B- Difficile respect des textes
Le Bénin, comme bon nombre d'Etats de
la sous-région ouest-africaine,
est signataire de la plupart des conventions relatives au
respect des droits de l'enfant et à la lutte contre son exploitation.
Mieux, la Loi n° 2006-04 du 05 avril 2006 en République du
Bénin est un instrument juridique moderne en matière de
lutte contre la traite des enfants. En son article 12, elle stipule que
<< tout enfant béninois non accompagné de son
père, de sa mère...ne peut quitter le territoire national sans
une autorisation » signée des autorités
compétentes. De tels textes ont été pris sans doute pour
dissuader ceux qui se rendent coupables de la traite des enfants. Mais en
réalité, les << textes ne valent que ce que vaut le
système d'application ».
En effet, le respect de la seule loi béninoise sur les
conditions de déplacement de l'enfant Béninois se heurte à
plusieurs obstacles. La délivrance par exemple de l'autorisation de
sortie semble à première vue, une solution facilitatrice du
contrôle des sorties. Mais l'on aura remarqué que la mise en
oeuvre de cette solution rencontrera plusieurs problèmes. D'une part, le
système administratif béninois ne s'y prete pas. D'autre part, le
manque de moyens matériels est un obstacle à l'acquisition de
cette autorisation.
En ce qui concerne le premier cas, des
situations d'urgence peuvent amener un adulte à vouloir effectuer un
déplacement au-delà des frontières avec un enfant dont il
a la charge et sur lequel il exerce normalement son autorité. Pour
contourner cette lenteur ou ce manque de volonté du personnel
administratif, l'usager, qui se trouve être ici le demandeur de
l'autorisation de sortie de l'enfant, cherchera à utiliser les moyens
secondaires qui se résument en clair à la corruption. Cette
dernière se trouve donc être un obstacle à la
réalisation de la solution exprimée par la loi. Alors, au
même titre que ces citoyens, au départ honnêtes, les
trafiquants profiteront de ce réseau de corruption pour entrer en
possession du document les autorisant à faire
passer les frontières à l'enfant. De plus, la
présentation de l'autorisation de sortie de l'enfant peut être
substituée par quelques billets de banque au niveau de nos
frontières.
En outre, l'Etat qui édite les textes, ne dote pas
toujours les structures susceptibles de les appliquer, des moyens dont elles
devraient disposer. L'application de ce seul article, (qui dans le cadre de
notre travail se trouve être le plus important parce que
réglementant le déplacement des enfants) doit faire l'objet d'une
complicité entre les agents chargés du contrôle des
frontières et l'autorité ayant à charge la
délivrance de l'autorisation. Pour ce faire, des moyens de communication
ou de contrôles modernes doivent être disponibles.
Dans le second cas, et se fondant sur
l'exemple de la BPM, du fait de l'insuffisance des moyens matériels, les
contrôles ne sont pas effectués comme cela se doit. Ainsi, la
structure n'arrive qu'à faire des contrôles trimestriels au niveau
des frontières. Or, de jour comme de nuit, et à toutes les
minutes, les trafiquants font passer les frontières aux enfants. La
douane ne fait que son travail et s'intéresse exclusivement aux biens.
La BPM qui ne dispose pas d'assez de moyens, n'est donc pas en mesure de
réaliser les objectifs qui sont les siens. Elle n'arrive pas à
lutter efficacement contre la traite des enfants, phénomène
contre lequel le Bénin a voulu lutter en signant les traités et
conventions. Le manque de matériels se trouve donc être un
obstacle au respect des textes.
En outre, la traite transfrontalière des enfants est
beaucoup plus perçue comme un phénomène de main-d'oeuvre
enfantine.39 Il est pourtant important de reconnaître que ce
phénomène est une violation de plusieurs droits dont le droit
à la protection dont bénéficie l'enfant. La traite viole
les droits des
39 « La traite des enfants en Afrique de l'ouest :
Réponses politiques », Centre de Recherche Innocenti de l'UNICEF
2002.
Contribution à la lutte contre la traite
transfrontalière des enfants en Afrique de l'Ouest
|
|
|
enfants à tous les stades. L'arrachement au milieu
familial, le transport, la vente illégale ou le placement dans un
contexte d'exploitation sont des violations faites aux droits de l'enfant.
C'est également une question de droit international. D'abord, elle
implique les Etats en tant que sujet de droit et ensuite leurs juridictions
respectives en cas de différends.
L'Etat en luttant contre la traite doit chercher à
intervenir à tous les niveaux de la chaîne. Autrement, toute
politique de lutte qui ne tiendrait pas compte de toutes les causes et
conséquences de la traite, ne respecterait pas d'une certaine
manière, les conventions, traités et lois visant à la
protection des enfants.
La CDE, la Convention des Nations Unies contre la
criminalité transnationale organisée et bien d'autres textes
exhortent les Etats à mettre en oeuvre des solutions à
l'échelle nationale, bilatérale, sous-régionale et
régionale afin de lutter contre le phénomène de
la traite. C'est dire que l'essentiel n'est pas de signer les conventions. Les
moyens de leur application et de leur respect doivent être une
préoccupation pour les Etats. Malheureusement dans le système
Béninois notamment, le manque de moyens matériels et financiers,
la corruption et le manque de volonté ne conduisent certainement pas au
respect des textes auxquels le Bénin est partie et ceux qu'il a
lui-même initié.
|