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Les impacts du maraàŪchage sur la végétation ligneuse dans la région des Niayes centrales (Mboro- Diogo ) au Sénégal

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par Sierge NDJEKOUNEYOM
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Diplôme d'études approfondies 2007
  

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Chapitre VIII : FACTEURS DE L'INTENSIFICATION DU MARAÎCHAGE

Les problèmes qui se posent à l'environnement et à l'écosystème des Niayes doivent être appréciés dans toutes leurs dimensions : écologique, sociale, économique et politique. S'il a été fait mention, dans les pages précédentes, plus spécifiquement des deux premières, il ne faut pas pour autant occulter le rôle joué par le contexte économique, les réglementations, la pression foncière ou encore l'incohérence des politiques appliquées.

La régression du couvert végétal est au moins autant imputable à ces facteurs qu'à la récession pluviométrique et à la pression démographique.

Il est évident que les facteurs de l'intensification de la pression maraîchère sur la végétation sont nombreux et variés d'où notre choix de privilégier seulement trois axes de réflexion bien précis. Nous aborderons donc cette étude des facteurs à travers :

-les facteurs juridico-institutionnels

-l'incohérence des politiques appliquées

-le contexte économique.

I. LES FACTEURS JURIDICO-INSTITUTIONNELS

Le statut foncier est l'un des traits sociaux qui s'imprime le plus visiblement sur les paysages agraires et sur l'écosystème. Cependant ce statut est au Sénégal et en particulier dans la zone des Niayes marqué par une imbrication entre les règles traditionnelles toujours en vigueurs et la règlementation moderne qui, ici, en plus de la loi sur le domaine national, inclut le statut particulier de la zone.

Dans la société traditionnelle wolof, le patrimoine foncier appartenait à la communauté, celleci délimitait son domaine par le feu. La gestion en était confiée à un législateur : le lamane. Le colonisateur a tenté de modifier les coutumes sur le territoire national. Mais les institutions proposées à savoir la propriété privée ne trouvaient pas l'approbation des populations qui conservaient leurs anciennes pratiques.

Par la suite pour éviter la confiscation de terres par des personnes intéressées, les autorités sénégalaises ont adopté le 17 juin 1964 la loi 64-46 qui incorpore toutes les terres non immatriculées dans le domaine national. Cette loi confère le droit d'usage mais les terres affectées ne sont pas en théorie sujettes à la transaction, la vente ou le contrat de location. Un peu plus tôt en 1957, face à l'insuffisance des actions de reboisement entreprises dans la zone, l'Etat a pris en conseil un arrêt qui classe un territoire de 82 000ha en «périmètre de restauration«.

Ce statut est similaire à celui de forêt classée, l'article R2 du code forestier affirme ceci : « Constitue le domaine forestier de l'Etat l'ensemble des zones classées comprenant les forêts classées, les réserves sylvo-pastorales, les périmètres de reboisement et de restauration, les parcs nationaux, les réserves spéciales ». L'article 5 précise que « les périmètres de reboisement et de restauration sont des terrains dénudés ou insuffisamment boisés sur lesquels s'exerce ou risque de s'exercer une érosion et dont le reboisement ou la restauration est reconnue nécessaire du point de vue agronomique, économique ou écologique. Ces terrains sont temporairement classés en vue d'en assurer la protection, la reconstitution ou le reboisement. Les buts atteints ils peuvent être soustraits de ce régime.»

En dépit de ces dispositions juridiques le statut foncier est sujet à bien des incohérences et des inégalités. Les nouvelles formes de réglementation s'ajoutent aux anciennes sans pour autant les faire disparaître. Cette situation d'interface permet de remarquer que les acteurs tant du côté de l'Etat que des populations sont confrontés à la diversité des normes qui finissent par paralyser les actions effectives dans ce domaine.

Cette complexité des statuts fonciers favorise insidieusement le contournement de la règlementation par exemple en invoquant, si besoin est, le droit d'usage ou le droit coutumier. Or ces derniers, pratiqués sous la forme que nous avons décrite, entrent clairement en contradiction avec le statut de la zone ci-dessus précisé.

