de priver ses lecteurs de ladite
information. Cette contrainte a donc empêché à Kamerun
mon pays de donner l'information sur l'interdiction de la réunion
des nationalistes par l'administration.
Ce paragraphe a donc amené à voir que
l'interdiction temporaire de La voix du Cameroun entre mai 1950 et
janvier 1951 a entrainé la non-publication par cet organe de presse de
l'ensemble des informations liées aux revendications
d'indépendance pendant ladite période notamment la
conférence publique de l'UPC du 12 juillet 1951. De même, la
saisie du numéro 33 de Kamerun mon pays a causé la
privation aux lecteurs de l'information concernant l'interdiction par
l'administration d'une réunion publique des nationalistes. Ce qui
indique donc que les pressions de l'administration coloniale sur les journaux
édités par les nationalistes constitue également une cause
de la non-publication par les organes de presse des faits d'actualité
liés aux revendications d'indépendance.
Cette section a donc permis de voir que les journaux
édités par les nationalistes ont subi des pressions de
l'administration coloniale. Celles-ci étant entre autres l'interdiction
temporaire des organes de presse, comme ce fût le cas de La voix du
Cameroun entre mai 1950 et janvier 1952, et la saisie, une forme de
censure qui fût appliquée notamment au numéro 33 du
journal Kamerun mon pays le 27 novembre 1956. Ces différentes
pressions de l'administration sur les journaux fondés par les
nationalistes ont donc eu pour effet direct la non-publication de certaines
informations liées aux revendications d'indépendance .Ce
fût notamment le cas de celle relative à la tenue le 12 juillet
1951 d'une réunion publique organisée par les nationalistes
à Douala, alors que La voix du Cameroun était suspendue.
Ce fût également le cas de l'information concernant
l'interdiction d'une réunion publique des nationalistes par les
autorités coloniales qui n'a pas été portée
à l'attention des lecteurs de Kamerun mon pays à cause
de la saisie du numéro33 cet organe de presse qui voulait pourtant la
relayer. Ces pressions des autorités coloniales sur les organes de
presse édités par les nationalistes constituent donc une des
causes de la non-publication des sujets d'actualité liés aux
revendications d'indépendance par les journaux camerounais pendant la
période de décolonisation du pays.
Toutefois ces pressions exercées par l'administration
sur les journaux ne semblent pas être la seule contrainte qui a
entrainé le silence observé par les organes de presse sur des
sujets concernant les revendications d'indépendance formulées par
les nationalistes.
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