3.8. Religion :
La religion principale est l'animisme alors que la minoritaire
est le Bouddhisme.
Un chamane khamou118 officie trois
cérémonies communautaires et tente des guérisons à
l'aide de plantes médicinales. Il demande chaque année aux
esprits durant des cérémonies coutumières de
protéger les cultures contre les prédateurs et de favoriser les
plants cultiver pour avoir de bonnes récoltes. Il assure donc la
fertilité du terroir en maintenant l'ordre entre les esprits, les
ancêtres, les anciens et les jeunes villageois119. Il peut
aussi faire passer des messages des esprits aux hommes. Ils les a reçu
durant les rêves ou durant des méditations.
Le chamane habite au village avec sa famille jusqu'en juillet
puis il part vivre en forêt pour
117 << Lao loum >> : les lao d'en bas, << Lao
theung >> : lao de moyenne altitude, << Lao soung >> : lao du
haut en langue lao.
118 legoune en langue lao.
119 << Les activités agricoles et leur formalisation
juridique ne peuvent être considérées indépendamment
d'un ensemble de << croyances >>, de représentations des
relations entre l'homme et la nature d'une part, entre les vivants et les
ancêtres d'autre part, auxquels sont liés des << actes
>>, des pratiques rituelles >>. O. Evrard, 2001 : 167.
pratiquer des cérémonies, collecter des plantes, se
lier aux esprits.
Les autorités ont désormais interdit de
sacrifier des animaux, de les offrir en offrandes aux esprits tutélaires
et de se servir de leur sang pour les cérémonies animistes.
L'argument tient de l'hygiène et de l'économie des denrées
alimentaires dans des régions pauvres, manquant surtout de viande. Le
chef ajoute qu'aujourd'hui <<il y a un hôpital au village »,
marque d'une laocisation et d'un certain recul par rapports aux sacrifices
animistes. Le chef <<comprend que le gouvernement demande de supprimer
les anciennes croyances, surtout animistes. Il veut développer notre
village ». Le chef et d'autres villageois sont << pour l'application
de la direction du gouvernement ». Ces réduction des pratiques
sacrificielles se rencontre chez tous les villageois relocalisés. Yves
Goudineau120 faisait tout de même remarquer que ces sacrifices
pouvaient être plus fréquemment pratiquées si les
résultats des déplacements s'avéraient être des
échecs au bout de quelques années.
Monsieur Mao est le chamane du village. Tous les villages voisins
abritent aussi un chamane. Sa famille forme des chamanes de père en fils
car ils auraient été les premiers, en 1969, à s'être
installés à Bouamphanh sur le seul terrain plat du vallon, proche
de la rivière.
Toutes les autres habitations sont sur les versants, près
de la route par manque d'emplacements plats non utilisés par les
cultures et proches de la <<petite rivière ».
Il effectue trois cérémonies villageoises pour
<< traiter respectueusement les esprits »121 et
bénéficier de leurs bonnes grâces pour les
récoltes.
Il a sa place au conseil des anciens qui décide et
organise les attributions annuelles des parcelles, de l'installation de
nouvelles familles au village...
Lorsque le conseil a accorder un emplacement pour le nouveau
foyer, Monsieur Mao demande aux esprits d'accepter les émigrants, de ne
pas leur créer de problèmes. La demande en aide n'existe pas.
Seule une demande de non-intervention des esprits est effectuée.
Il connaît très précisément la
faune et la flore médicinale sauvage, leurs combinaisons
bénéfiques accompagnées des paroles sacrées. Il
peut ainsi guérir traditionnellement certains villageois qui viennent le
voire avant d'aller à l'infirmerie. Pour les maux de ventre, il utilise
des plantes qu'il nomme en langue khamou coc boulr, coc tam
ngoud ou cua fat en langue lao. Pour les fièvres et les
maux de tête, il utilise calenglroï et pour empêcher
la jaunisse des nouveau-nés, les femmes enceintes consomment du coc
séé ou to bong122 en lao. Contre les
venins de serpents, il a besoin de tchom home mélangé
à sa salive et à une partie du poulet.
La première cérémonie qu'il effectue se
déroule avant les travaux de coupe des parcelles villageoises. Il
utilise pour cela deux poules et deux verres d'alcool de riz qu'il offre aux
esprits mauvais123, aux esprits de la forêt124, du
riz125 et des défunts126 afin de ne pas avoir
d'accidents pendant la coupe des essarts.
