4/- Les barrières à la communication :
Dans le cas plus précis de la communication
publicitaire, ASSAEL a développé un modèle
général mettant en évidence l'enchaînement des
étapes du processus de communication, leur impact attendu chez le
récepteur, et surtout les facteurs qui peuvent interrompre ou
déformer la transmission de l'information (figure16.)25.
Cinq décalages principaux peuvent survenir entre les
étapes du modèle :
- les objectifs de la communication ne sont pas correctement
spécifiés, ou encore sont communiqués par
l'annonceur à l'agence d'une manière incorrecte. Il est
également possible que les objectifs soient irréalistes, ou
même contradictoires (par exemple une communication
25 Henry Assael,» consumer behavoir and Marketing
action», 3éme édition. kent, boston, Mars., 1987,p. 350.
76
visant à renforcer l'image à travers un discours
qualitatif pourrait ne pas être compatible avec un objectif
d'accroissement immédiat des ventes).
- Le message utilisé n'est pas conforme aux attentes du
consommateur, par exemple parce qu'il met en avant des
attributs du produit qui ne sont pas importants aux yeux de la cible. Il arrive
fréquemment aussi que les créatifs de l'agence
privilégient les qualités formelles du message au
détriment de son efficacité en termes d'impact sur la cible.
- Il arrive également que la cible ne soit jamais
exposée au message
dans des conditions favorables à sa perception active,
ne serait ce que si le message est "noyé" dans le discours publicitaire
ambiant, qu'il émane ou non de la concurrence (on parle aussi des
"bruits" qui viennent parasiter la transmission du message).
- Le décodage du message par le consommateur est une
quatrième
barrière. L'individu peut en effet interpréter
les informations qu'il reçoit d'une manière totalement
différente des hypothèses retenues par l'agence ou l'annonceur.
On peut réduire ce risque en testant de manière approfondie le
message avant sa diffusion.
- Le message publicitaire peut être correctement
perçu, interprété et
mémorisé, sans que le consommateur adopte le
comportement souhaité par l'annonceur, tout simplement parce que
l'information publicitaire n'est que l'un des éléments qui entre
dans le processus de prise de décision.
Enfin, la complexité de l'effet de la politique de
communication est encore accrue du fait de la répétition du
message, de l'utilisation de différents canaux de communication qui
exercent une influence spécifique sur l'audience, des facteurs
situationnels qui entourent la réception du message, et de l'existence
de plusieurs flux distincts de communication en faveur du même produit
émanant non seulement du
producteur, mais aussi des distributeurs et des sources
d'information non commerciales auxquelles se réfère le
consommateur26.
Après avoir analysé les étapes du
processus global de communication, nous allons examiner trois facteurs qui
peuvent affecter son impact : la sensibilité du consommateur à la
source du message, au message proprement dit, et enfin aux média
utilisés (voir Figure 16).
26 DANES Jeffrey E.& John E. HUNTER, Designing Persuasive
Communication Campaigns : A Multi message Communication Model", Journal of
consumer Research, vol. 7, June 1980, pp. 67-77
Un Modèle Général des Etapes du
Processus de Communication
EMETTEUR CODAGE TRANSMISSION DECODAGE ACTION
Transmissi on
du message aux segments formant la cible
MEDIA CONSOM-
PROCESSUS DE COMMUNICA-
TION
PROCESSUS DE PUBLICITAIR E
INSTITUTION CONCERNEE
Perceptio n et interprétat ion
du message
Génératio n d'idées Concept
produit
ANNON- CEUR
Développeme nt du
message pour communiquer
les bénéfices
du produit
AGENCE PUBLICITE
ATEUR
Comporte ment du consomm ateur
CONSOMATEUR
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Mauvais choix du concept produit mauvaise
communicati on du concept produit
à l'agence
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Message inadapté
aux besoins communicati on trompeuse
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Communi cation trop intense de la part
de la concurren ce
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Manque de crédibilité de
la source exposition et perception sélectives
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BARRIERE
A LA COMMUNICA- TION
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Acceptati on du message
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RESULTATS DE
LA COMMUNICA- TION
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Absence d'exposition, Rejet du message
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Achat
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Pas d'action pour raisons autres que le
message
a-
L'influence de la source du message :
La nature de la source du message est déterminante de
l'effet de ce message auprès de la cible. Les sources d'information non
commerciales (groupes d'appartenance et de référence, articles
parus dans la presse) exercent l'influence la plus importante, mais sont
malheureusement les plus difficilement utilisables dans le cadre d'une action
de communication27. Deux caractéristiques de la source
d'information conditionnent son influence : sa crédibilité (A) et
son attrait (B).
b- L'influence du message :
Des ouvrages complets ont été consacrés
à l'analyse des facteurs pouvant contribuer à améliorer
l'impact d'un message publicitaire auprès de la cible28 nous
expliquerons ici seulement trois élément très importants
qui peuvent modifier l'effet d'un message publicitaire : le contenu du message,
c'est-à-dire le type d'argumentation qu'il développe(A), le ton
du message, notamment l'utilisation de l'humour ou la peur (B), et enfin
l'effet du message sur l'imagerie mentale (C).
- Le contenu du message:
Le milieu publicitaire a largement entretenu le débat
sur les mérites comparés des messages utilisant la copy-strategy
américaine et la star-strategy française. Cette opposition
correspond en fait à deux types d'argumentations
développées dans un message. La copy-strategy américaine
(celle des lessiviers par exemple) utilise une argumentation technique,
s'appuyant sur des critères objectifs pour agir sur
la composante cognitive de l'attitude du consommateur,
27 NEWMAN Joseph W. & Richard STAELIN, " Sources
d'informations sur les biens durables ", Journal des recherches publicitaires,
13Avril 1973, pp. 19-29.
28Delozier M.Wayne, « processus de la
communication marketing »Mc Graw Hill, New York, 1976,p 213
tandis que La star-strategy fait appel à la composante
affective en jouant davantage sur les émotions que sur les arguments
rationnels29.
S'il est vain de prétendre choisir laquelle de ces deux
méthodes d'argumentation serait la meilleure, dans l'absolu un certain
nombre de conclusions peuvent être tirées des recherches
consacrées à ce thème :
- Le niveau d'implication du consommateur influence l'effet
des différents types de messages. Le consommateur fortement
impliqué sera sensible aux arguments techniques et rationnels, le
consommateur peu impliqué au ton général du message et aux
évocations qu'il suscite. (modèle de la route centrale et de la
route périphérique de PETTY, CACIOPPO et
SCHUMANN)30.
- L'utilisation de l'émotion dans un message accroît
l'attention de l'audience et améliore la communication.
- Enfin l'utilisation d'arguments d'ordre émotionnel
peut conférer au produit une dimension symbolique, ce qui peut
accroître l'implication du consommateur et donc l'attention qu'il porte
au message.
- Le ton du message :
Si l'on fait abstraction de l'influence que l'utilisation
d'arguments rationnels ou émotionnels peut exercer sur le ton du
message, ce dernier peut encore être orienté vers l'humour ou la
peur. Ces deux possibilités ont fait l'objet de nombreuses
recherches31.
- l'humour a en général une bonne
capacité à susciter l'attention à l'égard d'un
message. Mais la mémorisation de la marque et les modifications des
intentions d'achat sont faibles. L'attention du public se
29 Floch Jean Marie, << sémiotique,
marketing et communication », Puf, paris, 1990, pp. 119-152.
30 Caumont Daniel, << L'importance de la Classe
de Produit est-elle un Critère Utile en Contrôle Publicitaire ?
», Annales du Management, Tome 2, Economica, Paris, 1992, pp. 845-860
80
31 Marc Filser, << Le Comportement du
Consommateur », Editions Dalloz, 1994, Paris, p. 393
concentre sur les personnages ou le mécanisme
humoristique, c'est-àdire la route périphérique du
message.
- La peur est utilisée soit pour mettre en garde le
consommateur contre les risques liés à l'utilisation d'un produit
(par exemple les campagnes contre le tabac), soit pour souligner les risques
qu'il y aurait à ne pas utiliser une marque ou un produit donné.
L'intensité du risque évoqué peut être très
variable : de la désapprobation du groupe social dans le cas de
publicités pour les déodorants, à la mort dans le cas de
campagnes pour la prévention contre le cancer.
Les recherches ont montré que le recours à la
peur dans un message est efficace si le consommateur a l'impression qu'il peut
agir pour éviter le risque évoqué32. La
persuasion est également plus forte auprès d'individus qui ont
une forte confiance en eux et ont une tolérance plus
élevée au risque. Enfin les non utilisateurs d'un produit sont
plus sensibles à l'évocation de la peur que les utilisateurs.
D'autres éléments du message sont susceptibles
d'influencer sa compréhension et son effet auprès de la cible :
sa complexité, l'utilisation de termes étrangers, la
densité des informations communiquées, etc. d'une manière
générale, les recherches empiriques ont montré que les
caractéristiques de la cible (implication, complexité cognitive,
tolérance au risque....) exerçaient finalement une plus grande
influence sur l'effet du message que les caractéristiques du message
lui-même.
- Message et imagerie mentale :
L'efficacité du message auprès de l'audience a
été traditionnellement analysée à travers des
techniques faisant appel à des supports verbaux : rappel de la marque,
intention d'achat, capacité
32 G.W. Brooker, « A Comparison of the Persuasive
Effects o Mild Humour and Mild Fear Appeals », Journal of Advertising,
Vol.10, Nr4, 1981, pp. 29-40
d'évocations du message, etc. Le développement
des travaux sur l'imagerie mentale ouvre un autre domaine de recherche :
l'étude de l'activation des processus d'imagerie mentale par les
messages et leurs effets sur la mémorisation non verbale et
l'utilisation de cette information dans le processus de décision.
