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Pratiques de responsabilité sociétale et création de valeur des entreprises

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par Joseph Herman TIONA WAMBA
Université de Douala Cameroun - Diplôme d'études approfondies 2010
  

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Chapitre 2

VARIABILITE ET AMBIGÜITE DE LA RELATION ENTRE RESPONSABILITE SOCIETALE ET CREATION DE VALEUR

Le présent chapitre se veut une synthèse de la littérature sur le lien entre RSE et performance de manière générale, et entre RSE et création de valeur en particulier. La création de valeur tout comme la RSE, constitue une thématique centrale des études sur la gouvernance d'entreprise. En effet, la mise sur pied de politiques RSE dans l'objectif de créer de la valeur, constitue une décision importante pour les dirigeants d'entreprises dont les choix stratégiques et opérationnels doivent rester en phase avec les aspirations des actionnaires. Cette situation assimilable à une relation d'agence nous a conduits à accorder une attention particulière à l'irruption de la RSE dans la gouvernance d'entreprise (Section 1). Aussi, la RSE présente des enjeux de création de valeur que nous allons explorer (Section 2).

Section 1 : RESPONSABILITE SOCIETALE ET CREATION DE VALEUR AU

COEUR DE LA GOUVERNANCE D'ENTREPRISE

Dans cette section, il est question, dans un premier temps, de montrer que l'idée du rapprochement entre responsabilité sociétale et gouvernance d'entreprise relève plus de l'adaptation à la réalité pratique plutôt qu'à des considérations théoriques. Puis, dans une seconde analyse, il est question de montrer que la gouvernance d'entreprise constitue un véritable levier de création de valeur pour le dirigeant.

I - 1 - Rapprochement RSE et Gouvernance d'entreprise, de l'opportunisme

au pragmatisme

La gouvernance d'entreprise a connu de changements profonds depuis le début de ce troisième millénaire. Les dirigeants d'entreprises doivent désormais rendre compte non seulement aux actionnaires, mais à une sphère accrue de parties prenantes concernées directement ou indirectement par les activités de l'entreprise. Dans ce paragraphe, nous allons premièrement revisiter la théorie de la gouvernance d'entreprise ; par la suie, nous allons remonter l'ancrage de la RSE dans la gouvernance d'entreprise.

I - 1 - 1 - Regain d'intérêt de la théorie de la gouvernance d'entreprise

Les grandes mutations que connaissent les informations financières sont pour une grande part, assimilables à la répartition des pouvoirs au sein de l'entreprise. Le gouvernement d'entreprise, quant à lui, vise à clarifier la répartition des pouvoirs entre le management, d'une part, les propriétaires de l'entreprise, et leurs élus en Assemblée générale, les administrateurs, d'autre part (Tiberghien F., 2003). Plus largement, il vise à prendre en considération les attentes de l'ensemble des parties prenantes à l'activité des firmes. En ce sens, il rejoint les perspectives de la RSE).

Les scandales financiers récents ont favorisé la résurgence du débat sur la relation d'agence entre dirigeants et actionnaires et par conséquent sur les problèmes de gouvernance d'entreprise. En effet, comme le souligne Ngok Evina J-F. (2009), la crise financière montre à juste titre que les préoccupations sur le problème du gouvernement d'entreprise restent primordiales en sciences de gestion. Il précise d'ailleurs que l'origine du thème se situe dans l'analyse de Berle A. et Means C. (1932) qui faisait suite à la crise de 1929.

Charreaux G. (1997) propose la définition suivante de la gouvernance d'entreprise »qui recouvre l'ensemble des mécanismes qui ont pour effet de délimiter les pouvoirs et d'influencer les décisions des dirigeants, autrement dit qui gouvernent leur conduite et définissent leur espace discrétionnaire «. Evidemment, cette définition rejoint l'approche traditionnelle de la gouvernance d'entreprise qui privilégie la relation d'agence unique « actionnaires-dirigeants ». Cette relation, comme le soulignent Charreaux G. et Desbrieres P. (1998), peut également s'élargir dans le cadre plus général de la firme pluraliste. Cadre qui tient compte non plus des seuls actionnaires-dirigeants, mais également de l'ensemble des stakeholders et de la notion de valeur partenariale.

Les réflexions sur le gouvernement d'entreprise en général et sur la relation d'agence en particulier, ont été engagées par la fameuse contribution de Berle A.A. et Means C.G. (1932). Ils soulèvent l'idée selon laquelle « Les directeurs de ces sortes de compagnie étant les régisseurs de l'argent d'autrui plutôt que de leur propre argent, on ne peut guère s'attendre qu'ils y apportent cette vigilance exacte et soucieuse que les associés d'une société apportent souvent dans le maniement de leurs fonds ». Pour eux, l'importance de la séparation entre propriété et management n'est plus à démontrer dans un contexte où l'actionnariat dispersé n'est pas capable d'imposer ses objectifs aux dirigeants.

Ainsi, il faut trouver les incitations ou les contraintes qui conduisent les managers à ne pas abuser de leur position. Car ceux-ci bénéficient d'informations privilégiés sur la situation et les potentialités de l'entreprise, qu'ils peuvent exploiter à leur avantage.

