7-5. LES TRAVAUX FORESTIERS
Presque tous les travaux réalisés ne sont pas en
harmonie avec les conditions du milieu et le type de formations
végétales. Souvent ils sont ordonnés au vu d'un projet
d'exécution très sommaire fait à partir du bureau et de
données dépassées. Une analyse bilan des travaux entrepris
dans la région laisse apparaître un constat d'échec qu'on
ne peut plus cacher, les dégâts occasionnés sont importants
et les résultats obtenus souvent totalement absents.
C'est ce qui nous a permis d'assimiler un fort pourcentage des
travaux forestiers (rootage, débroussaillement,,démaquisation,
dépressage etc..) à des actions de dégradation, de
perturbation et de déstabilisation d'un équilibre
dégât largement entamé. Les travaux pouvant être
classés dans comme facteur dégradant selon le lieu, la technique
et l'objectif d'utilisation sont les suivants:
- travaux préparatoire du sol,
- le reboisement et le repeuplement,
- les coupes sylvicoles,
- les travaux de conservation des sols,
- l'infrastructure temporaire.
7-5.1. Le reboisement
Un listing de toutes les opérations entreprises
basé sur l'importance en volume fait ressortir que c'est le reboisement
qui se taille la part du lion. BENABDELI (1976) soulignait à ce sujet: "
C'est l'unique moyen sur lequel tout est misé pour accroître notre
surface forestière. Est-ce une bonne solution? Surtout vu la cadence
avec laquelle il est entrepris". Faute d'application de mesures efficaces
contre les différents délits qui dégradent en permanence
les forêts à un rythme alarmant n'a t-on pas le plus souvent
entendu répondre: " Peu importe, on réparera le tout en
reboisant". Mais un reboisement quelque soit sa rigueur et son taux de
réussite ne peut remplacer dans toutes ses composantes
écologiques une formation végétale naturelle aussi
dégradée soit-elle. En plus, la surface reboisée est
toujours inférieure à celle détruite et le
déséquilibre prend de l'ampleur avec le temps. Sur les 2.000 ha
perdus en moyenne annuellement (calcul fait sur 100 ans), le reboisement ne
restaure (également sur une moyenne d'un siècle) que 1500 ha avec
un taux de réussite ne dépassant pas 40% soit un manque à
gagner annuel de 1200 ha. Le reboisement a été à l'ordre
du jour de toutes les préoccupations du secteur depuis 1850, la loi du 7
avril 1902 l'officialisa au même titre que la mise en valeur des
forêts. On accorda ainsi beaucoup d'importance à cette nouvelle
opération de sauvegarde de la végétation en ignorant une
autre forme de préservation des peuplements végétaux par
la régénération naturelle moins coûteuse et plus
sure. Le reboisement n'était en fait qu'un moyen pour réparer
temporairement les dégâts causés et le plus souvent
autorisés dans la plupart des formations végétales. Dans
ce contexte BENABDELI (1976) notait: " Pour beaucoup le reboisement est la
véritable clé de tous les problèmes forestiers et il
apportera le remède à la déforestation dont on commence
à mesurer et sentir l'ampleur et les conséquences... Il ne faut
point dissimuler que la faveur dont jouit ainsi le reboisement n'est pas
innocente, c'est un mot magique qui est arrivé à entretenir
fortement dans l'esprit même des forestiers un miracle pour la
forêt et son extension".
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« Aspects physionomico- structuraux de la
végétation forestière ligneuse face à la pression
anthropozoogène dans les
monts de Tlemcen et les monts de Dhaya (Algérie
occidentale)
En réalité le reboisement dans la forme
où il s'effectue n'est que leurre car il a été de tout
temps sujet aux critiques et aux réformes ce qui justifie son
inefficacité (BENABDELI, 1976). Il y a eu certes un désir de
réhabiliter techniquement cette action pour en faire le cheval de
bataille de la reforestation, les travaux de PUDOD (1948), SACCARDY (1950),
MONJAUZE (1960), GRECO (1966), BENABDELI (1976), STEWART (1976), BENABDELI
(1983), LEUTREUCH-BELAROUCI (1992) le confirment mais ne le réhabilite
pas totalement. Les travaux du dernier auteur cité posent les
véritables problèmes que rencontre le reboisement en
Algérie. Il note: " Il apparaît difficile de mesurer et
d'interpréter aujourd'hui les succès et les erreurs des
tentatives de reboisement du passé...Les premières tentatives de
restauration forestière entreprise de 1810 à 1910 furent surtout
et très peu scientifiques. Parés cette période, le
reboisement se poursuivit avec plus d'activité, mais tous les forestiers
de l'époque étaient d'accord pour dire que la sylviculture
algérienne manquait de connaissances dans les techniques et
l'acclimatation des essences exotiques".
Malgré qu'il soit une nécessité le
reboisement n'obéissait pas toujours aux règles
élémentaires lui permettant d'atteindre les objectifs et les
espoirs qui lui étaient assignés. Toute la reforestation, au
regard des conditions climatiques, édaphiques et des facteurs
anthropiques; du pays reposait sur cette action où on ne maîtriser
convenablement aucun élément permettant de faire face avec le
maximum de chances de réussite. Les procédés très
simples de réintroduction d'une végétation disparue d'une
région étaient dépassés car les échecs
enregistrés inquiétaient les spécialistes. Le plus souvent
le reboisement se soldait à une action de défrichement partielle,
parés la destruction de la végétation en place par les
travaux mécaniques de préparation du sol, le taux de
réussite n'est que de 10 à 30% au maximum. Une multitude de
carences font que le reboisement même quand il est réussit
à un taux acceptable ne pourra jamais remplacer la formation
détruite par l'installation d'un écosystème. Dans la
région l'artificiel n'a jamais pu remplacer ou suppléer le
naturel et c'est pour cela qu'il est considéré comme un
délit.
La mécanisation a été la principale
source de dépréciation du reboisement et du boisement;
doté de moyens puissants et rapides le forestier les a utilisés
sans discernement. Que de maquis et de matorrals ont été
totalement rasés pour installer une plantation à base de
résineux dont la réussite était tributaire d'une
série de facteurs et de paramètres aussi inconnus les uns que les
autres. Avec cette technique qui a pris de l'ampleur dans les décennies
1960-1990, nos évaluations arrivent à une surface de 45.000
hectares déboisés et remplacés par une plantation dont le
taux de chance de réussite est très faible et dont la
durée d'échapper aux incendies n'est que de 20 ans. Les
formations végétales détruites pour installer un
reboisement se répartissaient en 7.200 ha de forêts claires et
dégradées, 14.700 ha de maquis et 16.600 ha de matorral. Le
rootage malgré son prix de revient élevé est devenu
monnaie courante, généralisé avant toute action de
reboisement, il causait pourtant des dégâts considérables
car il détruisait une végétation ligneuse en place souvent
en équilibre avec les conditions du milieu. Il perturbait
également l'évolution du sol et bouleversait les horizons rendant
ainsi difficile la reprise des jeunes plants installés.
Le suivi de quelques reboisements parés la destruction de
la végétation en place suivie d'un rootage, sur une
période de 10 ans aboutit aux résultats suivants:
- le taux de réussite varie entre 23 et 61%,
- l'accroissement annuel ne présente aucune
particularité et se situe dans la norme admise dans la région, 45
cm par an,
- la végétation détruite est présente
et fidèle à son état initial à 75%,
- la densité moyenne de l'espèce introduite est de
550 plants à l'hectare alors que la densité de plantation
était de l'ordre de 1600.
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