120 Y. Goudineau, 1996.
121 Pooua phi en langue lao.
122 bambusa tulda
123 phi crouang en langue lao.
124 phi paa en langue lao.
125 phi krao en langue lao.
126 phi paèl en langue lao.
La seconde cérémonie se déroule lorsque
les gerbes de riz sont à une taille approximative de 80 cm. Il utilise
alors un cochon domestique et plusieurs pièces illisibles d'une ancienne
monnaie. Cette cérémonie est encore un voeu collectif demandant
aux esprits de faire de bonnes auspices. La troisième
cérémonie se produit avant de récolter. Monsieur Mao a
alors besoin de riz, des outils utilisés pour la récolte et des
produits des essarts que les villageois déposent, durant l'officie, dans
un panier installé sur une table basse.
Toutes ces cérémonies coûtent 10.000 kips
par famille afin d'acheter les matériaux indispensables aux rituels
(alcool de riz, poules, cochon...) et d'apporter un maigre don pour les
propitiations de Monsieur Mao.
Toutes les cérémonies collectives s'effectuent
en extérieur, dans deux lieux réservés aux rituels
collectifs. La première cérémonie de la coupe se
déroule dans la forêt-cimetière, près de la
rivière, au sud du territoire, à cinq minutes des habitations et
les deux cérémonies suivantes se déroulent près des
champs, au nord du territoire, à 20 minutes de marche des
habitations.
Durant les cérémonies et dans les lieux de leurs
exécutions, les interdits touchant à la coupe et à la
collecte du bois sont nombreux.
A chaque lieu cérémoniel, la coupe des arbres
est traditionnellement interdite sur 0.5 hectare. Les lieux doivent garder
leurs caractères traditionnels, le souvenir du passé. Ils doivent
être l'espace de relation avec les esprits. Un lieu désertique,
sans vie, sans lien avec le passé, n'aurait aucun
intérêt.
Les Khamou portent un grand respect aux arbres anciens, aux
lianes colorées qui tombent jusqu'à terre, aux troncs
impressionnants par leurs tailles et les formes de leurs formes. Les oiseaux
aiment y venir, y faire une chorale joyeuse dans les branches. L'arbre de
Bouddha127 et d'autres espèces ligneuses sont des
protégées. Certains Khamou, bouddhistes, y voient la
présence de bons esprits. Ils apportent donc des présents aux
pieds de ces arbres et demandent aux esprits de les laisser vivre en paix.
Les jours des cérémonies, aucune coupe ou collecte
de bois n'est permise et les bois qui ont servi à transporter des morts
ne peuvent plus être utilisés. Ils sont abandonnés en
forêt.
Selon le jeune marié, un arbre spécifique,
considéré comme sacré, abrite des esprits128.
Les villageois y viennent lors des cérémonies communautaires ou
lors d'occasions familiales pour apporter aux esprits qui l'habitent, respect,
gratitude, reconnaissance et une bonne cohabitation. Lors de ces
cérémonies publiques ou familiales, les villageois lavent
l'écorce avec de l'eau, déposent des donations alimentaires, des
offrandes à leurs pieds. Ces cérémonies
particulières sont liées aux respects des tabous, des dates
traditionnelles, du chamane, dans le but de ne pas contrarier les esprits. Ces
derniers ne sont ni bons ni mauvais à l'origine mais peuvent devenir
l'un ou l'autre selon l'attitude des villageois.
La peur des esprits dans les villages isolés a
peut-être développé la solidarité, le
communautarisme et la soumission des villageois aux forces invisibles. Les
moyens de communications (pistes et engins motorisés relativement
rapides, téléphones, télévision...) ont
diminué les distances et ont pu faire s'amenuiser le sentiment
d'isolement et son corollaire, la solidarité sécuritaire. La
relation entre le sentiment de proximité et la réduction des
solidarités n'est cependant pas certaine. Mon étude ne portant
pas sur cette question, il serait préférable de
127 kok pho ou mac ral en lao, ton sal
en thaï.
128 Nom de l'espèce non enregistrée.
ne pas débattre plus avant inutilement. Beaucoup de
facteurs entrent en cause pour expliquer la réduction des
solidarités villageois observées et enregistrées
après entretiens.
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