Dans les familles traditionnelles
ouest-africaines en général et
béninoises en particulier, les parents sont convaincus
de ce que leurs enfants doivent être éduqués par une autre
personne. Cette dernière peut être un membre proche ou
éloigné de la famille, qui se trouve sur le territoire national
ou non. Cet état de chose a donné naissance au
phénomène du placement d'enfants, qui a pour objectif -selon la
logique des parents- de garantir un bon avenir aux enfants
`'placés». Dans ce système, l'enfant, en contrepartie de
l'éducation qui lui est donnée, doit participer au fonctionnement
du ménage et des activités souvent commerciales ou champetres de
son `'nouveau maître». De la garantie d'un avenir meilleur, l'on est
passé au travail puis à l'exploitation des enfants. Les parents
consciemment ou non livrent leurs progénitures à ces pratiques
inhumaines.
Du point de vue démographique, l'Etat béninois
a semblé échoué dans sa politique de Planning
familial40. Des actions ont été menées dans ce
sens ; cependant, les solutions sur le terrain, ne sont pas pour autant
remarquables. D'un taux de natalité brut de 47% en
1970 et en 1990, l'on est arrivé
à 42% en 2004 ; soit quatorze
(14) ans plus tard ; ce qui dénote néanmoins des
impacts de la sensibilisation menée sur le terrain. Mais dans le
même temps, le taux de mortalité a été
réduit, (22% en 1970,
15% en 1990 et 13% en
2004). Ce qui est d'ailleurs un pas vers le
développement. La population béninoise se retrouve donc en pleine
révolution démographique avec un fort taux de jeunes de moins
de 18 ans.
D'un effectif global d'environ six millions cinq cents mille
(6.5OO.OOO) habitants en 2000, la population
béninoise a atteint les huit millions cent soixante dix sept
(8.177.OOO) en 2004, avec quatre millions
cent douze mille
9111 CLI aECE ga A DAMA H ; Spécialiste de la Protection
de l'enfanQà l'UNICEF, Bureau de Cotonoul aLtrat aLX
(4.192.OOO) de jeunes de moins de 18
(-18) ans, soit plus de la moitié de
la population totale41. Une population d'une telle
nature (jeune) constitue un avantage pour tout pays. Mais la remarque est faite
que les populations les plus fécondes sont celles rurales et donc
relativement pauvres.
Ainsi, les parents disposent de peu de moyens pour assumer
l'éducation et l'épanouissement de leurs enfants. Du coup,
ceux-ci sont astreints au travail, dans le but de pourvoir, non seulement
à leur développement, mais aussi de participer à la survie
de la famille toute entière. Dans une telle situation de
pauvreté, aggravée par l'analphabétisme, parents et
enfants se font très tôt duper par des faussaires qui usent de
tous les moyens pour amener ces populations vulnérables à
`'participer» à la traite des enfants.
Pour illustration, un père de famille de Za Hla, un
village du Bénin négocia un « bon prix » pour ses trois
fils de 10 ans. Il a touché de la part d'un trafiquant 10.000 F
CFA (environ 20 dollars) en premier acompte, et ses fils ont dû
partir pour aller travailler au Nigeria. On lui a promis qu'il toucherait
90.000 F CFA (180 dollars) pour un an de
labeur de ses fils. L'argent suffisait pour nourrir sa grande famille, 4 femmes
et 20 enfants pendant un mois. Mais ses trois fils n'avaient aucune idée
de ce qui les attendait au Nigeria42.
La traite a découlé du confiage ou du placement
des enfants, des problèmes démographiques,
socio-économiques et culturels. Traditionnellement, l'enfant est source
de prestige et de richesse. Il faut en faire autant que la nature peut en
donner. Les populations semblent oublier que le nombre de bouches à
nourrir augmente et partant de charges. Les enfants sont alors confiés
pour se soulager. On pense ainsi leur assurer un toit et l'entretien.
41 SOURCE : `' Exclus et invisibles» ; La
situation des enfants dans le monde ; UNICEF ; 2006
42 Sarah CROWE; `'Les pays de l'Afrique de l'ouest et
centrale joignent leurs forces contre la traite des enfants»; 2006
Pour le placement ou le confiage, l'enfant peut être
déplacé vers l'éducateur par le biais d'un
intermédiaire (un transporteur par exemple). Désormais l'enfant
se trouve, sous l'autorité de son nouvel éducateur qui a
reçu plein pouvoir des géniteurs. Certains enfants sont heureux
de découvrir leur nouvelle destination. D'autres sont même
convaincus que la vie y est plus facile. Pourtant, le déplacement
d'enfant en République du Bénin, n'est autorisé que
lorsque l'enfant se trouve en compagnie de ses géniteurs ou d'une
personne qui a autorité sur lui selon la loi. Le fait que les parents
décident de confier leurs enfants à une tierce personne est une
infraction à la loi. Seule l'adoption crée, par effet de la loi,
un lien de filiation indépendant de l'origine de
l'enfant43.
En outre, les populations, qui, depuis plusieurs
années, assistent et participent au placement d'enfants prendraient les
dispositions juridiques l'interdisant comme un slogan de plus ou comme une
décision dépourvue d'objectivité. Elles ne comprendraient
pas que l'utilité de ces textes est de protéger leurs enfants.
Pour elles, c'est une interdiction de plus. Elles sont les seuls
`'maîtres» de leurs progénitures et peuvent les
`'confier» aux personnes désirées aussi bien pour leur
déplacement que pour leur `'éducation» 44.
En outre, le travail des enfants est interdit en
République du Bénin. Tous travaux impliquant les services d'un
enfant sont prohibés. Pourtant la conception de la `'famille» au
sens large, encourage le travail des enfants, aussi bien sur le territoire
national qu'à l'extérieur. En effet, dans les zones où les
familles croupissent sous le poids de la misère, l'apport des enfants
dans le fonctionnement du cercle familial s'avère important. Les enfants
sont donc astreints au travail afin de rehausser le niveau de vie de la
famille. Ainsi, des travaux champêtres, aux services domestiques et
commerciaux en passant par
44 En Afrique mais surtout au Bénin,
l'enfant n'a pas pour seules autorités les géniteurs. Toutes les
personnes de `'bonne foi» sont appelées à participer
à son éducation. De telles situations facilitent la traite des
enfants parce qu'elles facilitent déjà le placement d'enfant, qui
parfois et souvent d'ailleurs est une traite à petite échelle.
la mendicité, les enfants sont devenus de
véritables bourreaux du travail. Au bénin sur une population de
six millions (6.000.000) d'habitants, cinq cent mille
(500.000) enfants sont mis au travail45. La plupart
des enfants sont enrôlés dans la traite transfrontalière,
soit `'volontairement», soit par le fait de leurs parents. Il convient
alors de faire comprendre à ces derniers que les enfants ne doivent pas
être des contribuables au budget familial. Les adultes au travail et les
enfants à l'école46 ou à l'apprentissage.
L'analphabétisme également, met à mal
l'application des textes. En effet, les populations ne perçoivent pas
toujours l'ensemble des conséquences qui découlent de la traite
des enfants. Elles ne comprennent pas toujours qu'en livrant leurs enfants aux
trafiquants, elles violent les lois et hypothèquent l'avenir de ceux-ci.
Pour elles, il faut faire travailler les enfants pour régler les
problèmes économiques de la famille. Nous pouvons affirmer que
l'analphabétisme est une cause non négligeable de la traite des
enfants. Il est sans doute le point de départ de tout le processus de la
traite. Ensemble avec cette dernière, ils forment un cercle vicieux.
L'analphabétisme facilite la traite et dans un mouvement contraire, la
traite encourage l'analphabétisme. En effet, un enfant victime de la
traite est un potentiel analphabète puisqu'astreint au travail il n'a
aucune chance d'être scolarisé. Devenu adulte, il peut se livrer
facilement à cette pratique pour une raison ou pour une autre.
En résumé, l'application des textes doit
être précédée de la résolution de ces
différents problèmes. De plus, les populations doivent
s'impliquer dans le processus de lutte contre le phénomène.
45 « Rapport de la commission de
l'éducation, de la communication et des affaires culturelles de la
Francophonie s
traite des enfants » ; 2004.
46 Thème de campagne de lutte contre le
travail et le trafic des enfants. Campagne organisée par la
Confédération
Générale des Travailleurs du Bénin
(CGTB).