DEFINITION ET
PRINCIPE
Nous retraçons d'abord l'histoire de
la RSE, puis nous définissons ce concept aux contours multiples que nous
abordons par la suite selon l'approche des parties prenantes.
I - 1 - 1 - Aperçu historique de la
Responsabilité Sociale de l'Entreprise
On associe souvent la RSE au
développement durable ou encore à la mondialisation, alors que
cette notion a vu le jour bien avant ces phénomènes. En
réalité, la RSE est apparue dès les années 1950'
aux États-Unis, mais sa diffusion vers d'autres contextes s'est faite de
manière décalée dans le temps. Nous allons dans ce qui
suit nous intéresser à l'historique de ce concept et aux diverses
acceptions auxquelles il a donné lieu.
Le thème de la Responsabilité Sociale des
Entreprises n'est pas véritablement nouveau. À partir des
années 1920, plusieurs dirigeants s'expriment publiquement sur leur
responsabilité à l'égard de la société. Si
aucune doctrine clairement formulée de la responsabilité sociale
n'avait émergé à la fin de la décennie, les
discours de l'époque sont très marqués par les concepts de
« public service » et de « trusteeship »
qui stipulent l'idée d'un contrat implicite, caractérisant la
relation entre l'entreprise et la société (Heald, 1961,
1971).
Ces débats, bien que controversés, ont
été mis en application par Henri Ford, surtout sur le plan
interner avec l'instauration du salaire journalier minimum (principe du
five dollars per day). Des discours et pratiques relatifs à la
responsabilité sociale se développent ainsi de manière
précoce dans le milieu des affaires. Au début des années
1930, notamment en 1932 le débat entre Berle et Dodd
sur la question de la gouvernance d'entreprise (stakeholders versus
shareholders) conduit aux premières réflexions sur la RSE.
Mais ce n'est que dans les années 1950 que des efforts significatifs en
matière de RSE voient le jour.
Dans son expression et dans son sens actuel, la RSE est
essentiellement liée au contexte nord américain de l'après
Deuxième Guerre mondiale (Charles et Hill, 2004). C'est
l'ouvrage de Bowen en 1953 qui marque l'avènement du concept et le
début de la recherche autour de lui (Carroll, 1999 ; Acquier et
Gond, 2005 ; Locket et coll., 2006 ; Windsor, 2006). En effet, Bowen y
pose les fondements de la responsabilité sociale de l'entreprise,
même s'il y relève plus tard (en 1978), un caractère
idéaliste et normatif faisant prévaloir deux principes. Le
premier renvoie au fait que les hommes d'affaires ne doivent prendre que des
décisions qui vont dans le sens des orientations et des valeurs
souhaitées par la société. Le deuxième stipule que
la prise en compte de préoccupations sociales par la firme doit se faire
d'une manière volontaire. C'est donc H. BOWEN qui a
fait passer ce concept dans l'ère moderne du management.
Si Bowen est reconnu dans la littérature comme
étant le père de la RSE, Caroll (1999) signale
que les idées qu'il a exprimées dans son ouvrage ne sont pas
nées ex nihilo et qu'on en trouve la trace dans certains essais
de la littérature managériale, notamment dans les années
1930' et 1940'. Notons tout de même qu'il est possible que la RSE, telle
que formulée à l'époque par Bowen, repose sur les valeurs
culturelles et managériales qui prévalaient à son
époque. Le contexte ayant évolué, l'acception de la RSE a
progressivement changé.
La RSE est devenue un thème de recherche à
l'origine de l'émergence d'un nouvel espace académique, à
savoir le courant « Business and Society »
s'intéressant aux relations entre l'entreprise et son environnement
sociétal (Acquier et Gond, 2005). Son influence s'est
progressivement renforcée à travers le monde pendant les
années 1960. Depuis lors, la responsabilité sociale de
l'entreprise fait l'objet de nombreux débats entre chercheurs,
praticiens, État, organisations non gouvernementales et autres acteurs
de la société moderne.
Après avoir occupé les chercheurs
américains et suscité quelques controverses émanant
d'académiciens libéraux, la recherche sur la RSE diminuera
d'intensité à partir du milieu des années 1980 et muera
vers d'autres concepts comme la citoyenneté de l'entreprise ou
l'approche par les parties prenantes (Caroll, 1999).
Toutefois, cette pensée de Carroll, bien que séduisante, ne
s'applique qu'au contexte américain. Elle va alors se heurter au nouvel
ordre économique mondial établi, qui prône le
libéralisme économique.
L'émergence de la grande entreprise au delà des
frontières nord-américaines est à l'origine du regain
d'intérêt que connait la RSE en ce début de siècle,
en redevenant un phénomène de plus en plus présent sur la
scène politique et économique.
En Europe, on a commencé à s'intéresser
à la RSE dès le milieu des années 1990 suite aux actions
des organismes de la société civile à l'encontre des
entreprises ayant causé un tort environnemental (Shell, Total ...),
social (Danone, Renault...) ou sociétaire (Parmalat, Vivendi...). D'un
autre côté, le regain d'intérêt pour la question
s'est accentué à partir du début des années 2000
aux États-Unis avec les faillites touchant de grands groupes
américains (Enron, Arthur Andersen, Worldcom, Xerox...). C'est sans
doute la raison pour laquelle Doh et Guay (2006) attribuent le
regain d'intérêt pour la RSE à deux éléments
: la montée de la société civile d'un côté,
et les scandales financiers des grandes entreprises de l'autre.
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