III. METHODES
Type d'étude
Cette analyse de cohorte était conduite suivant un plan
longitudinal et rétrospectif. La période d'étude allait du
15 février 2002 au 31 décembre 2008 pour la première
partie de l'analyse sur le profil évolutif de tous les patients
après admission. Pour la survie après initiation de la
thérapie antirétrovirale, la période
considérée allait du 22 octobre 2003 au 31 décembre
2008.
Méthodes de sélection
La sélection des sujets pour cette étude
rétrospective était réalisée sur base d'une liste
des critères. Le sujet éligible devait d'abord disposer d'un
dossier médical électronique au projet CTA Kabinda avec un
numéro d'identification justifiant son statut de
séropositivité VIH. La date d'admission dans le projet devait se
situer entre le 15 février 2002 et 31 décembre 2008 inclus. Au
moins une visite de consultation était nécessaire après
l'ouverture du dossier. Toutes les catégories d'âges
étaient prises en considération. Pour les patients ARV, la date
d'initiation du traitement devait se situer entre le 22 octobre 2003 et 31
décembre 2008. Les patients adultes sous thérapie
antirétrovirale devaient être ARV naïfs et disposer d'au
moins 90% des informations à l'initiation sur les 10 variables
indépendantes utilisées comme prédicteurs potentiels. Il
s'agissait du sexe, l'âge, le niveau d'éducation, le statut
matrimonial, l'origine géographique, l'indice de masse corporelle (IMC),
le stade clinique OMS, le taux de CD4, le régime de traitement ARV,
l'année du début de la thérapie antirétrovirale.
Les enfants de moins de 15 ans sous traitement ARV étaient aussi pris en
considération dans les analyses. Le statut VIH+ était
défini par deux tests rapides positifs. Un patient était
considéré comme ARV naïf s'il n'avait jamais commencé
la thérapie antirétrovirale avant l'admission dans le projet. Les
patients avec antécédents de traitement ARV pendant moins d'un
mois étaient également considérés comme ARV
naïfs.
Méthodes d'intervention
Conseils et dépistage volontaire
Les activités de dépistage étaient
organisées selon l'approche « initiation par le
client ». La majorité des clients étaient
référés par les sites partenaires après une
première procédure de dépistage VIH. A cause des
problèmes de fiabilité, un contrôle systématique des
résultats était réalisé au niveau du projet avant
l'admission. Un consentement éclairé et écrit était
requis avant de procéder aux analyses de dépistage. Le
dépistage VIH était réalisé à l'aide des
tests rapides validés par le laboratoire national de
référence VIH/SIDA de Kinshasa. L'algorithme prévoyait de
commencer, à partir de 12 mois d'âge, avec le test Determine®
(Abbott, USA). Au cas où ce premier test était négatif on
notifiait au client un résultat négatif. Un premier test positif
nécessitait la confirmation par le test Uni-Gold® (Trinity Biotech,
Ireland). Le client était notifié comme positif en cas de
conformité entre ces deux tests. Sinon on notifiait le client comme
indéterminé avec possibilité de refaire le test
après six semaines. Les échantillons des cas persistants comme
indéterminés étaient envoyés au laboratoire
national. Le dépistage VIH des enfants de moins de 12 mois était
réalisé par test PCR à ARN au niveau des projets
partenaires (projet SARA de l'université Nord Caroline et la Fondation
Clinton).
Dépistage et prise en charge des Infections
Opportunistes
Après un conseil post test positif, le patient
était orienté sur le même site à l'unité des
consultations médicales pour son premier bilan. Un dossier
médical était ouvert avec un code numérique
spécifique. Le bilan clinique était orienté vers la
recherche des infections opportunistes et la catégorisation du patient
selon les stades cliniques OMS. La prophylaxie primaire au Cotrimoxazole
était administrée à tous les patients à partir du
stade clinique II OMS. La recherche active de la tuberculose était
fortement recommandée au cours de cette première visite. Un
protocole de prise en charge syndromique des infections opportunistes
était en place pour pallier aux difficultés de la prise en charge
étiologique. Tous les consultants étaient formés et
régulièrement recyclés sur cette stratégie. Les
médicaments génériques prescrits par les médecins
du centre étaient offerts gratuitement à tous les patients. Le
traitement du sarcome de Kaposi par chimiothérapie était
également disponible au niveau du projet. Les suspects et cas
confirmés de tuberculose étaient orientés vers un centre
spécialisé de dépistage et prise en charge de la
tuberculose situé à proximité sur le même site.
Traitement antirétroviral
Au cours des deux premières années du projet,
l'initiation de la thérapie était conditionnée par un taux
de CD4<200 cellules/mm quelque soit le stade clinique OMS. Les
critères d'initiation de la thérapie antirétrovirale ont
été revus en 2005 au niveau national. Tous les patients adultes
et aux stades IV OMS étaient désormais éligibles pour
commencer le traitement. Les patients aux stades III avec CD4 <350
cellules/mm étaient également éligibles, ainsi que ceux
aux stades I et II avec CD4< 200 cellules/mm. Les critères
d'initiation ARV pour les enfants étaient également conformes au
protocole national (33).
La première ligne était une trithérapie
constituée de deux inhibiteurs nucléosidiques de la reverse
transcriptase(INRT) et d'un inhibiteur non nucléosidiques de la
même enzyme(INNRT). Quatre schémas de première ligne
étaient disponibles avec les médicaments
génériques. Il s'agissait des associations Stavudine (D4T) +
Lamivudine (3TC) + Nevirapine (NVP) ; Zidovudine (AZT) + 3TC + NVP, D4T +
3TC +Efavirenz (EFV) et AZT + 3TC + EFV. L'association AZT+d4T+NVP était
recommandée pour les enfants de moins de 3 ans.
Les critères non médicaux étaient
très rigides au cours des deux premières années. Le
patient devait prouver une bonne adhérence à la prophylaxie
Cotrimoxazole, subir une évaluation sociale à domicile et
attendre la décision d'un comité de validation qui se
réunissait une fois par mois. Les visites de suivi médical
étaient mensuelles au cours de la première année et
trimestrielles à partir de la deuxième année. Les patients
avaient également la possibilité de consulter à tout
moment en cas de problème.
Laboratoire et suivi biologique
Un laboratoire était opérationnel sur place dans
le centre avec du personnel qualifié et un équipement de base. La
numération CD4 était réalisé à l'aide d'un
appareil de type Partec CyFlow® Counter (PARTEC,
Germany). Le contrôle CD4 était réalisé
tous les six mois. La charge virale n'était pas réalisée
au niveau du projet. Les prélèvements sanguins des patients
suspects d'échec thérapeutique étaient envoyés au
laboratoire national de référence.
Prise en charge psychosociale
Un service social était accessible aux patients tous
les jours ouvrables. Deux assistants sociaux travaillaient à plein temps
et offraient un service personnalisé d'écoute sociale. Le service
fonctionnait principalement en réseau avec les organisations non
gouvernementales locales partenaires du projet pour la référence
psychosociale.
Le paquet social offert par les partenaires était
constitué principalement les cellules d'écoute, l'appui
nutritionnel, la scolarisation des enfants, les activités
génératrices des revenus et les visites à domicile. Plus
de 250 volontaires partenaires étaient formés par le projet pour
couvrir les 24 communes de la ville de Kinshasa. Les réunions de
concertation et échanges étaient organisées chaque mois
avec les responsables des organisations partenaires.
Education thérapeutique
Avant de commencer le traitement ARV, les patients suivaient
une session préparatoire sur le traitement et l'importance de
l'adhérence. L'initiation du traitement était conditionnée
par une évaluation positive des connaissances acquises par le patient.
Au cours du traitement les consultations d'observance étaient
dispensées par une équipe des conseillers. Les patients avec
difficultés d'adhérence étaient
référés par les médecins vers les conseillers pour
une session plus approfondie. L'observance était mesurée par la
régularité aux rendez-vous et le compte des médicaments
restants à la dernière consultation par la pharmacie.
Tous les jours ouvrables, une équipe des
éducateurs thérapeutiques animaient des sessions dans la salle
d'attente. Plusieurs sujets étaient abordés dont l'importance de
l'observance au traitement. Les projections vidéo étaient aussi
organisées dans la salle d'attente avec des moments d'échanges et
de discussion. Le projet avait développé un modèle de
support à l'adhérence basé sur le renforcement des
capacités des patients stabilisés. Une fois par semaine les
patients habitant la même zone géographique se rencontraient pour
partager leurs expériences dans les groupes de support.
Références et décentralisation vers
les structures partenaires
Le centre offrait principalement une prise en charge
ambulatoire et disposait d'un hôpital de jour pour les soins d'urgence.
Une ambulance était disponible pour le transport des malades vers les
hôpitaux partenaires. Les frais liés à ces hospitalisations
étaient totalement payés par le projet. Les formations et stages
de perfectionnement étaient organisés pour les prestataires des
structures partenaires. Les visites de suivi étaient organisées
par une équipe du projet (médecin et assistant social). Les
consultations et soins spécialisés (ophtalmologie, cardiologie et
autres) recommandées par les médecins généralistes
du CTA étaient totalement payés par le projet. Le volet
décentralisation des patients ARV stables vers les centres de
santé a démarré à la fin de l'année 2004.
Prise en charge nutritionnelle
Un service nutritionnel était disponible pour la
réhabilitation des patients gravement malnutris (Indice de masse
corporelle inférieur à 17). L'approvisionnement des vivres
était assuré grâce à un partenariat avec le
Programme Alimentaire Mondial (PAM) et le paquet des vivres était
composé de farine de maïs, biscuits énergétiques,
haricots, huile végétale, sucre et sel.
Recherche active des perdus de vue
Un système de recherche active était mis en
place pour les patients perdus vue sous traitement antirétroviral. Un
patient sous ARV était considéré comme perdus de vue
à partir de 3 mois au-delà de la date prévue de sa visite
au centre. Le système était basé principalement sur la
collaboration des volontaires partenaires du projet à partir des listes
générées par le logiciel FUCHIA (Epicentre) et
croisées avec le registre du service social.
Méthodes d'évaluation
Collecte des données
Chaque patient disposait d'une fiche médicale papier
pour la collecte des informations. Cette collecte était assurée
par les médecins et infirmiers pendant les consultations
médicales. Les fiches étaient ensuite transférées
vers une unité de saisie sur le logiciel FUCHIA (Epicentre).Deux
personnes formées s'occupaient spécialement de cette base de
données électroniques. La saisie des données par simple
entrée sur le logiciel se faisait de manière anonyme et
l'accès était protégé par un code secret. Chaque
patient était identifié par un code numérique. Un
système de contrôle de qualité (interne et externe)
était en place pour détecter et corriger les erreurs. Un
système interne au programme informatique (logiciel R) permettait de
générer la liste automatique des erreurs. Le contrôle
externe était assuré par les responsables du projet.
Analyses statistiques
Analyses descriptives
La première analyse descriptive avait porté sur
le profil évolutif de tous les patients du projet après
admission. Les patients étaient catégorisés en 4 groupes
incluant les décédés, perdus de vue, les
transférés et les suivis réguliers. Le groupe de
décès englobait l'ensemble des patients admis dans le projet
pendant la période de l'étude et décédés
quelque soit la cause. Les perdus de vue étaient des admis du projet
dont on avait plus d'information 3 mois au-delà de la date prévue
de leur prochain rendez-vous pour les patients sous ARV. Ce délai
était de 6 mois pour les patients qui n'étaient pas encore sous
thérapie antirétrovirale. Les transférés
étaient des patients référés vers une autre
structure pour continuer la prise en charge. Les suivis réguliers
étaient des patients qui étaient en vie et continuaient à
suivre le traitement dans le projet. Le résumé statistique de
chaque groupe était assuré par les proportions.
La seconde analyse avait permis de décrire les
caractéristiques cliniques, socioéconomiques et biologiques des
patients à l'admission pour le groupe sans ARV et au début du
traitement antirétroviral. Les 10 variables indépendantes pour
les adultes étaient l'âge (=35 ans et > 35 ans), le sexe,
l'état-civil en 3 catégories (célibataire, mariés
et autres), le niveau d'éducation en 4 catégories
(analphabète, primaire, secondaire et supérieure), l'origine
géographique (<5km et >5 km), l'indice de masse corporelle
(<18,5 kg/m² et = 18,5 kg/m²), le stade clinique OMS(I&II et
III&IV), le taux de CD4 en 3 catégories (=50 cellules/mm, >50
cellules/mm et données non renseignées), le type de traitement
ARV à l'initiation en 3 catégories (INRT+NVP, INRT+EFV et REGIME
IP) et l'année du début de la thérapie
antirétrovirale(2003-2006 et 2007-2008). Les 6 variables
indépendantes pour la cohorte pédiatriques étaient
l'âge (<5 ans et = 5ans), le sexe, l'origine géographique, le
stade clinique OMS, le type de traitement et l'année du début.
Les médianes avec leurs intervalles interquartiles (IQR) ont
été utilisées pour résumer les variables
quantitatives. Les variables qualitatives étaient résumées
avec les proportions.
Analyse de survie des patients sous thérapie
antirétrovirale
Le début de l'observation de la survie pour les
adultes était fixé au 22 octobre 2003 et la fin au 31
décembre 2008. Pour la cohorte pédiatrique la période
d'observation avait débuté le 22 septembre 2004. La variable
d'intérêt primaire était le délai jusqu'à la
survenue du décès (toutes causes). Le temps d'observation des
patients décédés était clôturé
à la date de la mort. Les perdus de vue étaient censurés
à droite et à la date de leurs dernières visites au
projet. Les suivi réguliers et les transférés
étaient également censurés à droite et à la
date de leurs dernières visites. Il s'agissait de l'hypothèse la
plus plausible pour ce projet (scénario de base). Par ailleurs une
analyse de sensibilité a été réalisée avec
l'hypothèse selon laquelle les perdus de vue seraient
décédés juste après leurs dernières visites
(scénario du pire). L'analyse de survie a été
réalisée à l'aide des courbes de Kaplan Meier. Le test
statistique de Log-Rank a été utilisé pour comparer les
sous groupes et le test était considéré comme significatif
au dessous du seuil de 0,05.
Analyses multi variées avec la régression
de COX
La recherche des facteurs de prédiction de la survie
sous ARV a été assurée à l'aide de la
régression de COX. L'objectif de l'analyse était la
prédiction de la survenue du décès en fonction des
variables indépendantes signalées plus haut. Les critères
utilisés étaient la précision et la parcimonie. Toutes les
variables avaient la même valeur dans le processus de
modélisation. Une première sélection des variables a
été réalisée à l'aide de la valeur p du test
du rapport de vraisemblance. Les variables avec une valeur p inférieur
à 0,10 étaient retenues pour la modélisation. Une seconde
sélection basée sur le gain de précision par le même
test a permis de construire un modèle final. Le seuil de signification
pour l'intégration dans le modèle final était de 0,05. La
force d'association entre une variable indépendante et
l'événement était mesurée par le test de Wald et le
hazard ratio. Un hazard ratio égal à 1 signifiait une absence
d'association dans les limites de cette étude. L'analyse des
données était réalisée à l'aide du logiciel
STATA 10 (STATA Corp., Collège Station, Texas, USA).
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