En Afrique de l'ouest, une migration
clandestine prend de l'ampleur et
devient préoccupante. On lui donne
indifféremment le nom de trafic ou traite des enfants. La
traversée des frontières terrestres notamment béninoises,
est soumise à la seule volonté de l'adulte. Ce dernier
répond au nom du ou des enfants qu'il accompagne, du fait de
l'autorité que lui confère sa majorité. Et lorsqu'il
s'agit des transports en commun, le contrôle ne semble être
qu'administratif. L'agent se contente en effet, de vérifier si les
pièces des moyens de transport sont à jour ou si les occupants
(adultes) disposent de pièces d'identité. Les enfants à
bord semblent ne pas intéresser les agents de sécurité.
Ils se rendent compte de leur présence comme toutes les personnes
présentent sur les lieux. Ces agents laissent la voie libre aux enfants
et aux adultes (parfois des trafiquants) sans autre forme de procès.
34 « Rapport de la commission de l'éducation, de la
communication et des affaires culturelles de la Francophonie sur la traite des
enfants » ; 2004.
De toutes les méthodes de trafic illicite, la
marche35 semble être le moyen le plus facile parce que le
moins contrôlé et ayant l'air anodin. En effet, seul l'adulte fait
l'objet de contrôle. L'enfant ne dispose pas toujours de pièces
justifiant son identité et l'adulte qui l'accompagne n'a souvent pas
l'obligation d'apporter la preuve de son autorité sur celui-ci. De plus,
il est difficile de distinguer les populations frontalières des simples
passants. Elles effectuent toutes sortes d'activités de part et d'autre
des lignes frontalières. La présence de ces populations rend plus
difficile le contrôle de la traversée des frontières.
Avec la traite des enfants, le problème va
au-delà est l'étape de la traversée des frontières
même si celle-ci est très importante en matière de traite
transfrontalière. En effet, lorsqu'on parle de ce
phénomène entre le Bénin et ses voisins tels le Togo et le
Nigeria notamment, l'on constate que les enfants togolais et béninois
ont pour destination le Nigeria. Cet état de chose s'explique d'ores et
déjà par le fait que ces Etats partagent les mêmes
frontières. Mais le Choix de la destination `'Nigeria» peut avoir
bien d'autres raisons.
D'abord, le Nigeria est un Etat à grande superficie
(923.768 km2)36, mais surtout très riche en
ressources naturelles et minières comparé au Bénin ou
au Togo. Pour ce faire, il a besoin d'une main-d'oeuvre importante, bon
marché, docile et à long terme. L'enfant s'est trouvé etre
alors une cible privilégiée puisque corvéable à
merci. C'est ainsi que les réseaux de trafiquants, par des pratiques
(souvent) dupeuses arrivent à convaincre certains parents qui,
`'volontairement», leur livrent les enfants. Mais une fois arrivés
à destination, ceux-ci sont utilisés comme des esclaves dans des
carrières, des plantations... Ils sont également utilisés
comme esclaves sexuels ou
35 Un tour au niveau de la frontière
d'Hillacondji nous a permis de vérifier cette assertion. En effet, pour
passer la frontière, il vous suffira de présenter des
pièces justificatives de votre identité, que vous soyez
accompagnés ou non et vous vous retrouvez au niveau de la
frontière togolaise. L'agent ne vous pose pratiquement pas de questions
en ce qui concerne le but de votre voyage ou encore la présence de
l'enfant qui est avec vous.
36 Source : Dictionnaire Universel 1996.
commerciaux et peuvent servir de personnel domestique dans les
ménages.
Ensuite, les populations victimes de cette pratique
sont relativement pauvres. Elles perçoivent le Nigeria comme un
pays plus riche, offrant plus d'opportunités de réussite. Les
parents pensent garantir un meilleur avenir à leurs progénitures
en les envoyant au Nigeria. Ils ne mesurent donc pas les conséquences
désastreuses de leur acte qui est d'ailleurs puni par la loi.
Enfin, la porosité de nos frontières
constitue un facteur très important dans le choix de la destination
favorite qu'est le Nigeria. La préférence pour une destination
peut également résulter de la facilité de passage de ses
frontières. On constatera donc que, le Nigeria est la destination
privilégiée quelle que soit la zone de provenance du jeune enfant
béninois. Certains sont méme heureux de s'y rendre du fait qu'ils
ont un ou plusieurs membres (adultes) de la famille ou de leurs
`'régions» sur place. D'autres par contre, sont conscients de ce
que plusieurs de leurs droits leur sont retirés. Il s'agit par exemple
du droit à l'éducation, du droit à
l'épanouissement, du droit à la protection, du droit à
l'affection parentale etc. Le choix du Nigeria se justifie alors par le fait
que plusieurs frontières permettent de s'y rendre. (Voir Tableau faisant
état de l'itinéraire des enfants à la page suivante).
La perméabilité des frontières est
beaucoup plus accentuée au niveau des frontières non
conventionnelles37 qui sont très peu surveillées ou ne
font l'objet d'aucun contrôle de la part des Etats qui les partagent. Or,
la possibilité pour un Etat de surveiller ses frontières
dénote de sa capacité à assumer sa souveraineté.
37 Ce sont des frontières qui n'ont pas fait
l'objet de délimitation par les colons. Elles sont plutôt
favorables à toutes sortes de contrebandes, à l'immigration
clandestine et à la traite des enfants.
Tableau N°3 : Itinéraire des enfants
béninois et togolais victimes de
traite en partance pour le
Nigeria38