L'eau est utilisée dans toutes les
cérémonies :
- on verse de l'eau sur les autels des ancêtres et les
représentations divines pour demander leur assistance et
bénédiction,
- on mélange de l'eau avec la farine de la boisson
"tchoukoutou"(bière locale) pour verser sur les ancêtres
et les représentations divines,
- les jeunes en cérémonie de dikuntri ou
difoni se baignent dans une mare sacrée appelée
Taworiminta,
- en cas sécheresse, les "vieux" font des sacrifices pour
solliciter l'aide des dieux,
- lorsqu'un arbre sacré servant des rites de faiseur
de pluie est déraciné, il survient une rupture de pluie et il
faut des cérémonies et sacrifices avant qu'il pleuve
(d'après SIMBIA N'KOUE, ex- chef de ville de
Koukouatchiengou).
- « Avant on cherchait un boeuf à un seul sabot
qu'on allait immoler sur la grotte sacrée à kounacogou,
avant la fin du sacrifice, la pluie tombait » (légende citée
par SIMBIA N'KOUE de Koukouatchiengou).
En cas d'excès pluviométriques ou inondations, on
implore simplement l'aide des dieux.
5.6.4.1- Limites des supports de l'information
liée à l'eau
Le caractère oral des connaissances endogènes rend
difficile leur transmission et est à la base de diverses
interprétations dans le milieu.
Les connaissances endogènes connaissent des mutations
à cause de la disparition des supports de l'information et de la
régression des impacts socio-psychologiques de gestion des ressources en
eau.
Les personnes âgées détentrices des
connaissances et pratiques utilisées par les ancêtres
disparaissent sans léguer leurs savoirs. Le
désintéressement et le non-respect des jeunes vis à vis
des pratiques ancestrales et des personnes âgées justifient le
refus de léguer les connaissances. L'efficacité des formes de
gestion endogène des ressources en eau est de nos jours mise en doute.
Autrefois les "impacts rituels seraient plus palpables et immédiats".
Aujourd'hui ils sont aléatoires. Par exemple à Koutagou
plus précisément à Ditchindia, les paysans
vidaient une mare sacrée en cas de sécheresse en chantant et
suppliant les divinités de leur accorder leur clémence. C'est la
pluie qui les dispersait avant qu'ils ne finissent de vider la mare.
Aujourd'hui, non seulement cette pratique n'est plus suivie, mais il arrive
qu'il ne pleuve pas du tout ou qu'il pleuve trois jours ou une semaine
après le rituel.
Ces changements ont plusieurs raisons selon les paysans :
"plus de respect des personnes, des dieux, des coutumes ancestrales et des
règles de la nature. Les hommes sont devenus nombreux et les terres
cultivables ne suffisent plus, ce qui fait qu'on cultive même jusque sur
les bosquets et dans les endroits où on ne doit pas cultiver. Les
"vieux" de maintenant ne connaissent pas les vraies règles de nos
ancêtres et de la nature. Les faiseurs de pluie d'aujourd'hui ne
connaissent et ne suivent plus les règles de nos ancêtres.
Bien qu'il y ait des coïncidences des faits qui
justifient l'efficacité des pratiques, des croyances et attitudes
populaires, la gestion endogène n'offre pas une garantie suffisante pour
la maîtrise des ressources en eau. En outre les acquis culturels en
matière de l'eau ne sont pas mis en valeur.
5.6.4.2- Limites liées aux variations
climatiques
Une irrégularité des pluies est observée
par les paysans ces dernières décennies. Cette variation se
traduit par l'allongement de la saison sèche, le raccourcissement de la
saison pluvieuse et le bouleversement du calendrier agricole paysan. La saison
pluvieuse commençait rigoureusement en Avril et se terminait en
Octobre/Novembre. L'harmattan débutait en Décembre. Aujourd'hui
les pluies sont de plus en plus tardives et la saison sèche commence de
plus en plus tôt en Octobre pour ne finir qu'en Mai voire Juin au lieu de
Mars.
Les variations observées par les paysans sont effectives
et confirmées par les statistiques pluviométriques de l'ASECNA
(figure38).
0 Figure38: Comparaison des pluies des normales 31-60
et 61-90
La figure ci-dessus montre une baisse de la quantité de
pluie sur tous les mois dans la 0 dernière normale (1961-1990) par
rapport à la première (1931-1960).
0 Par ailleurs selon les paysans, auparavant dans le mois
d'août les pluies étaient fines et
M
empêchaient de sortir des chambres parfois toute une
journée. Ces pluies permettaient de
Mois
repiquer le mil et le sorgho. Aujourd'hui ces pluies n'existent
plus et sont remplacées les averses ou parfois par la
sécheresse.
Les paysans trouvent les causes de ces variations à
l'échelle du village dans les comportements amoraux de la
communauté et le non-respect des règles de la nature et de la
tradition des ancêtres. A l'échelle de la région, ces
variations seraient dues à l'évolution du climat tropical humide
vers le climat tropical sec ou climat sahélien.
Les fondements paysans des variations climatiques sont
similaires en grande partie à ceux scientifiques à savoir : la
dégradation de l'environnement, le réchauffement de la
planète ~etc. (M. I. A. FAKOREDE,2002). La péjoration climatique
met les paysans dans l'incertitude presque totale. Ce qui les oblige à
tâtonner dans leurs activités et à rechercher les
palliatifs à travers les aménagements et les adaptations.
5.6.4.3- Limites liées aux aménagements
consacrés aux ressources en eau
Les populations rurales ne connaissent pas les lois en
vigueurs en matière de l'eau et ont un très faible niveau
d'informations sur les normes hygiéniques et sanitaires internationales
en matière de l'eau.
Pour assainir l'eau, les paysans utilisent les substances
telles que l'alun, le kaolin... Ces traitements n'obéissent à
aucune norme sur le plan sanitaire. Ce qui pourrait être à
l'origine de plusieurs maladies provoquées par les effets de ces
substances sur l'organisme.
L'aménagement des mares et sources (par le PGTRN) se
limite seulement à deux arrondissements sur les sept de la commune de
Boukombé (Natta et Boukombé-centre).
Les ouvrages tels que les puits à grand
diamètre, les pompes - forage, sont gérés par des
comités constitués au niveau des quartiers ou des villages. Les
postes sont bénévoles. Le responsable est souvent une femme
appuyée par un trésorier. L'eau n'est pas vendue. Mais tous les
habitants du quartier ou du village usagers de l'ouvrage souvent connus par le
comité, doivent payer une cotisation par mois qui varie de 100F à
200F selon l'ouvrage et le nombre d'usagers c'est à dire l'effectif de
la population du quartier ou du village. Lorsqu'un étranger ou un
individu d'un autre quartier ou village vient chercher de l'eau à
l'ouvrage sans permission du responsable, il est amandé et doit payer le
double de la cotisation mensuelle. Les recettes
Cloison
Sillon
provenant de la cotisation mensuelle servent à
l'entretien des équipements : achat de cordes, de sceaux,
réparation de treuil, de poulie, achat ou réparation des
pièces de rechange pour les pompes.
La mauvaise gestion à laquelle on assiste dans la
plupart des cas explique l'abandon des ouvrages en panne. Elle résulte
souvent de l'absence, la disponibilité ou la mauvaise organisation des
comités de gestion dans certains villages ou localités. Les
ouvrages à gérance privée tels que les puits
traditionnels, les pompes à domicile d'adduction de la SBEE sont mieux
entretenus. En somme on note la faible mobilisation des populations rurales
pour la gérance des ouvrages.