1.2 Matrice de comptabilité sociale et analyse
de la pauvreté
C'est à PYATT et ROE (1977) que l'on attribue les
premiers travaux concernant utilisation de la MCS pour analyser la
pauvreté. En 1989, Haider KHAN utilise une MCS pour analyser l'impact
des sanctions économiques sur l'économie Sud
Africaine.8 On recense à ce jour en Afrique de nombreuses
applications de la MCS pour l'analyse de la pauvreté. Parmi cellesci, on
peut citer les cas de la TANZANIE9, du MALAWI10, de
l'AFRIQUE DU SUD11, de la
8"SAM and CGE modelling: Using Macroeconomic
computable general equilibrium model for assessing poverty impact of structural
adjustment policies" by Haider A. KHAN, university of denver, 2007
9poverty-focused social accounting matrix for
Tanzania, par James THURLOW et Peter WOBST, Mars 2003
10A 1998 social accounting matrix for malawi, par Osten
CHULU et Peter WOBST, Février 2001
11A technical report on A gender-aware Macroeconomic model
for évalauting impacts ofpolicies on poverty reduction in Africa: the
case for South Africa
NAMIBIE 12, et du Cameroun13
L'un des modèles développés par ces auteurs
est le modèle des multiplicateurs ou mieux, "fixed price multiplier
analysis" ou "Social Accounting Matrix based multipliers"
1.2.1 La MCS comme instrument d'analyse économique
: le modèle "SocialAccounting Matrix based
multipliers"
Ce modèle permet l'analyse à partir d'une MCS
des effets d'un changement dans un secteur de l'économie sur l'ensemble
du système économique, ceci à travers les fluctuations au
niveau de la répartition des revenus.
Développée dans un premier temps par Jeffery
ROUND14,et Graham PYATT 15, cette méthode sera
proposée aux pays en développement par la banque mondiale. En
effet, pour ces pays qui essayent de mettre en place des stratégies de
lutte contre la pauvreté, cette méthode serait un instrument
efficace pour l'évaluation de l'impact sur la pauvreté des
mesures de politiques économiques prévues à cet effet.
La mise en oeuvre de la méthode se fait en plusieurs
étapes :
- On distingue les comptes en deux catégories : les
comptes exogènes qui sont ceux dont les valeurs sont supposées se
déterminer de manière autonome, c'est sur ces comptes que sont
réalisées les simulations et les comptes des endogènes
dont les valeurs sont fortement dépendantes de l'environnement
économique, c'est sur ces comptes que l'on évalue l'impact des
politiques;
- La construction de la matrice des multiplicateurs;
- Simulations et interprétations des résultats.
La matrice des multiplicateurs
Le tableau 4 donne une présentation schématique de
la matrice de comptabilité sociale.
12A social accounting matrix for Namibia,2002 : A Tool for
analysing economic growth, income distribution and poverty, par
Glenn-Marie LANGE ET klaus SCHADE, Octobre 2004
13Analyse de l'incidence d'une TVA imparfaite
à l'aide d'un modèle calculable d'équilibre
général Application au cas camerounais, par Christian
Arnault Emini
14"Social Accounting Matrix and SAM-Based
Multiplier Analysis"
15"Multiplier Effects and the Reduction of
Poverty"
- la sous-matrice T enregistre tout ce qui concerne la
circulation des revenus dans l'économie nationale;
- X et L représentent les sous-matrices des
exogènes;
Si tij est un élément de la sous matrice T, alors
sa valeur est dépendante de plusieurs facteurs. On a donc :
Avec
???? ?
????
tij = tij(P, Y, è) (1.1)
P le vecteur des prix des biens et services Y le vecteur des
totaux
è un paramètre fixé
Tableau 4 : REPRÉSENTATION
SCHÉMATIQUE D'UNE MCS
Avec
? ?
?
