I.6- CLARIFICATION DES CONCEPTS OPERATIONNELS
La définition des concepts est une étape
essentielle dans la compréhension d'un thème d'étude en
sciences sociales. Le chercheur doit expliquer ou définir les principaux
concepts qu'il étudie, afin de lever toute équivocité dans
la compréhension. Pour cette étude, les concepts suivants ont
été retenus :
Ethnie
La question ethnique constitue aujourd'hui un passage
obligé de toute étude sur l'Afrique. Le mot ethnie est apparu en
1896 dans la langue française, chez le théoricien du racisme
Georges Vacher de Lapouge, qui distingue les races qui ont selon lui une base
biologique et les ethnies une base linguistique et culturelle (Amselle et
M'Bokolo, 1999 : 14). Du grec ancien éthnos c'est-à-dire
<< groupe d'êtres d'origine ou de condition commune, nation, peuple
», elle désigne selon le dictionnaire Robert un <<
ensemble d'individus que rapprochent un certain nombre de caractère
de civilisation, notamment la communauté de langue et de culture
». Elle se distingue de la race qui concerne les caractères
biologiques et
morphologiques liés à des ancêtres communs
et non à la culture ; et se rapproche néanmoins de la tribu et du
clan, qui lui est une << division ethnique de la tribu».
Tout compte fait, la tribu se définit comme une
subdivision de l'ethnie, une forme d'organisation sociale dont les membres sont
liés essentiellement par la communauté de langue, de culture et
de terroir. L'usage de ce concept a été accentué en langue
française depuis le XIXe siècle, avec pour intention
de classer les sociétés auxquelles on déniait une
évolution. Ainsi, sous cette appellation étaient
représentées durant la période coloniale les
sociétés amérindiennes, africaines, océaniennes et
certaines sociétés asiatiques, en les présentant comme des
sociétés sans histoire, autrement dit comme des
sociétés dont les membres ne participaient pas à une
humanité commune (J.-L. Amselle, 1999 : 11-48). Mais avec
<< les Anglo-Saxons, tribe s'applique aux
sociétés lignagères, pour les distinguer de celles qui
vivent dans les collectivités de type étatique. Les auteurs
français parleront aujourd'hui plutôt de groupe, ou de
minorité ethnique, mais le mot tribu a longtemps été
d'usage courant et il l'est parmi les Africains francophones pour
désigner l'ethnie. » (R. Pourtier, 2010 : 144)
Par conséquent, tribu et ethnie dans ce travail
revêtent la même signification.
EthnicitéL'ethnicité
est le caractère ethnique de quelque chose, ce qui comporte des
caractères spécifiques à une ethnie. Max Weber
définit l'ethnicité, dans Economie et
société comme étant le sentiment de partager une
ascendance commune, que ce soit à cause de la langue, des coutumes, de
ressemblances physiques ou de l'histoire vécue. L'ethnicité est
un concept qui << vise donc à rendre compte, d'un point de vue
sociologique, de la façon dont les acteurs sociaux utilisent les
catégories ethniques dans leurs interactions sociales »
(Lexique de sociologie, 2010). C'est alors un concept technique dans
la recherche, qui permet l'étude des impacts économique, social
et politique de la société en terme ethnique.
L'ethnicité comme donnée primordiale est une
approche développée par Shils (1957) qui met l'accent sur la
prédominance de l'héritage culturel issu des ancêtres d'une
communauté et transmis aux différentes générations
successives. L'ethnicité est vécue comme une forme
d'héritage collectif par différentes personnes se reconnaissant
des liens fondamentaux visant à préserver l'unité et la
stabilité de la communauté d'origine.
Ainsi, elle découle directement de l'ethnie. Cette notion
est aussi le fondement de la notion d'identité. (cf. R. Pourtier, 2010 :
116-160)
Ethnicisation
L'ethnicisation n'est alors que l'attribution des avantages,
de la cause d'un fait divers, d'un événement ou d'un
phénomène économique, social, culturel, ou le plus souvent
d'ordre public (délinquance, trafic, émeute, violence,
insécurité, etc.) à des fractions de populations
identifiées préférentiellement, non par leur position,
leur condition sociale ou leur compétence, mais par l'origine ou
l'identité ethnique qui leur est dans le même temps
attribuée.
