II. LE CHOIX DU PAYSAN
Il semble incontestable que le manteau végétal
dans sa composition résulte premièrement des variations des
éléments suivants : la topographie, la variation
édaphique, la variation de la nappe phréatique. Néanmoins
l'agencement, la composition et la densité répondent aussi, et de
plus en plus, aux besoins et aux moyens des sociétés en place,
aux conditions endogènes et exogènes qui pèsent sur leurs
choix. Ce rapport complexe qui fait du maraîcher tantôt un
défricheur tantôt un protecteur de l'arbre nous oblige à
considérer le maraîchage et la végétation ligneuse
sous un angle social et non purement spatial.
Entre Mboro et Diogo les méthodes de culture sont
différentes et traduisent des choix différents de la part des
maraîchers de ces zones respectives. En effet il est difficile de
comprendre que Mboro en tant que commune puisse présenter un meilleur
recouvrement végétal que Diogo qui est un espace rural. On sait
que la pression sur la végétation est plus croissante à
mesure que l'on se rapproche d'un centre urbain. Pour expliquer cette
situation, outre les faits physiques que nous avons déjà
évoqués plus haut, il convient de rappeler que Mboro est à
l'origine une cité ouvrière (exploitation de phosphates), par
conséquent une bonne partie de la population active ( 47,7%) vit
directement ou indirectement de ICS
63 -Puisque d'autre part il y a disparition ou
raréfaction de certaines espèces
64 - Situé au nord dans le prolongement de
Diogo
(Industries Chimique du Sénégal) tandis que l'autre
trouve dans les services offert par la commune le moyen de se passer des
travaux champêtres.
En plus d'avoir bénéficié des programmes
de développement agricole dont les sièges ont souvent
été dans la commune, beaucoup de maraîchers à Mboro
sont instruits. Ce qui introduit une différence fondamentale dans leur
rapport avec l'environnement en termes de conservation des certaines essences
spontanées, de reboisement ou de demande et de respect des permis de
coupe accordés. Ainsi peut-on parler d'agriculteurs d'un
côté et de l'autre de simples paysans.
Il faut reconnaître que l'arbre n'a pas à Diogo
et surtout à Mboro la fonction d'être exclusivement l'auxiliaire
des cultures il remplit d'autres rôles qui expliquent son maintien ou son
entretien à côté des plantes maraîchères.
2.1 Le cas d'Eucalyptus
Les propriétés naturelles de cette essence
rendent difficile l'explication de son abondance et de sa
préférence par le maraîcher. A Diogo comme à Mboro
les producteurs sont parfaitement conscients des exigences hydriques
élevées d'Eucalyptus. Elle est pourtant avec
Maytenus la seule essence à être
représentée à tous les niveaux de la
toposéquence.
Dans un milieu ou le problème fondamental est l'eau et
l'espace, on découvre sur la photo 13 que l'essence fait même
l'objet de culture à des fins non seulement forestière mais aussi
individuelles. Mais son asociabilité est telle que ses individus pompent
pratiquement toute l'eau dans les couches superficielles du sol de sorte que
les autres espèces ne parviennent pas à pousser dans son
environnement immédiat malgré l'importance de la litière.
Eucalyptus émet par ailleurs des toxines qui neutralisent les
individus des autres espèces65.
En dépit donc du fait que cette essence soit
particulièrement pernicieuse, sa fréquence à Diogo et
surtout à Mboro, où elle est plus à son aise, est à
rattacher à des choix dont il faut comprendre les motivations d'autant
plus que sa germination naturelle n'est pas toujours assurée ici.
Photo13 : Plantation d'Eucalyptus à
l'intérieur d'une dépression à Mboro
Source : S. NDJEKOUNEYOM 2007
65 Ce qui fait d'ailleurs réfléchir
quant à son utilisation comme une des essences
préférentielles du reboisement
A Mboro où il est cultivé, Eucalyptus
est apprécié pour sa faculté à repousser
très vite après la première coupe en produisant dix fois
plus de branches qu'avant. Ces branches au fût droit sont très
sollicitées pour la confection de balais, de meubles artisanaux, de
charpentes et servent même de bois de chauffage66. A Diogo, en
plus de sa fonction de brise vent, l'essence est associée par certains
paysans à une croyance selon laquelle elle aurait des
propriétés d'invocation de la pluie.
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