Le total des éléments de la jème
colonne est :
X i
tij(P,Y, è) + lj = y0 (1.2)
j S(p
y0 j le jèmeélément du
vecteur Y'
SI
lj le jème élément du vecteur L
R
(op
Soit D la matrice définie par D=(dij) avec
tij
dij = yi
D est une matrice de propensions, on parle aussi de matrice de
coefficients débouchés16
16en effet, effectuant une simulation en ligne (sur le
vecteur L), la matrice D est calculée par rapport au vecteur Y et non
pas Y'
L'équation (1.2) peut se reécrire :
Y ' =t DY ' + L (1.3)
Y ' = M.L
Avec
M = (I _t D)-1 (1.4)
M est la matrice des multiplicateurs. C'est la matrice des
multiplicateurs à prix fixes. Cette matrice définit la variation
consécutive du total d'une colonne (dyj) consécutif à une
variation au niveau des exogènes. On a :
dY = dL.M
Décomposition de la matrice des
multiplicateurs
Il est possible de décomposer l'effet global d'une
politique sur la distribution des revenus et donc sur la pauvreté. Pour
ce faire, on se doit de décomposer la matrice des multiplicateurs. On
peut réécrire la matrice tD de la manière
suivante :
?tDPP 0 tDP S
? ?
tD = ? tDF P 0 0
?0 tDSF tDSS
|
(1.5)
|
où
? ??????????
??????????
tDPP est la sous-matrice des flux entre les comptes de
production(branches et produits) tDPS est la sous matrice des flux
entre les comptes de production et ceux des secteurs tDFP est la
sous matrice des flux entre les comptes de facteurs et ceux de production tDSF
est la sous matrice des flux entre les comptes des secteurs et ceux des
facteurs tDSS est la sous matrice des flux entre les comptes des
secteurs
La matrice des propensions peut être
représentée comme suit (tableau 5) :
tD peut encore s'écrire :
tD = (tD _ àtD) + t Dà
où
tDPP 0 0 t Dà = 0 0 0
0 0 tDSS
Tableau 5 : Présentation schématique
de la matrice des endogènes
Comptes
|
Produits
|
Production
|
Facteurs
|
SI(opérations
|
RDM (operations courantes)
|
SI(capital)
|
RDM(capital)
|
I
|
II
|
III
|
IV
|
V
|
VI
|
VII
|
Produits
|
I
|
APP
|
0
|
APS
|
Production
|
II
|
Facteurs
|
III
|
AFP
|
0
|
0
|
SI(opérations courantes)
|
IV
|
0
|
ASF
|
Ass
|
RDM (operations courantes)
|
V
|
SI(capital)
|
VI
|
RDM(capital)
|
VII
|
et
?0 0 tDPS
? ?
tD -t Dà = ? tDFP 0 0
?0 tDSF 0
La matrice t Dà capte les transferts entre les comptes de
produits d'une part (tDPP), et entre les comptes de secteurs d'autre
part (tDSS). On pose
0 0 tDPS
ftD = (I - àtD)(tD -
àtD) = ftDFP 0 0
Avec
? ????
????
0 tDSF 0
tDPS = (I - àtDPP
)-1.tDPS
tDFP =t DF
P
tDSF = (I -t DSS)-1.tDSF
L'équation 1.4 s'écrit alors :
M = (I - ftD)-1(I - àtD)-1 =
M3M2M1
Avec
? ~ ~-1 ? ?
M1 = I - ftD = ? ?
? ~ ? ?
I + ftD + ftD2~
M2 = = ? ?
(I -t DPP)-1 0 0
0 I 0
0 0 (I -t DSS)-1
I tDPStDSF tDPS
tDFP I tDFP tDPS
tDSF tDFP tDSF I
( I - ftD3)--1
M3 =
? ~ )--1
I - ftDP S ftDSF ftDF P 0 0
? ? ( )--1
= ? ? 0 I - ftDF P ftDP S
ftDSF 0
( )
0 0 I - ftDSF ftDF P
ftDP S
|
--1
|
La matrice M1 capte les effets des transferts entre les branches
d'une part, et entre les secteurs institutionnels d'autre part.
La matrice M2 capte les effets croisés entre les
différents secteurs de l'économie. La matrice M3
représentent l'effet multiplicateur des transferts.
1.2.2 L'analyse de la pauvreté
L'analyse de la pauvreté nécessite la prise en
compte de : - l'évaluation du bien-être des individus;
- la détermination des seuils de pauvreté;
- le choix de la mesure de pauvreté.