L'ethnicisation se présente comme un processus qui
conduit les catégories ethniques à accéder à des
niveaux élevés dans la vie sociale, dans leur interaction et
même dans la politique.
Groupe ethnique
Max Weber définissait le groupe ethnique dans Economie
et Société comme :
<< ces groupes humains qui nourrissent une croyance
subjective à une communauté d'origine fondée sur des
similitudes de l'habitus extérieur ou des moeurs, ou des deux, ou sur
des souvenirs de la colonisation ou de la migration, de sorte que cette
croyance devient importante pour la propagation de la communalisation - peu
importe qu'une communauté de sang existe ou pas. >>
De cette définition, il ressort que le groupe ethnique
chez Weber a pour aspect primordial, une caractéristique culturelle.
C'est la même conception qui prévaut de nos jours, pour aller
contre celle des ethnologues coloniales pour qui la race désignait tout
bonnement ce qu'on appelle aujourd'hui le groupe ethnique.
De nos jours les expressions groupe ethnique ou
communauté ethnique désignent un groupe humain possédant
un héritage socioculturel commun, comme une langue, une religion ou des
traditions communes. C'est un ensemble ethnique dans lequel << la
conscience ethnique se traduit par le sentiment d'appartenance à un seul
et même groupe, différent de celui des autres. >> (M.
S. Bamba et G. Gonnin, 1989 : 168)
Démocratie
Selon son étymologie Démos et
kratos (pouvoir du peuple), la démocratie désigne le
régime politique dans lequel le pouvoir est entre les mains du
peuple.
Dans l'antiquité grecque, c'est un régime
politique dans lequel les citoyens décident en votant à la
majorité et puis tirent au sort lesquels d'entre eux seront
chargés de tel ou tel office pour une période
déterminée. Pour Bertrand Russel, dans Histoire de la
philosophie occidentale (2002), le pouvoir politique revient aux
citoyens, et c'est le sens véritable du mot
démocratie. Une démocratie pure peut fonctionner
aussi longtemps que l'on peut rassembler tous les citoyens sur la place du
marché. Ainsi, elle est conçue comme un modèle
constitutionnel et désigne donc une forme d'organisation de la
«Polis».
Dans la conception politique moderne, son usage et sa
signification ont connu une extension considérable. Cette extension
s'accompagne d'un changement de statut : la démocratie ne désigne
plus un régime parmi d'autres, mais « elle est un idéal
universellement reconnu et un objectif fondé sur des valeurs communes
à tous les peuples, indépendamment des différences
culturelles, politiques, sociales ou économiques. » (C.
Djabaku, 2012 : 9) Elle serait donc conçue comme une sorte
d'idéal-type wébérien dont les réalisations
concrètes jalonnent l'histoire mouvementée des peuples à
travers l'espace et le temps. Elle intègre aussi le concept de
citoyenneté fondé sur le respect des normes civiles, des normes
politiques et des normes économiques et sociales. Mais l'aspect qui nous
intéresse dans ces définitions de la démocratie, c'est la
vision athénienne reprise par Russel.
Parti politique
C'est une organisation politique durable, qui a pour objectif
la conquête du pouvoir politique et dont l'apparition est
généralement liée à l'existence d'un parlement ou
d'élections (partis issus des comités électoraux et
groupes parlementaires au 19e siècle comme c'est le cas en
Grande-Bretagne), mais qui peut aussi se développer dans un
régime dans lequel les élections n'offrent pas le choix entre
plusieurs tendances (parti unique).