Gavart-Perret a rassemblé les principaux apports des
recherches consacrées à l'effet d'une communication verbale ou
iconique sur l'imagerie mentale33:
- Pour stimuler l'imagerie mentale, les mots utilisés dans
un message
doivent avoir une haute valeur d'imagerie (mots concrets,
à forte teneur perceptuelle), et le message doit inciter le consommateur
à s'imaginer dans une situation spécifique et ayant un
comportement particulier.
- Les matériels iconiques utilisés dans un message
devraient
employer des images figurativement distinctes, congruentes par
rapport au message, complétant les informations verbales, de grande
taille, vues avant le message verbal, et retenant le plus possible
l'attention.
L'image aurait généralement une meilleure
capacité à attirer l'attention et à faciliter la
mémorisation du message que les informations verbales. Enfin, la
perception des dimensions visuelles du message publicitaire peut contribuer
à influencer directement la préférence pour la marque sans
modification préalable des croyances : la composante affective de
l'attitude prend alors le pas sur la composante cognitive.
33 M. L. Gavart-Perret, « L'image :
supériorité et limites. Relation entre l'imagerie mentale et le
langage verbal », Recherche et Application en Marketing, Vol.02,
n°02, Paris, 1987, pp. 49-80
c- Média et effet du message :
L'effet du média sur l'audience indépendamment
de l'effet du message lui-même, a été analysé par Mc
Luhan dans sa célèbre opposition entre média chauds et
froids34. La compréhension des mécanismes qui
gouvernent l'efficacité des média a beaucoup progressé
grâce aux recherches consacrées à l'implication de
l'audience. La télévision et les média audiovisuels en
général créent une implication plus faible de l'audience
dans la mesure où celle-ci n'exerce aucun contrôle sur la
quantité d'information à laquelle elle est
exposée35. Au contraire la lecture d'un journal ou d'un
magazine crée une implication plus forte, puisque le lecteur peut
s'attarder sur les points qui l'intéressent et négliger les
aspects qu'il juge secondaires36.
L'influence du choix du média sur l'efficacité
d'un message s'explique également par l'adéquation des
caractéristiques techniques du média au contenu du message : la
télévision est bien adaptée à la
démonstration du produit, la presse et les magazines à la
présentation d'un ensemble d'attributs du produit, la presse quotidienne
à la présentation de produits ou de services locaux.
34 Marshall McLuhan, << Pour Comprendre Les
Médias», Points Seuil, Paris, 1968, p.
35 Herbert E. Krugman, << The Impact of Television
Advertising: Learning Without involvement », Public Opinion Quarterly,
n°29, Autumn 1969, pp.349-356.
36 36 Herbert E. Krugman, << The Measurement of Advertising
involvement », Public Opinion Quarterly, Winter 1966-67, pp.583-596.
5/-La mesure de l'impact d'une campagne:
5-1- Critères d'évaluation de l'impact
d'une campagne :
Les principaux aspects sous lesquels on peut évaluer
l'impact d'une campagne sont les suivants37 :
a- Mémorabilité de la campagne
:
· combien de personnes de la cible se souviennent d'avoir
vu (ou entendu) la campagne ?
· quels sont les éléments visuels ou verbaux
de la campagne dont ils se souviennent ?
b- Attribution de la compagne : parmi les
personnes se souvenant d'avoir vu la campagne, combien l'attribuent
correctement au produit (ou à la marque) qui faisait l'objet de la
campagne ?
c- Compréhension de la campagne :
dans quelle mesure les personnes touchées par la compagne
ont-elles compris correctement les principaux messages qu'on voulait leur
délivrer, et notamment la « promesse » ?
d- Crédibilité de la campagne :
dans quelle mesure les personnes ayant compris correctement le message
y adhérent-elles?
e- Agrément de la campagne : dans
quelle mesure les personnes touchées par la campagne l'ont-elles
aimés et ont-elles appréciée, par exemple, son ton, ses
qualités esthétiques, son humour, les personnages mis en
scène, etc. ?
f- Incitation à l'achat : dans quelle
mesure les personnes touchées par la campagne pensent-elles qu'elle
était convaincante et apte à inciter ses destinataires à
acheter le produit qui en faisait l'objet ? Get
84
37 J.Lendrevie & D.Lindon ,Op.cit, p 507
indicateur doit être interprété avec
prudence : il reflète plus le jugement subjectif des personnes
interviewées sur la qualité de la campagne que
l'efficacité réelle de celle-ci.
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