II. L'INCOHERENCE DES POLITIQUES
La zone des Niayes a enregistré un nombre spectaculaire
de projets qui se sont succédés durant ces dernières
années et dont la vocation à été soit
maraîchère soit forestière.
Evoluant sur des trajectoires différentes, ces
programmes sont le reflet d'une lecture incomplète du milieu et de
l'écosystème par leurs principaux instigateurs en occurrence
l'Etat et ses partenaires extérieurs.
Une brève synthèse en montre la diversité
et les principaux objectifs. Dès le début des années 80 on
voit apparaître de nombreux projets dont l'un des plus étendu sur
le plan spatial (Mboro, Fass Boye, Lompoul, Beytigueye et Sawo) est le PMM
(Projet Maraîcher de Méouane) dont les objectifs, au lendemain des
années de sécheresses, étaient d'accroitre les superficies
cultivées en octroyant des moyens comme les motopompes, les engrais. Par
ailleurs il faut signaler la présence du PAEP (Projet d'Appui à
l'Entreprenariat Paysan) qui intervient dans la zone pour la croissance de la
filière maraîchère, le PMEH (Projet de promotion des PME
horticoles) qui accorde des subventions aux paysans qui sont exclus des
crédits formels, le FONGS (Fédération des ONG du
Sénégal) qui participe au financement de la production, le CPM
(Centre de Perfectionnement des Maraîchers) qui joue un rôle
important dans la formation des producteurs.
75 -PLD Communauté rurale de Darou Khoudoss
2004
76 -dans le contexte plus général d'un
article sur «l'implication des populations dans la gestion des ressources
naturelles«
77 - Il en résulte la nomination de personnes très
peu compétentes et très peu impliquées à des postes
ayant trait au volet environnement dans le conseil rural.
78 - En ce sens qu'ils font ressentir aux populations
la nécessité et l'intérêt d'une préservation
ou d'une gestion rationnelle de la ressource ligneuse
Mboro à souvent servi de siège à ces
différents projets dont le financement était le plus souvent
extérieur mais dont la structure a su se maintenir ou s'adapter au
delà des délais d'exécution (GIE : groupement
d'intérêt économique, UNCA : union nationale des
coopératives agricoles ou encore UGPM : union des groupements paysans de
Méouane...)
Parallèlement à ces programmes principalement
agricoles, nous avons des initiatives qui reflètent une autre
préoccupation. Il s'agit de programmes ou de projets forestiers qui ont
débutés dès 1925 dans la zone. On note la
réalisation en 1948 d'une bande de filao longeant la côte de Dakar
à Saint-Louis suivi du projet de fixation des dunes en 1975. Les
années 80 sont marquées par l'apparition de nouveaux projets,
comme le PL 480, qui s'inscrivent dans la même dynamique. En 1984 on
tente d'impliquer les populations au reboisement, cette initiative est
dynamisée par le projet PRS (Projet de Reboisement du
Sénégal). Viennent ensuite les projets de fixation des dunes et
de restauration des sols diors, le projet de conservation des terroirs du
littoral et dernièrement le projet de reboisement du littoral et le plan
d'aménagement de la bande de filao.
Il faut remarquer, à l'exception de quelques projets
horticoles comme le Projet de Production Fruitière (dont la plantation
de 80ha à Darou Ndoye est actuellement tombée en
désuétude), que l'intégration des paramètres
environnementaux dans les programmes agricoles est rare tout autant que les
considérations agricoles dans les projets forestiers.
On peut reprocher à ces deux principaux types de
programmes d'avoir fonctionner dans l'ignorance et l'indifférence les
uns des autres. Les premiers privilégiant l'idée de production au
détriment de celui de conservation et les seconds l'inverse. C'est ce
pilotage séparé qui peut expliquer leurs insuccès relatifs
(épuisement des sols, abandon de cuvettes, destruction
accélérée de la couverture végétale). Il en
résulte une coresponsabilité à deux niveaux, le
ministère de l'environnement et le ministère de
l'agriculture79.
Cet écosystème ou plutôt cet
agroécosystème doit être perçu et géré
comme un tout, on ne peut pas reboiser sur les dunes blanches et jaunes pour
protéger des cuvettes que de toute façon la surexploitation est
entrain d'épuiser plus loin. La démarche est tout à fait
incohérente car les préoccupations forestières sont en
réalité parfaitement complémentaires de la
durabilité des systèmes de production agricole qui les a
d'ailleurs suscités.
La conciliation des objectifs forestiers et agricoles
constitue un impératif incontournable dans la gestion durable tant des
potentialités agricoles que des que des ressources ligneuses. Ainsi au
lieu d'actions ponctuelles et dispersées dans le temps et dans l'espace,
il convient de coordonner les opérations en répartissant
uniformément mais proportionnellement les efforts.
Les activités agricoles doivent être
circonscrites dans des surfaces précises en exceptant les secteurs
écologiquement sensibles et en respectant les seuils de
végétations nécessaires à la
pérennité et à la reproductibilité du
système dans l'avenir. Car le fait d'avoir rythmé le reboisement
et les programmes agricoles au gré de bailleurs de fond n'est pas une
contrainte qui à toujours servi les intérêts de
l'écosystème.
Par ailleurs l'exclusivité de l'activité
maraîchère au détriment des autres usages des niayes «
interpelle sur la question de l'utilisation durable de cet
écosystème en rapport avec la perte de diversité qu'il a
déjà subie80 ». A cet effet, la cuvette de Guewel
à Mboro est un excellent exemple de l'intégration de la notion
d'agroécosystème dans toute sa diversité.
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