2.2.2.1. Byram et le modèle multidimensionnel de
compétence interculturelle Byram (1997) propose un modèle de CIC
articulé autour de cinq axes majeurs :
· Les savoir-être (attitudes, relativising self and
valuing others) :
Ils recouvrent la capacité à relativiser la
primauté de ses valeurs, à adopter une posture intellectuelle
ouverte à l'altérité, c'est-à-dire savoir faire
abstraction tant de sa défiance envers les autres cultures que de ses
certitudes et croyances envers sa culture d'origine.
· Les savoirs sociaux (knowledge, of self and others, and
of interaction between individuals and society) :
Ils incluent des connaissances théoriques sur la
société d'accueil. Cela comprend notamment les processus sociaux,
ou les règles de fonctionnement et les pratiques. Ces savoirs visent
à connaître ce qui est l'usage dans la société
d'accueil et, de par cette connaissance des éléments
significatifs entrant en jeu dans la relation interculturelle, aident le sujet
à adopter un comportement approprié lors des interactions
sociales.
· Les savoir-comprendre (skills, of interpreting and
relating) :
Ces savoirs fonctionnels distinguent la capacité
à traduire, analyser et mettre en relation les éléments de
la culture d'accueil avec ceux de la culture d'origine. D'une part, cela
implique d'être à même d'aborder l'Autre sous un angle
adéquat afin le comprendre. Ensuite, il s'agit de faire le pont entre
les cultures, de chercher des universaux.
· Les savoir-apprendre-et-faire (skills, of discovery and
interactions) :
Il s'agit là de développer et manier de
nouveaux savoirs fonctionnels qui s'appuient sur les savoirs
préexistants et permettant d'interagir dans les deux cultures, de
compléter sa « boîte à outils »
communicationnelle. Cela comprend par exemple ce qui relève des modes
communication verbaux et non-verbaux ou du champ des compétences
linguistiques.
· Savoir s'engager (critical cultural awareness) :
Ce dernier savoir correspond à l'aptitude du sujet
à se positionner en retrait vis-à-vis des
cultures et à porter un regard critique sur ces
dernières, à les interroger. Il s'agit d'abord d'expliciter les
valeurs et autres attributs des cultures, d'en prendre conscience, puis de les
mettre en perspective. Cela doit permettre l'engagement, c'est-à-dire la
négociation d'un compromis entre les cultures. In fine, il
s'agit de déplacer l'accord de référence à l'une
des deux normes culturelles afin construire une nouvelle norme acceptable entre
les cultures, soit interculturelle.
5. Savoir s'engager
Déplacer l'accord d'une référence
à l'une des
deux normes culturelles pour construire un
nouvel objet interculturel
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4. Savoir-apprendre-et-faire
Enrichir sa boîte à
outils communicationnelle
2. Savoirs sociaux
Appréhender les normes de comportements lors des
rapports sociaux
3. Savoir-comprendre
Faire le pont entre les cultures, chercher les
universaux
FIGURE 1 : modèle multidimensionnel de CIC
(adapté de Byram,1997)
Pour Byram, la CIC a moins pour objectif de s'approprier
l'intégralité des attributs de la culture cible pour jongler
ensuite entre deux référentiels culturels que d'accéder
à un espace au-delà de chacune des cultures pour favoriser
l'émergence d'une identité qui les transcende. Pour cet auteur,
c'est là que s'opère la distinction entre le bi-culturel et
l'inter-culturel. Être biculturel (ou triculturel, etc...) c'est se
condamner à n'occuper qu'un espace à la fois, ou, de façon
imagée, à être semblable à une pièce de
monnaie ou un dé, ne pouvant dévoiler qu'une seule face à
chaque lancer. En revanche, être interculturel, c'est avoir don
d'ubiquité et évoluer dans des sphères aux multiples
configurations. Un pied dans la culture source, un autre dans la culture cible,
mais à distance des deux, dans un espace interstitiel qui s'appuie sur
elles tout en les dépassant (Byram, 2003). Dans cette optique,
l'individu devient ce que Byram appelle le « locuteur interculturel
», celui qui a une latitude d'action dans plusieurs espaces de
communication (Audras et Chanier, 2007), celui qui communique avec les
représentants de la société d'accueil dans leur propre
langue et négocie l'équilibre entre les
référentiels culturels, s'incarnant ainsi en «
médiateur interculturel ».
L'ethnocentrisme engendre l'asymétrie entre les
référentiels culturels. Ainsi, si chacun interprète les
stimuli qu'il reçoit en fonction de ses propres codes, les situations
interculturelles sont susceptibles d'introduire de l'incertitude dans les
schémas standards de communication. En revanche, le médiateur
interculturel, lui, est capable de dissiper toute confusion car il sait
décoder correctement les messages émanant des
représentants des différentes cultures. Il peut porter un regard
lucide sur son référentiel culturel originel, sur ses
préconceptions, tout comme il peut comprendre l'Autre dans son
altérité essentielle, c'est-à-dire envisager le point de
vue de l'Autre à la lumière même de l'ethnocentrisme propre
à ce dernier ; autrement dit voir à travers les yeux de
l'étranger.
Le modèle de Byram présente l'avantage
précieux d'expliciter un ensemble de variables qui interagissent et
entrent en jeu dans la construction de la CIC. Cette décomposition donne
corps à un concept fugace, le rend plus tangible. En revanche, il a
l'inconvénient de se présenter comme un modèle statique en
ne distinguant aucun niveau d'habileté, comme si l'on était soit
compétent, soit incompétent, sans autre alternative. Par
ailleurs, il érige les cultures en blocs homogènes et immobiles
avec lesquels l'individu pourrait interagir directement, révélant
par là une approche quelque peu normative du concept de culture (Dervin,
2009).
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