III. LES IMPACTS DU MARAÎCHAGE
L'une des difficultés majeures dans le raisonnement que
nous cherchons à poser réside dans le caractère indirect
du rapport qu'il est question d'établir entre la
végétation ligneuse et l'activité maraîchère.
Force est de reconnaître qu'il n'y a pas ici, à proprement parler,
de rapports de prélèvement entre une ressource et un potentiel
(ligneux). La relation est d'abord concurrentielle, l'espace y intervenant
comme un facteur limitant. De fait les effets que nous mettrons en avant sont
davantage induits par le maraîchage plutôt que produits directement
par lui.
3.1 L'influence des techniques de culture
Dans un environnement aussi meuble marqué par le
caractère essentiellement minéral du sol, les essences ligneuses
tiennent un rôle de premier plan autant dans la stabilisation du
matériel sableux que dans la fertilisation. La plupart des
légumineuses comme Acacia albida, Acacia ataxacantha,
Cassia siamea, Parkia biglobosa, Prosopis africana, Prosopis juliflora ou
encore Tamarindus indica sont une précieuse source de
fertilité azotée56. Leur suppression massive par
défrichement ou sur brûlis constitue un danger pour cet
écosystème à dominance savanicole.
L'activité maraîchère est devenue par
conséquent tributaire d'un amendement intensif pour compenser leur
absence. L'utilisation de la fumure (animale) est une technique très
ancienne
55-Entendu ici à la fois au sens morphologique
et floristique
56 - L'azote est un élément fondamental
de tout organisme en tant que constituant de protéine. Il est
absorbé par les végétaux sous forme de minérale
soit nitrique soit ammoniacale- Précis de biogéographie G.
Lemée
mais la réduction du cheptel à posé
quelques problèmes de disponibilité de matières organiques
brutes. Des techniques nouvelles comme le compostage sont également
utilisées mais leur maîtrise n'est pas aisée pour le paysan
de même d'ailleurs que les apports de substances minérales non
transformées qui bénéficient d'une subvention de
l'Etat.
Le recours le plus systématique pour remplacer les
effets bénéfiques de l'arbre est constitué par l'apport en
substances et minéraux transformés (uré, nitrate,
ammonitrates, potassium...). On note par ailleurs dans un autre registre les
produits phytosanitaires comme le carbojuran, l'éthoprophos, le
captafol, le manèbe...
Les effets de ce dopage des cultures sont à l'heure
actuelle difficilement perceptibles sur la végétation mais
parfaitement envisageables dans la mesure où ils affecteront à
long terme négativement la fertilité du sol.
A ce niveau il convient de souligner aussi que les techniques
de labour, même si elles demeurent essentiellement traditionnelles, ont
une mauvaise incidence sur la conservation des graines. Les motopompes qui
constituent l'innovation ne respectent pas les normes d'irrigation et provoque
une érosion accélérée.
Par ailleurs on constate que l'usage du feu a
été parmi les principaux moyens utilisés au lendemain des
années de sécheresse pour l'élimination des ligneux en vu
de libérer des espaces pour le maraîchage. Malgré
l'interdiction, des hectares entiers de végétation ont
été incendiés pour en réduire la densité. La
grande dépression de Darou Fal en porte encore les indices de même
que certaines cuvettes à Touba Ndiaye. Même si aujourd'hui la
culture sur brûlis est peu pratiquée (grâce à la
sensibilisation), ses effets n'en demeurent pas moins dramatiques sur la
végétation.
En raison de l'importance de la matière combustible que
constituent les tourbes et certains arbres enfouilles, le moindre feu peut
prendre des proportions incontrôlables en survivant des semaines
entières sous la surface où il se propage. A Diogo le dernier feu
en date est du 13 juillet 2007 et continuait à se rependre jusqu'au 28
juillet (date de notre départ). Si ces feux souterrains sont moins
spectaculaires qu'en surface, ils n'en sont pas moins dangereux57 et
laissent le sol dans un état déplorable après avoir
détruit les racines des ligneux au dessus d'eux.
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