CHAPITRE II : CADRES PHYSIQUE ET METHODOLOGIQUE DE LA
RECHERCHE
II.1- CADRE PHYSIQUE OU CHAMP D'ETUDE
II.1.1- Présentation historico-politique du Togo
Historiquement, le Togo tire son nom de celui du village
appelé Togodo, sis au bord du lac Togo, aujourd'hui appelé
Togoville. L'attribution de ce nom au pays remonte à la deuxième
moitié du XIXe siècle. Ancien protectorat allemand
(1884-1914), par la signature d'un traité entre l'explorateur allemand
Gustav Natchigal et le roi Mlapa III de Togoville à Baguida, le Togo
actuel suite au partage survenu après la défaite de l'Allemagne
à la Première Guerre mondiale sera confié à la
France, mais placé sous mandat de la Société Des Nations
(SDN). Le Togo-Britanique quuant à lui est confié à la
Grande-Bretagne, rattaché au Ghana indépendant en 1956.
L'aspiration du Togo actuel à l'indépendance l'a
placé sous mandat de la SDN. Mais il a été placé
sous tutelle de la France entre de 1919 à 1958, date à laquelle
opta pour son autonomie lors d'un référendum organisé par
l'ONU. Deux plutard, le 27 avril 1960, le Togo accéda à son
indépendance. Il est doté, depuis le 14 octobre 1992, d'une
constitution démocratique caractérisée par la
séparation des pouvoirs exécutif, législatif et
judiciaire. L'une des difficultés du Togo se situe au niveau de sa
diversité ethnique, à l'instar de la plupart des pays
d'Afrique.
Si dès l'origine jusqu'à la moitié des
années 1950, une certaine harmonie régnait au sein des groupes
ethniques en Afrique, contrairement à ce que pense Balandier
Sociologie actuelle de l'Afrique noire, 1982 : 58), cette
cohérence a été mise à mal de manière
ouverte depuis l'application de la loi déferre (loi-cadre ou loi
Déferre adoptée par le parlement français le 23 juin
1956 et mise en application à partir de 1957) qui consacrait la
nécessaire décentralisation administrative et la participation
des indigènes à la gestion de leurs propres affaires, donc la
participation à la vie politique. Cette nouvelle organisation par le jeu
des formations politiques a forgé au cours de cette période,
les bases de la différenciation ethnique entre groupes, et plus tard
favorisé une hiérarchisation entre eux dans la conquête du
pouvoir. En outre, l'application des recommandations de la Conférence
de Brazzaville, convoquée le 30 décembre 1944 par le chef de
la France libre, le général de Gaulle
est considérée à juste titre comme l'une des
étapes majeures d'une évolution qui devait conduire à
la décolonisation de l'Afrique noire française, a permis à
des partis politiques de se lancer dans la lutte pour l'indépendance,
conséquence directe du contrôle de la vie politique
togolaise. Nous pouvons citer : Comité de
l'Unité Togolaise (CUT), Parti Togolais du Progrès (PTP),
Mouvement de la Jeunesse Togolaise (JUVENTO), Mouvement Populaire Togolais
(MPT), Union des Chefs et Populations du Nord (UCPN). En prenant l'analyse de
TétéAdjalogo dans son oeuvre Histoire du Togo
publiée en 2008, << deux courants d'opinion >> suffisent
pour classer les partis politiques togolais d'alors.
Soit, ils optent pour le radicalisme, car <<
convaincus de la maturité de leur peuple, [ils]
demandaient la réunification ethno-territoriale et
l'indépendance immédiates de leur pays >> ; soit, ils
optent pour le réformisme << disant que
l'immédiateté de ce but se confond avec de l'aventurisme,
prônaient une démarche progressive, en <<
amitié >> et en << collaboration franche
>> avec la métropole. >> (Tété-Adjalogo,
Op.cit. : 167) Au-delà de cet aspect idéologique il faut d'ores
et déjà souligner l'important de l'ethnicisation de ces
structures que ce soit sous la main manipulatrice du Colon, ou par les
actes mêmes des citoyens togolais.
Ce qu'il faut reconnaître pour le courant radical, c'est
l'influence qu'il a eue sur la partie Sud du Togo. L'organisation de leur
bureau politique sur tout le temps qu'il a duré est composée de
plus de 90% des personnalités sudistes. (cf. annexe IV)
Même après les indépendances beaucoup de
reproches ont été faits à l'encontre du gouvernement de
Sylvanus Olympio, qui usait de représailles contre ceux qui
n'approuvaient pas l'indépendance du Togo et surtout ceux du Nord du
pays considérés comme étant à la solde du colon.
Comme l'écrit W. O. Yagla << il est vrai que, au lendemain de
sa victoire, le pouvoir « cutiste » a fait dresser des barrages dans
le Nord du pays dont les habitants sont présumés être
hostiles au gouvernement et à l'administration, lesquels,
composés en majorité de personnalité évé et
mina. >> (L'édification de la nation togolaise, 1978
: 95)
Même dans son discours prononcé à
l'occasion de la fête nationale de la libération (le 13 janvier
1973) Eyadéma revient sur les événements qui ont
poussé l'armée à prendre le pouvoir.
