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Le risque pénal dans la constitution des sociétés commerciales en droit OHADA ( Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires )

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par El Hadji Abdoul Aziz FALL
Université Gaston Berger de Saint- Louis Sénégal - Master 2 juriste d'affaires 2010
  

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Paragraphe 2 : l'assouplissement de la sanction et le risque de création des «paradis pénaux »

La mise en place du système de renvoi législatif pour l'application des sanctions pénales ne permet pas toujours à l'organisation communautaire de faire assurer une application rigide de la sanction par les Etats concernés. La sanction pénale revêt une importance particulière à deux points de vue au moins. Comme dans toutes les autres branches du droit, la répression est d'abord une sanction de la violation de la règle, et constitue à priori, une incitation à ne pas l'enfreindre. Mais plus qu'ailleurs, le risque de sanctions pénales peut n'être qu'un simple moyen coercitif puisque la sanction peut ne pas être toujours automatique.

Cette situation traduit selon une partie de la doctrine un cadre assez problématique parce que c'est un risque qui a été pris par le législateur communautaire dans l'harmonisation du droit des affaires imposant des limites123(*).Mais il faut dire que lors de la constitution des sociétés commerciales, ce sont les gérants qui sont désignés par les statuts pour accomplir les formalités de constitution dont les fondateurs ont la charge. Même si la loi ne précise pas si le ou les premiers gérants doivent tous avoir la qualité de fondateurs donc de futures associés ou peuvent être choisis en dehors des fondateurs.

Mais on peut penser que la référence aux fondateurs de sociétés anonymes et l'affectio societatis qui est à la source de la réunion de personnes dans le projet de constitution, nécessitent que le ou les premiers gérants soient désignés parmi les fondateurs124(*). Les objectifs tels que déclinés dans l'article 1er du traité poursuit une volonté d'intégration. Il s'agit donc de « l'élaboration et l'adoption de règles communes, simples, modernes et adaptées à la situation de leurs économies ». Cela se signifie que les Etats parties au traité OHADA, ont conscience qu'ils ne sont pas à un même niveau de développement et par conséquent acceptent toutes les implications de cette forme d'organisation.

Mais la technique utilisée par l'OHADA n'est pas sans risque puisque nous l'avons montré plutôt, la réception et la sanction des incriminations prévues par l'acte uniforme relatif aux sociétés commerciales et GIE pose souvent problème, encore que la plupart des Etats membres n'ont pas édicté des sanctions en application des incriminations de constitution des sociétés commerciales et les textes de référence des juges nationaux pour sanctionner ces actes prohibés se trouvent souvent éparpillés entre les codes pénaux et autres lois portant sanction des infractions prévues en droit interne. Les Etats membres risquent d'appliquer des sanctions pénales moins lourdes qu'elles ne devraient. Dans cette situation, on retrouve deux conséquences majeures: d'abord, l'existence d'une certaine impunité des auteurs d'actes incriminés du fait des insuffisances relevées précédemment au plan interne, ensuite, il ya l'aspect dommageable à long terme qui n'est autre que le risque d'apparition ce que l'on appelle les « pays refuge »125(*).

L'application de sanctions souples par les pays de l'OHADA est être considérée comme une nécessité dans la mesure où l'organisation veut atteindre ses objectifs de développement et par le moyen d'une harmonisation des législations en vigueurs, il aspire à attirer le maximum d'investisseurs étrangers. Il va sans dire que l'attractivité des règles posées par l'OHADA tout comme celles qui ont cours à l'intérieur d'un espace est la seule alternative pour la floraison des sociétés commerciales, vecteur de la bonne santé d'une économie. Les multinationales n'hésiteront pas à s'implanter quelque part où la législation est moins rigoureuse en termes de sanction. C'est ce qui fait dire à la doctrine que « ce risque est grave puisque à terme pourraient se mettre en place de vraies multinationales du crime avec des pays exportateurs et des pays importateurs de la criminalité »126(*).

Il ne faudrait cependant pas oublier que la dévolution du pouvoir d'édicter des sanctions127(*) est tributaire de la politique criminelle des Etats. En outre, il faut relever que l'organisation n'a jusque-là harmonisé que les règles d'ordres matérielles, elle ne s'est pas inscrite dans une logique d'organisation de la question des conflits de lois qui, s'avère essentielle dans la mesure où, même avec le renvoi législatif des sanctions pénales aux Etats membres, les incriminations posées au niveau communautaire peuvent laisser subsister des dispositions du droit national non contraires.