Le bien être : Le bien-être d'un
individu est un concept pluridimensionnel, du fait qu'on ne peut pas facilement
transformer plusieurs de ses composantes en numéraire. La meilleure
façon de mesurer le bien-être individuel est d'utiliser une mesure
monétaire (DEATON et MUELLBZUER, 1980)17. Pour cela on a
besoin des données concernant le niveau des revenus ou des
dépenses des ménages. Dans la pratique, on a le choix entre deux
mesures du bien-être : le revenu et la dépense. L'optique
dépense est plus avantageuse que l'optique revenu, ceci pour deux raison
principalement :
- Sur le plan conceptuel, la théorie du revenu
permanent suggère que les dépenses constituent une meilleure
approximation des revenus à long terme, donc du niveau de vie que les
revenus courants dévoilés par une enquête;
- Sur le plan empirique, on montre que les dépenses
sont mesurées avec une plus grande précision que les revenus,
surtout dans le cas où une part importante de ceux-ci est tirée
du secteur informel comme c'est le cas au Cameroun par exemple.
17cité par Samuel FAMBON dans
"Pauvreté, Croissance et Redistribution au Cameroun"
Le seuil ou la ligne de pauvreté :
L'analyse de la pauvreté nécessite
l'établissement d'une ligne de pauvreté à utiliser en
conjonction avec les indicateurs du bien-être. On dénombre deux
approches pour la construction d'un seuil de pauvreté :
- L'approche dite " absolue " basée sur un minimum des
besoins nutritionnels à satisfaire. Elle se traduit par un minimum de
dépenses alimentaires auxquelles ont peut ajouter un panier de bien non
alimentaire jugé nécessaire.
- La ligne de pauvreté relative.
C'est la première approche qui est mise en pratique
dans le cas du Cameroun, il est calculé sur la base des données
de l'Enquête Camerounaise Auprès des Ménages en 2001.
Ainsi, en 2001, le seuil alimentaire à été estimé
à 151 398 FCFA et le seuil total est estimé à 232 547
FCFA18.
La mesure de la pauvreté : Elle permet de
synthétiser l'information sur le niveau de vie. Pour ce faire, on
utilise un indice de pauvreté dont la forme générale est
donnée par:
P = P(Z/u,L)
avec :
? ????
????
|
u = revenu moyen de la population
Z = la ligne de pauvreté
L = un paramètre caractérisant la distribution du
revenu mesuré par la fonction de Lorenz
|
Une spécification très souvent utilisée de P
est celle proposée par FOSTER, GREER, et THORBECKE en 1984, connue sous
le nom d'indice FGT ou indice Pá. Elle
s'écrit :
Avec :
|
1
Pá = n
|
X q
i=1
|
~ z-yi ~á
z
|
|
|
|
|
|
18INS, document de méthodologie ECAMII, tome4 :
calcul du seuil de pauvreté et de l'indicateur de niveau de vie, P64
?
????????? ?
??????????
|
q = le nombre de pauvres
z = la ligne de pauvreté
m = le nombre d'individus
yi = dépense par équivalent adulte/jour de
l'individu i a = paramètre d'aversion pour la pauvreté
|
En attribuant au paramètre a des valeurs comprises entre 0
et 2, on obtient les trois indicateurs régulièrement
utilisés pour l'analyse de la pauvreté, à savoir :
- pour a=0, l'incidence ou le ratio de pauvreté qui est le
nombre de pauvres exprimé en pourcentage de la population totale;
- pour a=1, la profondeur de la pauvreté qui estime le
revenu nécessaire pour éradiquer la pauvreté;
- pour a=2, la sévérité de la
pauvreté.
