6-2. GENERALITES SUR LA DEGRADATION DES FORMATIOSN
FORESTIERES
Les interactions entre l'homme et les formations
végétales datent dans la région depuis plusieurs
millénaires, le paysage végétal actuel de l'Oranie
caractérisé par des montagnes déboisées et
dénudées est le résultat de l'utilisation et de
l'exploitation anarchique et irréfléchie de toutes les surfaces
boisées. Pendant plusieurs civilisations la couverture
végétale est agressée, si durant la civilisation romaine
la forêt de la région a fourni d'énormes quantités
de bois pour la pêche, la construction et le chauffage, ce n'est
qu'à partir du 11ème siècle avec l'invasion des
Béni Hillal et leurs troupeaux impressionnants que les signes
précurseurs de la dégradation du couvert végétal se
font sentir. " Ils (les Béni Hillal) détruisent les villes,
incendièrent les forêts, que la pression des troupeaux achevait
ensuite " lit-on dans le Bulletin d'information Forestier (1978).
Avant 1830 la littérature spécialisée
parle de 7 millions d'hectares de forêts, dés 1835 le chiffre le
plus fréquemment avancé est celui de 5 millions. A partir de
cette date les forêts étaient considérées comme bien
de l'état mais les populations riveraines, pour des raisons politiques,
pouvaient au titre du droit d'usage qui leur était exceptionnellement
accordé faire paître leur troupeau et prélever une certaine
quantité de bois sec. Dés l'installation en force des colons, des
lois canalisant et contrôlant ce droit furent promulguées avec
cependant des temporisations remarquables dans leur application; dans le souci
unique d'éviter des soulèvements ou des incendies volontaires.
Cette période était programmée pour
coïncider avec la mise en application, la plus complète possible,
de la fameuse loi portant Sénatus Consulte. En 1863 le Sénatus
Consulte stipule effectivement dans son article premier le refoulement des
populations autochtones:" Les tribus de l'Algérie sont
déclarées propriétaires des territoires dont elles ont la
jouissance permanente et traditionnelle, à quelque titre que ce soit".
Déjà la permanence dans la jouissance élimine
d'amblé toutes les surfaces à vocation forestière qui
constituaient la principale ressource fourragère. Toutes les
délimitations étaient déjà effectuées et
cette loi ne faisait que confirmer le partage inégal des terres au
profit de la population coloniale qui était minoritaire. Basée
sur des études sociologiques ce découpage se fixait comme
objectif la désagrégation de l'organisation sociale, familiale et
économique des populations locales. Certaines collectivités ne
disposaient plus de terrain de parcours et la surface agricole moyenne par
famille ne dépassait pas les 5 hectares. Le droit d'usage avec le
classement des enclaves et le contrôle de tout prélèvement
des forêts, fut réduit progressivement avant de
disparaître.
En 1874 une nouvelle loi aussi inhumaine que discriminatoire
généralise le principe de la responsabilité collective, le
moindre délit constaté est automatiquement et
régulièrement suivi de sanction. A titre d'exemple, en 1877 la
tribu de Dhaya (sud de Sidi Bel Abbes) voit ses 26 fractions frappées
d'une amende de 41.968,13 francs. En plus de cette sanction très lourde,
toutes les populations situées dans les zones forestières
étaient astreintes à d'autres obligations comme la surveillance
et quelques travaux forestiers bénévolement bien sur. Le droit
d'usage était ramené à sa plus simple expression et se
résumait à l'autorisation de prélever une quantité
déterminée de
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« Aspects physionomico- structuraux de la
végétation forestière ligneuse face à la pression
anthropozoogène dans les
monts de Tlemcen et les monts de Dhaya (Algérie
occidentale)
bois de chauffage sec et quelques perches pour usage
domestique. Ces droits étaient largement compensés par le jeu des
amendes dont le volume financier suffisait à donner de l'assurance aux
gestionnaires de la forêt. Malgré toutes ces mesures draconiennes
la couverture végétale s'amenuisait, vers 1900 elle
n'était que de 6 millions d'hectares, en 1950 elle n'atteint à
peine que 4 millions dont 3 millions en formation de forêt et 1 million
de maquis dégradé. Cette situation ne peut s'expliquer que par le
souci de s'accaparer du maximum de terrain plat et fertile à haute
potentialités agronomiques au détriment de la forêt par les
colons.
Pour arriver à leur fin l'utilisation du
défrichement après une exploitation excessive était la
technique la plus employée. MONJAUZE (1947) disait: " Il était
normal que les premiers forestiers venus de la métropole fussent surtout
des techniciens et des gérants. Ils ont appliqué une loi
objective occidentale dans un espace vital conçu à l'orientale et
n'ont pas tardé à constater combien précaire
étaient les résultats de leur activité ". Le temps assez
long réservé à l'application des textes justifiait leur
inadaptation sur le terrain et les limites juridiques servant une cause et un
objectif ont été mises à nu. Le riverain a toujours,
quelque soit les sanctions, recherché un espace à la mesure de
ses besoins qui seront satisfaits selon la loi du moindre effort au jour le
jour et de proche en proche. Cette civilisation de vaine pâture à
ambiance familiale a conservé et raffermi son équilibre parce que
les conditions s'y sont prêtées naturellement par le passé
et artificiellement aujourd'hui. Cette artificielle touche à sa fin
aujourd'hui faute de capital à consommer et seuls de nouveaux concepts
basés sur des modes d'exploitation adaptés aux conditions du
milieu permettent de sauver la couverture végétale.
Limiter les libertés, chères aux hommes, au nom
de concepts appuyés par des textes répressifs a été
une action vaine. Cette politique assez souvent contradictoire a
été à l'origine de la complexité du problème
de la conservation de la forêt. MONJAUZE (1947) reconnaît cette
situation: " Pourquoi dans des régions qui furent boisées il y a
peu de temps encore st sur des pentes relativement fortes, aménager des
vergers cultivables en sec au lieu de reconstituer la forêt primitive
".
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