<< Il y a dix ans, votre armée intervenait
dans la vie politique du pays pour libérer le peuple togolais de
l'emprise d'un parti qui avait : confisqué la liberté des
citoyens au profit de ses seuls partisans, érigé en lui
l'arbitraire, le tribalisme et le népotisme, et fait de l'Etat sa
propriété personnelle. [...J Ce n'était pas pour passer de
la dépendance de l'étranger à la dictature d'une
minorité de leurs propres frères qu'ils avaient retrouvé
la dignité d'hommes libres ! >> (Togo-Presse 12 janvier 1973
in C. Toulabor, 1986 : 209)
Tout cela montre l'aspect ethniciste du pouvoir au
début de la vie politique du nouveau Togo indépendant. Mais ce
phénomène ethnique sera plus accentué après
l'arrivée au pouvoir en 1967 de Etienne Eyadéma avec la
création en 1969 du parti unique, le RPT.
A cet effet, Comi Toulabor écrit :
<< bien que, pour le général
Eyadéma, « les associations des ressortissants des
différentes régions autorisées et créées ne
doivent pas être interprétées comme ayant une coloration
régionaliste ou tribaliste » (Togo-Presse, 30 août 1979),
l'on doit reconnaître que la pratique effective du pouvoir consistant
à désigner son ennemi en termes primordiaux, à centraliser
certaines institutions de l'Etat, l'armée en l'occurrence, autour des
Kabyè, l'ethnie présidentielle, à répartir
systématiquement les postes et les ressources nationales en termes
régionalistes et tribalistes, bref la politique de gestion des groupes
ethniques, contribue à introduire une émulation dangeureuse parmi
elles, à les mobiliser dans une surenchère de soutien au
régime. Le pouvoir leur a conféré un statut de groupe de
pression quand ce n'est pas de parti. Et les « sudistes », parce que
le grand distributeur des ressources n'est pas les leurs, mais pour le
séduire, vont jusqu'à coupler militantisme avec délation,
croyant par cette tactique obtenir une école, un dispensaire, un puits
pour la localité. Le discours politique condamne à coups de
slogans et chansons le tribalisme et le régionalisme, mais comme
ailleurs en Afrique, le pouvoir tend à les activer. » (1986 :
210)
Ce survol historique nous fait constater que la manipulation
du référent ethnique par le politique, le plus souvent par
l'entremise des partis politiques, a expliqué par elle-même tous
les débordements qui ont jalonné la vie politique togolaise. A
cet effet, les partis politiques au Togo sont depuis confrontés à
ce danger d'ethnicisation, que cela soit de la part des colonisateurs pour
uniquement préserver les intérêts de la métropole,
ou que cela soit de la part des citoyens togolais par manque de maturité
pour arriver à un sursaut patriotique, ou par ambition
effrénée du pouvoir.
Depuis le début des années 1990, après
une longue période de parti unique, le régime cède contre
le vent de l'Est, vent démocratique soufflant sur tous les pays en
développement, suite à la destruction du mur de Berlin et
à la dislocation de l'URSS (Union des républiques socialistes
soviétiques). Une crise politique profonde s'installe, conduisant le
pays à la Conférence Nationale Souveraine. Cela met fin à
la troisième république, tout en donnant le ton à une
transition démocratique avec la promulgation de la IVe
république le 27 avril 1991, et bien avant, la promulgation de la charte
des partis politiques en avril 1991 ouvrant la voie au multipartisme.
D'une façon générale, depuis 1991
à 2008, la politique togolaise est essentiellement marquée par
une série d'événements majeurs. Outre l'adoption des
textes sus-cités, il s'agit des élections législatives de
1994, 1999, 2002, 2007, l'organisation des élections
présidentielles de 1993, 1998, 2003, celle de 2005 due au
décès du président Gnassingbé Eyadéma le 5
février de cette année, et celle de 2010. Il faut
reconnaître que de toutes, celle de 2005 a été plus
sanglante faisant selon le rapport ONU près de 800 morts et selon le
rapport << Koffigoh » environ 400 morts, et cela hormis le fond
contestataire et frauduleux dont elle a été. On citera aussi, les
<< 22 engagements » pris par le gouvernement en avril 2004 avec
l'Union Européenne (UE) pour une reprise des coopérations.
Mais la crise sanglante de 2005 après une série
de concertation a conduit les protagonistes (le gouvernement, les
représentants des partis politiques et de la société
civile) à la signature sous la facilitation du président
Burkinabé Blaise Compaoré, d'un Accord Politique Global (APG) le
20 août 2006 à Lomé. C'est la mise en oeuvre de cet APG qui
a abouti à l'organisation en octobre 2007 des élections
législatives anticipées qui se sont déroulées sans
violence et de façon plus ou moins transparente. Ces élections
ont ainsi ouvert la voie à la reprise de la coopération avec
l'Union Européenne et les institutions financières
internationales.
En définitive, la politique togolaise est
caractérisée depuis la restauration de la démocratie en
1991 par la médiatisation des principes démocratiques. Mais, en
dépit de la cohabitation politique qui avance à grands pas, force
est de constater que l'ethnicisme ou le tribalisme demeure un handicap qui
remet toujours en cause les progrès démocratiques acquis. A
l'issue de la dernière élection législative le paysage
électoral est fortement basé sur le régionalisme que sur
le programme politique des candidats.
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