2.2 Le remplacement d'Elaeis guineensis par Cocos
nucifera
Bien des facteurs convergent en défaveur d'Elaeis
guineensis qui était pourtant l'identité même de la
zone des Niayes. Actuellement l'essence est fortement concurrencée par
Cocos nucifera qui présente sur le plan écologique,
économique et social des avantages certains sur le palmier à
huile.
Sur le plan écologique le cocotier est beaucoup moins
exigeant et capable de supporter des situations de stress climatique
élevé. Sa position dans la toposéquence est plus haute
bien qu'il puisse s'accommoder également des conditions
d'humidité des bas-fonds.
Sur le plan socio-économique, le palmier à huile
a subi une perte de valeur qui explique sa marginalisation croissante.
L'utilisation de ses fruits pour l'extraction de l'huile de palme et l'huile de
noix de palme est de moins en moins répandue dans la zone. De même
que l'utilisation des feuilles pour la confection de clôture et
d'habitations précaires est devenue rare du fait de l'urbanisation et la
disponibilité de matériaux de construction plus consistants. Les
usages thérapeutiques n'ont été mentionnés que par
quelques enquêtés.
Parallèlement à cette perte de valeur d'usage
d'Elaeis, Cocos s'affirme de plus en plus. Introduit par le
colonisateur pour borner et marquer les cuvettes au moment de l'affectation des
terres, la plantation de Cocos a été
particulièrement encouragée. De plus le maraîcher le trouve
nettement plus rentable qu'Elaeis puisqu'il peut produire toute
l'année des fruits qui sont très bien commercialisés
surtout dans les centres urbains. A cela il faut ajouter que Cocos
fait l'objet de plantation volontaire tandis que le mode de reproduction
d'Elaeis reste essentiellement naturel.
Photo14 : Extraction de la sève pour la
préparation du vin de palme -Mboro Source : S.
NDJEKOUNEYOM 2007
66 -la commercialisé se fait à raison de
500 à 700 F la branche.
Sur le plan purement économique il faut
reconnaître que l'opération de location qui se passe entre le
maraîcher des niayes et le paysan diola n'est pas étrangère
à la diminution de la vigueur végétative de la palmeraie
et de l'augmentation de sa mortalité. Le prélèvement de
sève pour la préparation du vin de palme peut atteindre 15
à 20 litres par jour et par individus.67 Une telle
saignée réalisée quotidiennement sur un sujet provoque
forcement son dépérissement
accéléré68.
Les exploitants de vin de palme sont finalement d'excellents
indicateurs du niveau de la vitalité de la palmeraie. Ceux de Diogo avec
des chiffres d'affaire de 200 000F/exploitant (1000 litre environ par an et par
exploitant) pour l'année 200569 affirment pourtant que
l'activité a véritablement périclité et que
beaucoup de sujets produisent à peine 1 litre par jour.
A Mboro même si la situation est plus favorable à
la palmeraie, certains maraîchers refusent de louer leurs
palmiers70 pour la production d'alcool, ce qu'ils perçoivent,
étant musulmans, comme contraire à leur conviction religieuse
(par ailleurs la transformation des produits d'Elaeis guineensis n'est
pas propre aux milieux wolof et peul). Ils affirment par conséquent
opérer volontiers le remplacement d'Elaeis guineensis par
Cocos nucifera.
Cette substitution d'Elaeis par Cocos, si
est elle affecte la végétation dans sa composition, ne change
finalement pas grand chose à la physionomie des paysages où elle
se réalise. Ainsi là où étaient plantés des
palmiers on voit maintenant apparaître de plus en plus des cocotiers.
S'il est vrai que bien souvent la protection d'une
espèce n'a rien à voir avec son rôle direct sur le
maraîchage, c'est pourtant bien du fait du maraîcher qu'elle est
présente. L'utilité que ce dernier lui assigne détermine
sa duré dans l'environnement. Selon que la signification sociale,
économique ou écologique est grande, un arbre ou un peuplement
peut persister plus ou moins longuement au milieu du paysage agraire des
Niayes.
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