On distingue généralement trois grands types de mécanismes capables de résoudre le problème d'agence :

· Le contrôle interne réalisé par les diverses instances chargées de surveiller l'action des dirigeants. C'est le mécanisme le plus utilisé dans certains pays d'Europe comme l'Allemagne, les Pays Bas et la Suède où le rôle des banques est relativement important (Levratto N. et Paulet E., 2005) ;

· Les mécanismes incitatifs destinés à réduire le conflit d'objectif entre dirigeants et actionnaires (stock-option par exemple) ;

· Le contrôle externe exercé par les marchés et les intermédiaires financiers. Levratto N. et Paulet E. (2005) soulignent que ce type de contrôle, sans leur être exclusif, est propre aux Etats-Unis et au Royaume-Uni.

Plusieurs exemples à travers le monde illustrent l'intérêt accordé au problème d'agence et à ses conséquences désastreuses pour les autres stakeholders. C'est le cas de la loi Sarbanes-Oxley du 30 juillet 2002 aux USA ; du rapport Cadbury publié en mai 1991, qui définit la corporate governance comme » The system by which companies are directed and controlled «.

Ces réflexions auront un impact considérable en Europe. Dans ce sens, des orientations ont été proposées par l'OCDE dans le cadre de travaux dédiés au gouvernement d'entreprise21(*). Elles visent » à évaluer et améliorer la cadre juridique, institutionnel et réglementaire régissant, à l'échelon national, l'organisation du pouvoir dans l'entreprise et de faire des propositions en vue d'un système efficient » et partent de l'idée qu'il n'y a pas de modèle unique de gouvernement d'entreprise, mais que certains éléments communs peuvent être dégagés concourant à la qualité du gouvernement d'entreprise.

Ces orientations s'articulent autour de cinq thèmes : la protection des droits des actionnaires ; le traitement équitable des actionnaires, particulièrement les minoritaires ; la transparence et la diffusion de l'information et ; le rôle du conseil d'administration ; Le rôle des différentes parties prenantes dans le gouvernement d'entreprise, dans le sens de la coopération, en vue de créer richesse et emplois et d'assurer la pérennité d'entreprises financièrement solides.

Reprenant les termes de Williamson O. (1985), le dirigeant est un véritable partenaire de l'entreprise, il est désormais celui qui loue son capital humain aux actionnaires et devient donc un principal actif. Olivier Williamson parvient ainsi à renverser la logique de la relation d'agence actionnaire-dirigeant. Mais, cette situation est contextuelle, car comme le relève Ngok Evina J-F. (2009), « au Cameroun, dans la majorité des entreprises publiques, les dirigeants sont nommés par le pouvoir central et sont récompensés ou sanctionnés uniquement par cet organe au détriment de leur prestation en entreprise »22(*). Cependant, les orientations de l'OCDE mettent au devant l'importance de la performance globale. Performance qui ne peut être atteinte que s'il y a coopération entre mandataire et dirigeant.

L'OCDE remet également aux devants de la scène, le problème d'asymétrie informationnel soulevé au départ par Jensen M.C., Meckling W.H. (1976), pour signifier le fait que les divers participants à la relation (notamment les dirigeants et les actionnaires) ont des informations incomplètes et asymétriques (sélection adverse et hasard moral).

Enfin, le rôle du conseil d'administration comme organe de contrôle ressuscite le débat sur sa constitution. En effet, les nouvelles fondations de la finance organisationnelle voient dans le dirigeant, un véritable acteur détenteur de mécanismes et de stratégies de pouvoir lui permettant d'exercer une influence notoire sur le management de l'entreprise.

Ainsi, Fama E.F. (1999) suggère d'inclure des administrateurs externes (des personnes qui n'exercent pas de fonction managériale au sein de l'entreprise). La participation de ces administrateurs externes, ajoute t-il, a donc pour rôle d'améliorer la qualité du contrôle. Cette hypothèse a été contestée, Shleifer A. et Vishny R.W. (1997), qui estiment que les administrateurs externes étant nommé par le Président Directeur Général, ils lui seront forcément inféodés.

De ce qui précède, il ressort que le problème sur la constitution du conseil d'administration est le champ de bataille de deux courants de pensée : l'un suggère la constitution du conseil par des administrateurs externes ; l'autre propose de constituer celui-ci uniquement avec des administrateurs internes à l'entreprise. Nous pensons que ces deux courants de pensée peuvent trouver terrain d'entente à travers une approche mixte, c'est-à-dire, une approche qui privilégie la constitution du conseil d'administration avec des administrateurs internes et externes.

De ce qui précède, il ressort que le champ d'investigation de la théorie du gouvernement d'entreprise est très vaste. Il aborde aussi bien les problèmes relationnels que décisionnels auxquels sont confrontés les managers. Le volet décisionnel va plus loin en élargissant la sphère relationnelle (actionnaires-dirigeants) à un plus grand nombre d'acteurs auxquels l'entreprise doit désormais rendre compte. La performance de l'entreprise n'est donc plus analysée uniquement sous ses aspects financiers et économiques, mais également sous ses aspects sociaux et environnementaux ; d'où l'irruption de la RSE dans la gouvernance d'entreprise.

* 21 OCDE (2001), Codes of Corporate Conduct: Expanded Review of their Contents. Working paper on international investment n° 2001/6 ;

* 22 Ngok Evina. J. F. (2009), Audit social et gouvernement d'entreprise : une relation en quête de sens, Revue Camerounaise de Management, RSB Janvier - Juin N°17 ; ESSEC, Douala, page 44 ;

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery