Section II : CONTEXTUALISATION DU CONCEPT DE
RESPONSABILITE
SOCIALE DE
L'ENTREPRISE : DOMAINES D'APPLICATION
ET
INSTRUMENTS DE MISE EN OEUVRE
Deux modèles sont universellement
reconnus comme modèles de référence en matière de
RSE. Il s'agit du modèle américain ou anglo-saxon qualifié
de modèle normatif et du modèle européen encore
appelé approche légale de la RSE. Dans le contexte de
mondialisation actuel qui prône le libéralisme économique,
grand est le besoin d'opérer un accommodement entre ces deux
modèles antagonistes. Dans le sous-paragraphe suivant, nous allons
concilier ces modèles afin d'arrimer la recherche sur la RSE aux
exigences de la mondialisation.
II - 1 - Les différences d'acception entre
l'Europe et les États-Unis : rapprochement
du modèle normatif au modèle
légal de la responsabilité sociale de l'entreprise
Bien que le concept de développement durable ait une
influence particulière sur la RSE telle qu'elle est pratiquée en
Europe, l'acception américaine de cette notion n'y est pas totalement
hermétique. Pour Capron (2003), les pratiques des
entreprises tant européennes qu'américaines mettent en
évidence l'intérêt croissant accordé à cette
question afin de s'aligner sur les objectifs du développement durable.
L'auteur signale, cependant, des différences entre l'approche
anglo-saxonne qui vise plutôt la correction des effets des
activités économiques et l'approche européenne qui est
généralement plus sensible à l'anticipation et à la
prévention des risques.
Sur un autre plan et comme le soulignent Capron et
Quairel-Lanoizelée (2007), dans la conception
états-unienne du concept de RSE, l'individu est au centre de tout. Il y
a lieu de rappeler que l'ouvrage fondateur écrit par H. Bowen (1953)
était intitulé « La responsabilité
sociale des hommes d'affaires », renvoyant ainsi au sens du devoir et
à la morale individuelle des hommes d'affaires et non à celle des
entreprises (F. Acquier et J-P. Gond, 2005). Une explication
d'ordre culturel pourrait être avancée ici puisque la logique
individuelle est beaucoup plus prégnante aux États-Unis que dans
les pays européens. La régulation se passe sans les
autorités publiques dont l'intervention est perçue comme limitant
les libertés individuelles. Dans cette perspective, il serait difficile
d'imposer aux entreprises un comportement responsable via des textes et
législations.
Eu Europe, par contre, la RSE est beaucoup plus permissive
à l'influence de l'État et des autorités publiques. Le
livre vert de l'Union Européenne sur la RSE en est l'illustration la
plus significative. Ainsi, c'est la définition donnée à la
RSE dans ce document qui est la plus communément reprise par de nombreux
auteurs européens. Le livre vert de l'Union Européenne est
censé constituer un outil permettant d'inciter les entreprises à
adhérer à la RSE et d'orienter leurs démarches
(CCE, 2001). Le document accorde une place de choix aux
relations avec les employés et à leurs conditions de travail. On
peut également donner l'exemple de la loi NRE en France
(2002) qui encadre la publication des rapports de RSE. Cette loi
va dans la continuité de la loi de modernisation sociale de
1977 prônant la réalisation d'un bilan social pour les
entreprises dont l'effectif est d'au moins 300 salariés
(Igalens, 2004).
Ainsi, nous pouvons dire que la RSE pourrait être
approchée sous deux angles : le courant «orthodoxe »
anglo-saxon, et le courant plutôt « social »
européen. La conception américaine de la RSE aux origines
éthiques et religieuses diffère de celle européenne qui,
de par sa référence au développement durable, acquiert une
posture plus tournée vers la politique et est de ce fait plus
institutionnalisée. Ces divergences ont un facteur explicatif
commun : la culture (libéralisme économique aux États
Unis et politique interventionniste en Europe).
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