Pour Weber, le parti politique relève de la notion
d'entreprise politique, pour signifier que des individus mettent leurs
ressources ensemble pour peser sur l'échiquier politique et forment
ainsi une structure bureaucratique grâce à la rationalisation de
leurs activités sociales. Il se définit de façon
concrète comme « des organisations, relativement stables, qui
mobilisent des soutiens en vue de participer directement à l'exercice du
pouvoir politique au niveau central et/ou local ». (P. Braud, 2008 : 519)
Il adopte une structure juridique d'où son institutionnalisation
(Duverger) et a une capacité de mobilisation (Oberschall).
Multipartisme
Il est un système dans lequel plusieurs partis
politiques luttent pour accéder au pouvoir. Favorisé par le mode
de scrutin proportionnel, il provoque des instabilités gouvernementales
qui peuvent être corrigées par l'adoption d'un mode de scrutin
majoritaire.
Le multipartisme est un élément capital de la
démocratie puisqu'il engendre les libertés d'expression,
d'opinion et d'association. Dans ce genre de régime, avec la
liberté de la presse, c'est l'une des garanties qu'ont les citoyens du
contrôle du pouvoir exécutif.
Pluralisme politique
Le pluralisme est un système admettant l'existence
d'opinions politiques et religieuses, de comportements culturels et sociaux
différents, au sein d'un groupe organisé ; chacun des groupes qui
composent le système fait preuve de tolérance et de respect
envers les autres, permettant une coexistence harmonieuse sans volonté
d'assimilation des autres groupes. (Dictionnaire Le Petit Robert)
En politique, le pluralisme est un système
d'organisation, qui reconnaît et accepte la diversité des courants
d'opinions, de leurs représentants et des partis politiques. Il peut
cependant aller au-delà du simple multipartisme selon le degré de
liberté d'exercice de la politique qui est accordé aux partis et
le rôle que leur confèrent les institutions.
Système de partis
Un système de parti désigne les relations
qu'entretiennent les divers partis politiques d'un Etat entre eux.
C'est un concept comparatif dans la science politique qui permet de «
comprendre le fonctionnement d'un parti que dans ses reports
d'interdépendance et d'opposition avec les autres partis ».
(Lexique de Sociologie, 2010) L'idée est que les partis
politiques présentent des similitudes de base : ils contrôlent le
gouvernement, ont une base stable de soutien populaire de masse, et
créent des mécanismes internes pour le contrôle du
financement, de l'information et des nominations.
Le concept a été développé par des
chercheurs européens qui étudient aux États-Unis, en
particulier James Bryce et Moisey Ostrogorsky , et a été
étendu pour couvrir d'autres démocraties. Giovanni Sartori a
conçu la méthode de classification plus largement utilisée
pour les systèmes de partis, distinguée par le nombre effectif de
partis . (Partis et systèmes de partis. Un cadre d'analyse,
1976). Le système de parti conditionne largement la nature et la
portée de l'action d'un parti au sein d'un système politique et
peut donc jouer sur sa stabilité.
Paradigme
Ensemble de propositions conventionnellement acceptées
dans tout ou partie de la communauté savante, à partir desquelles
se construit une tradition de recherche. (T. Kuhn, La
structure des révolutions scientifiques, 1983)
Claude Dubar, sociologue français, donne une interprétation
sociologique du paradigme en ces termes :
« C'est le lien entre une vision de la
société et une manière de faire de la sociologie. On voit
donc bien, ici, que la clé de compréhension d'une théorie
scientifique, c'est la relation entre l'image que les scientifiques se font du
monde (l'image du social, si l'on parle de sociologie) et la manière
dont ils procèdent pour produire leurs résultats. »
(Faire de la sociologie, un parcours d'enquêtes, 2006)
Vie politique
C'est tout ce qui entre dans la conquête et l'exercice
du pouvoir politique. Elle prend en compte la gestion des biens publics,
l'organisation de la société sur le plan social,
économique, éducatif, sanitaire et politique. Elle
détermine aussi le fonctionnement des institutions publiques et la
réussite de la politique étrangère d'un pays.
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