Ces indicateurs peuvent être décomposés en
sous groupes. Ainsi, si Páj est un indicateur de pauvreté du
groupe j, Kj la proportion du groupe j dans la population totale,
Pá, l'indicateur de pauvreté pour la population totale
est alors :
IPá = Kj × Páj
j
La contribution relative cj de chaque groupe à la
pauvreté est donnée par l'expression :
(Páj × Kj)
cj = Pá
Une analyse poussée de la pauvreté
nécessite que les valeurs de ces différents indicateurs soient
déterminées. Cela implique la réalisation des
enquêtes auprès des ménages afin de recueillir les
informations. Il se trouve que ce type d'enquête nécessite
d'importants moyens, aussi bien humain que financier. Dans le contexte du
Cameroun qui comme la plupart des pays africains ne dispose pas encore d'un
système de collecte d'informations rapide, il est pourtant important de
pouvoir mesurer même de manière approximative l'impact sur le
bien-être des individus d'une mesure particulière de politique
économique. La comptabilité nationale offre un cadre
adéquat pour de telles évaluations : il s'agit de la MCS. La
grande particularité de cette matrice est de permettre
l'établissement d'une liaison directe entre les comptes de production et
les comptes des secteurs institutionnels. Pour cette raison, la MCS sert de
base de données
à de nombreux modèles d'analyse de
l'économie à l'instar des modèles d'équilibre
général calculable et des modèles multiplicateurs. Nous
allons appliquer ce dernier type de modèle au Cameroun pour
évaluer l'impact d'une politique fiscale sur la pauvreté.
Ainsi, à partir de la matrice des multiplicateurs, nous
allons déterminer l'impact sur la pauvreté d'une mesure de
politique fiscale19.
Soit Q, l'effectif des pauvres dans la population totale. Cet
effectif est répartie dans les différents sous groupes de la
population de tel sorte que l'on ait :
Q = Xk Qi (1.6)
j
Avec k le nombre de sous groupe de la population. Dans notre cas,
on considèrera deux sous groupes, la population urbaine, et la
population rurale.
Qj est l'effectif des pauvres dans la population i. On suppose
que
Qj = mjPj (1.7)
mj la taille de la population dans la sous population j
Pj la proportion de pauvre ou encore l'incidence de la
pauvreté dans la sous population
Une variation de la pauvreté dans la sous population
serait consécutive soit à une variation de la taille de la sous
population, soit à une variation de l'incidence de la pauvreté
ainsi que le montre l'équation ci-après :
dQj = mjdPj + Pjdmj (1.8)
La variation de l'incidence de pauvreté dPj peut avoir
deux explications:
- la variation du revenu par tête dans la sous
population, sous l'hypothèse que cette variation n'a aucune
influence sur la répartition des revenus dans la sous population;
- la variation du niveau général des
prix, sous l'hypothèse que cette variation va entraîner
une modification des seuils de pauvreté et permettre à des
individus de changer de statut par rapport à la pauvreté. En
effet, les seuils de pauvreté sont calculés en valorisant un
panier de biens au prix du marché, donc toute modification du prix de
marché devrait entraîner une modification des seuils.
19Cette méthodologie à été
développée par PYATT et ROUND (2004) dans :"Multiplier Effect
and Reduction of Poverty"
Si l'on fait abstraction de la variation des prix, il ressort
que la variation de l'incidence de la pauvreté dans la sous population j
s'explique essentiellement par la variation du revenu dans la sous population,
soit donc :
?Pj
dPj = dëj (1.9)
?ëj
avec ëj le revenu par tête par la sous population
j. En posant
C =
j
j ?Pj
Pj ?ëj
la variation du taux de pauvreté s'exprime alors comme
suit :
dPj
pj
= Ej
~dyj dnj )
(1.10)
yj nj
cj est l'élasticité partiel de Pj par rapport
à ëj, elle est assimilée à l'élasticité
de la pauvreté des ménages dans la sous population j.
L'équation 1.8 peut se réécrire
Lcj dyj + (1 6j) dnji
= (1.11)
yj nj
dQj
Qj
Ou encore,
dQj Qj
~ ~
(1 + |~j|) dnj - |~j| dyj
= (1.12)
nj yj
La pauvreté connaîtra une baisse effective si l'on a
:
dyj yj
|
( 1 + 1 ~dnj
~ (1.13)
|Ej| nj
|
Si l'on considère connu le taux de croissance de la
population (dna nj), alors pour déterminer la
variation des revenus d'un sous groupe de la population, il suffirait de
déterminer la valeur de l'élasticité (cj),la variation du
revenu étant obtenue grâce à la matrice des
multiplicateurs. La détermination de l'élasticité de la
pauvreté sera faite à partir des données de l'ECAMII.
|