La prise en compte de toutes ces insuffisances conduirait à accroître l'efficacité de l'application au plan interne des sanctions pénales aux contrevenants en réduisant la problématique des conflits entre les dispositions des droits nationaux. Mais, en réservant aux Etats parties la compétence pour édicter les sanctions pour les incriminations pénales qu'ils prévoient, les pays pourraient favoriser l'apparition de paradis pénaux, la rupture entre l'élément légal et les sanctions y est pour quelque chose. Cette mesure a la limite de conduire à la situation tant critiquée où, le partage de compétence au plan judiciaire peut intervenir en cas de pourvoi en cassation portant sur une infraction pénale. Le pourvoi est partagé entre la CCJA compétente pour apprécier si le délit est constitué, et la cour de cassation nationale compétente pour apprécier la légalité de la sanction. Il en découle une hétérogénéité des sanctions prévues entre les Etats membres du fait des politiques criminelles poursuivies par les pays. L'auteur de l'infraction peut être quasiment relaxé dans la peine.

Cette application des actes uniformes, encadrée dans le droit pénal par la dévotion aux Etats membres de l'application des sanctions aux contrevenants de la loi pénale est source d'incohérence et justifie des réflexions qui ont cours dans ce sens en vue d'effectuer un « toilettage » des différents textes nationaux non contraires, mais qui ralentissent la procédure et la mise en oeuvre effective de la responsabilité pénale de l'auteur de l'infraction, prévue en droit communautaire128(*).

Au demeurant, la détermination des éléments légaux des infractions prévues dans le cadre de la constitution des sociétés commerciales par le législateur OHADA, peut constituer une belle formule pour appréhender le droit pénal surtout que la question soulève des interprétations relatives à la souveraineté. Mais le renvoi des sanctions aux différents Etats membres de l'organisation n'est pas toujours de nature à favoriser la répression totale des délinquants. Ce risque pénal qu'encourent les fondateurs et les premiers dirigeants peut s'avérer des moindres puisque certaines législations nationales tardent à mettre en place le dispositif assurant une véritable répression des faits incriminés et au plan communautaire. Le besoin de réussir le développement est certes une exigence étatique et constitue en même temps une faveur à la prolifération des sociétés commerciales, même si la criminalité transnationale est au crépuscule de certains laxismes, mais il faut relever que L'OHADA, est avant tout, un outil d'intégration et de croissance129(*) se veut un moyen efficace pour favoriser l'arrivée des investisseurs étrangers, gage d'une certaine santé économique de son organisation.

* 123 ISSA SAYEGH Joseph, « Quelques aspectes techniques de l'intégration juridique » : l'exemple des actes uniformes de l'OHADA : Revue de droit uniforme, 1999-1, p.5 Unidroit, Rome, Ohadata, D-02-11

* 124 Par rapport aux  fondateurs, il faut dire que la notion doit être entendue de façon large  telle que nous l'avons définie dans notre introduction: « a la qualité de fondateur en effet, la personne qui concourt de manière active à la constitution ou à l'immatriculation d'une société».

* 125 Terme souvent employé pour designer les « paradis pénaux »ou « forum shopping ».Cf. DELMAS-MARTY (M), Droit pénal des affaires, t.1, Partie générale : Responsabilité, Procédure, Sanction, PUF, 3e éd., 1990.

* 126 CISSE Abdoullah, Dans collection Droit Uniforme Africain, OHADA, Sociétés Commerciales et GIE BRUYLANT, BRUXELLES, titre 3, les incriminations pénales, p.237.

* 127 Voir à ce propos. DIOUF Ndiaw, «Actes uniformes et droit pénal des Etats signataires du Traité de

L'OHADA : la difficile émergence d'un droit pénal communautaire des affaires dans l'espace

OHADA», Revue Burkinabé de droit, n° spécial (2001), 63-74.

* 128 Il faut dire que c'est dans ce sens que des pays comme le Mali, le Cameroun, le Gabon ou même le Niger ont diligenté des études relatives aux modalités d'application du droit OHADA au plan interne. La loi 2003/008 du 10 juillet 2003 relative à la répression des infractions contenues dans certains actes uniformes au Cameroun, le code pénal et la loi portant mise en conformité des actes uniformes avec le droit gabonais en constituent une illustration.

* 129 Cf. A ce propos MBAYE Kéba, pour qui : « l'OHADA est un outil juridique imaginé et réalisé par l'Afrique pour servir l'intégration économique et la croissance. »

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon