Le risque pénal dans la constitution des sociétés commerciales en droit OHADA ( Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires )( Télécharger le fichier original )par El Hadji Abdoul Aziz FALL Université Gaston Berger de Saint- Louis Sénégal - Master 2 juriste d'affaires 2010 |
Paragraphe 2: La commission du délit de surévaluation des apportsL'article 40 de l'acte uniforme prévoit deux types d'apports pour participer à la société. Il convient de noter que l'un des risques majeurs d'une augmentation de capital par apport en nature est de voir le montant de l'apport surévalué. Rappelons aussi que de par sa nature, un apport en numéraire ne peut faire l'objet d'une surévaluation; seuls les apports en nature peuvent donner lieu à cette pratique frauduleuse qui, de prime abord, fausse l'égalité des associés. Ceux-ci, sont caractérisés par des biens en natures, meubles ou immeubles, corporels ou incorporels dont la contrepartie est reçue par les associés en actions ou parts sociales correspondantes à leurs valeurs. L'article 887-4 dispose : « Encourent une sanction pénale, ceux qui, frauduleusement, auront fait attribuer à un apport en nature, une évaluation supérieure à sa valeur réelle ». Il incrimine la surévaluation des biens apportés à la société et tend à sanctionner une fraude aux droits des associés. Le principe de l'égalité des associés voudrait que l'apport en nature soit évalué à sa juste valeur même si la doctrine arrive à soutenir que: « celui qui apporte, a le droit, parfois le devoir d'obtenir le prix maximum de son apport »45(*). Une telle surévaluation est également de nature à violer le principe de libération intégrale des parts sociales émises en contrepartie des apports. Cependant, il faut ajouter à la suite de cette considération que : « beaucoup de sociétés ont une situation difficile parce que la valeur des apporteurs en nature a été exagérée46(*). Mais malgré l'établissement des apports par le commissaire aux comptes, il demeure que les associés restent maitres de l'évaluation de leurs apports. De cette façon lorsque la sanction pénale intervient, elle garde toute son utilité à l'égard des surestimations frauduleuses. L'acte uniforme a donc incriminé la majoration frauduleuse d'apport en nature. Mais la difficulté réside dans la détermination de la valeur réelle de l'apport en nature au moment où les commissaires aux apports utilisent la méthode qu'il juge adéquate en absence de définition légale de la spécificité de la valeur réelle, même si la pratique fait appel à la notion de valeur vénale. Cependant la jurisprudence en a donné une position dans l'affaire WILLOT47(*). Cette infraction est également perceptible à travers la réunion d'un élément moral traduit par l'aspect frauduleux à deux éléments matériels qui apparaissent à la lecture de l'article 887-4 de l'acte uniforme relatif aux sociétés commerciales et GIE. Il s'agit de la participation à l'attribution de la valeur d'un apport qui, selon FAVARD48(*) constitue un acte positif excluant la tentative de la répression, et l'évaluation supérieure à la valeur réelle. Notons que la loi dans ce cadre incrimine une « évaluation manifestement excessive »49(*) et elle fait l'objet d'une appréciation des juges du fond qui ont exigée dans l'analyse de la même jurisprudence, non pas une majoration frauduleuse, mais celle manifestement excessive. Il faut dire que la difficulté réside dans la détermination de la valeur réelle. Le tribunal en l'espèce ayant retenu le délit de majoration frauduleuse, compte tenu d'une surévaluation manifeste, les juges ont cependant admis le principe de la valeur vénale corrigé par la nature même de l'opération de prise de contrôle en ces termes « si les dirigeants de la société apporteuse et de celle réceptrice ont débattu contradictoirement et librement de la valeur de ces apports et de leur rémunération, on ne saurait leur faire grief de les avoir valorise en considération de l'intérêt économique né du rapprochement des deux sociétés, surtout s'agissant d'entreprises industrielles »50(*) En définitive, le législateur OHADA vise principalement ces actes mensongers relativement à la réalité du capital social que sont les fausses allégations sur le certificat de dépôt et les apports en nature passibles d'être surévalués. Il les incrimine au titre d'infractions pénales de constitution des sociétés commerciales. Après avoir revisité le risque de commission d'infraction sur le capital social, il importe de s'appesantir sur celui ayant trait aux actions irrégulières (chapitre 2). * 45MARIE ROBERT Jean qui soutient qu'en économie libérale des affaires, celui qui apporte n'est pas un philanthrope et qu'il a le droit d'obtenir sauf fraude, le prix maximum de son apport. * 46 DELMAS MARTY (M): « droit pénal des affaires », tome 2, PUF, p 19. * 47 Dans cette affaire, il était légitime de valoriser sensiblement des apports par rapport à leur valeur vénale. * 48 DOUCOULOUX Favard * 49 CISSE Abdoullah « dans la collection Droit uniforme africain, Sociétés Commerciales et GIE, titre 3 des incriminations pénales », p 254. * 50 Tribunal correctionnel de Paris 6 Mai 1974 D. 1975 ; Crim 12 avril 1976, bull, 115 : JCP 1977 |
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