En outre les paysans éprouvent, il faut le reconnaître, un fort sentiment d'insécurité vis-à-vis des terres qu'ils travaillent et dont ils ont conscience de ne pas être les véritables propriétaires. Ce qui contribue à intensifier la pression sur la terre avant que celle-ci ne leur soit arrachée72. L'exemple des ICS73 qui possèdent un immense domaine dans les Niayes ou celui, plus récent, du MDL74 qui s'apprêtent à entamer une exploitation de grande envergure sont tout à fait parlants.

Par ailleurs il faut relever l'application partielle ou approximative du statut de forêt classée par les services des Eaux et Forêts eux même. Les mesures coercitives sont totalement absentes dans la zone, seul le volet restauration est pris en compte et ce uniquement sur les dunes blanches et les dunes jaunes. De part et d'autre de notre zone d'étude les moyens et les effectifs assignés à cette surveillance sont largement insuffisants.

L'imprécision effective des textes relatifs au statut juridique de la zone rend toute action répressive difficile. On peut dire qu'en dehors du reboisement il a été procédé à un déclassement officient du périmètre de restauration. Les aspects relatifs à l'interdiction de coupe, l'interdiction de feu de brousse, l'interdiction de pratiquer la culture de l'arachide sur 20km de large sont mal appliqués. Pourtant la zone des Niayes abrite quelques unes des espèces les plus menacées (Borassus aethiopum, Parkia biglobosa, Khaya senegalensis) d'une part et de l'autre des espèces qui bénéficient d'une protection intégrale ou partielle à savoir Celtis integrifolia, Acacia albida, Adansonia digitata, Borassus, Tamarindus indica, Zizyphus mauritiana...

Nos questionnaires ont montré que lorsque la conscience des interdits relatifs à l'exploitation ou l'élimination des ligneux n'est pas absente, elle est bien souvent floue. En fait il faut savoir qu'on ne coupe pas n'importe où, n'importe quand et surtout n'importe quel sujet. Là encore les secteurs du nord sont plus déplorables que Mboro car la majorité des enquêtés affirme qu'il n'y a aucune restriction concernant les arbres hors mis les cas d'Eucalyptus et de Casuarina. Le propriétaire d'une cuvette est par conséquent considéré comme jouissant d'un droit absolu sur la ressource ligneuse qu'elle porte.

En réponse à l'insécurité foncière générée par les différentes réglementations, on peut citer l'approche participative qui s'inscrit dans une recherche de solution au problème de gestion des ressources naturelles.

72 -La réalisation de nos placettes par des mesures à provoquée par exemple une certaine panique

73 -Industries Chimiques du Sénégal

74 - Minéral Deposits Limited

Mais il faut reconnaître que si la ressource ligneuse est menacée ici, c'est moins par surexploitation que pure élimination pour faire de la place aux cultures maraîchères. Par conséquent la marginalisation de la valeur d'usage des arbres, contrairement à l'habitude, pose un problème d'autant plus difficile à résoudre que les espaces agricoles se rétrécissent de plus en plus. «Dans ce contexte le nouvel ordre institutionnel instauré par la décentralisation, même s'il apparaît comme une volonté réelle de responsabilisation des acteurs à la base, se révèle comme une équation aux dimensions multiples75». P. Ndiaye exprime cette inquiétude76 en ces termes : « La question ouverte renvoie à la possibilité légale d'impliquer les populations à la gestion durable des ressources obtenues sur des espaces aux statuts aussi précaires ». Dans la communauté rurale de Darou Khoudoss, les ambitions politiques prennent facilement le pas sur les préoccupations environnementales77.

A cela il faut ajouter que la perception populaire de la régression de la végétation ligneuse, même si elle est tout à fait claire (à cause de l'assèchement des nappes et de l'abandon des terres de culture pluviale), n'est rien en comparaison des besoins et des urgences liées à la subsistance quotidienne. Par conséquent si l'Etat souhaite appliquer correctement les règles de conservation du potentiel ligneux dans la perspective d'un développement durable, il doit offrir, sous une forme ou une autre, des compensations au moins aussi importantes que les pertes que cela suppose pour les paysans.

A cet effet, la création de réserves communautaire de base, même si elle ne concerne pas notre zone d'étude, est une initiative fort louable de même d'ailleurs que le projet d'exploitation de la bande de filao78.

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle