DEUXIEME PARTIE
Ce que nous offre la nature de plus beau nous en faisons des
ruines: d'une forêt un maquis de broussailles, d'une mer d'alfa un
désert et d'un lac un égout. Par le feu nous abattons les arbres,
par la chèvre nous arrachons la chevelure de la terre, par la pollution
nous assassinons nos rivières.
Je crois qu'il n'y a rien de plus important que la conservation
sauf la survie. Et toutes les deux sont si étroitement liées
qu'il est difficile de considérer l'une sans l'autre. (LINDEBERGH)
6- DEGRADATION DE LA VEGETATION
La civilisation moderne guidée par le bien être
de l'homme du 20ème siècle s'est traduite
essentiellement par l'évolution technologique au détriment de la
préservation des conditions environnementales qui menacent sa survie.
Nombreux sont les écologistes et les naturalistes qui se sont rendus
compte que ce progrès autant constituait-il un acquis important pour
l'humanité autant il pesait lourdement sur la qualité de la
vie.
SAFI (1978) soulignait dans cet ordre d'idées: "
L'implantation sans cesse croissante, de nouveaux attributs technologiques
implique un aménagement continu de l'habitat de l'homme, et ceci dans le
but de contrebalancer les effets de cette intrusion dans le complexe naturel
".
" Il parait improbable que les hommes qui alors
défrichent et utilisent, dans un contexte climatique sans doute proche
de celui que nous connaissons, aient été inconscients des dangers
que recelait le défrichement sur des versants exposés. Quels
qu'aient été leurs rapports physiques à la terre que nous
connaissons très mal, on peut difficilement penser qu'ils aient
négligé les risques" notait MIOSSER (1982) à propos de
l'altération des écosystèmes par les activités
humaines. TIHAY (1976) précise quand à lui dans le même
raisonnement:" Les écosystèmes ont pu évoluer d'une
manière brutale, à certaines époques, soit par suite de
défrichement inconsidérés du fait de poussées
démographiques par exemple soit du fait d'abandons des secteurs mis en
culture sur des versants à cause de l'insécurité".
L'instabilité et la vulnérabilité des
formations végétales de la région sous l'action continue
de l'homme et de l'animal pèsent lourdement depuis des
millénaires sur la végétation. " En
méditerranée l'investigation écologique devait prendre en
compte l'action de l'homme dont les origines remontent à plusieurs
dizaines millénaires...En effet, le processus d'anthropisation a
largement façonné tous les complexes de végétation
méditerranéenne au point qu'il est difficile sans
référence au bioclimat de classer certaines structures de
dégradation" reconnait à juste titre BARBERO (1990). Il y a des
différences entre végétation potentielle et
végétation anthropique qui imposent une distinction en
région méditerranéenne entre végétation
forestière, pré-forestière et pré-steppique. Une
cohabitation provoquée par une évolution régressive et un
dynamisme permanent, entre les espèces des forêts, des matorrals
et des maquis s'est imposée et doit être d'une manière ou
d'une autre prise en charge dans la détermination des groupements
forestiers. Il est particulièrement recommandé de bien
caractériser les formations arborescentes méditerranéenne
fortement anthropisées et soumises régulièrement au jeu
des perturbations où dominent des espèces arborescentes
expansionnistes (BARBERO et QUEZEL ,1989) appartenant aux genres
Pinus, Juniperus, Quercus, Tetraclinis
associées à des fabacées, labiées,
rosacées, cistaies de la strate arbustive et sous-arbustive. (BARBERO
1990).
6-1.HISTORIQUE DE LA DEGRADATION
Plusieurs auteurs de diverses disciplines ont montré en
s'appuyant sur toute une série d'analyses, de textes, de documents et
d'études que le climat de l'Oranie ne diffère pas ou guerre dans
l'Antiquité du climat actuel. Aucune modification d'ensemble du climat
du Tell algérien ne semble perceptible au cours de la période
historique ou actuel. Sans exclure les possibilités de
légères altérations cycliques locales ou
régionales. La dégradation des écosystèmes
forestiers semble être un fait résultant essentiellement de
l'action de l'homme. Reste à évaluer, apprécier et
65
« Aspects physionomico- structuraux de la
végétation forestière ligneuse face à la pression
anthropozoogène dans les
monts de Tlemcen et les monts de Dhaya (Algérie
occidentale)
comprendre le mécanisme dans le temps et dans l'espace.
Les nombreux travaux à l'origine de cette conclusion reviennent à
GSELL(1928), SANTA (1937), ALIMEN (1955), BALOUT (1955), SANTA (1958), DRESH
(1960), COURTOIS (1965), BENCHETRIT (1966).
Au postglaciaire la méditerranée du sud à
laquelle appartient notre zone d'étude, était probablement un
conservatoire de paysage typiquement sclérophylles à
Quercus, Olea, Pistacia, Ceratonion, Rhamnus et
Juniperus. (BARBERO, 1990). Il faut reconnaitre que l'impact du
climat sur la dynamique végétale est certain et de part la
modification de la composition floristique le processus de dégradation a
été favorisée sans aucun doute. La variabilité
bioclimatique a favorisé en tous les cas la mise en place de structures
forestières très diversifiées et adaptées aux
conditions prédominantes de la période où l'anthropisation
a joué un rôle important à l'origine de l'installation et
du développement sous l'action d'un dynamisme des structures
forestières particulières et typiques d'altération dont
l'organisation spatiale et l'évolution sont fonction essentiellement du
degré de pression.
6-1.1. Conditions historiques de la dégradation des
forêts
Deux raisons rendent complexe l'approche des causes de la
dégradation des forêts: l'hypothétique assèchement
du climat et le problème historique de la chronologie des
dégradations et destructions anthropiques.
-assèchement du climat: cette question est
inextricablement mêlée à l'action de l'humaine car un
éventuel assèchement du climat a pu résulter des
destructions de la végétation forestière provoquée
par les hommes.
Ce serait une conséquence autant qu'une cause
entraînant en jeu pour accélérer la régression des
forêts. La destruction d'importants peuplements forestiers par
exploitation intensive pour les besoins de l'industrie en 1917, 1914-1918,
1939-1945 ou d'incendies remarquables 1954-1962 dans des régions
climatiquement marginales comme l'Oranie peut provoquer des microclimats plus
secs dont les conséquences et la somme agiraient sur le climat
régional. Dans ce domaine une étude climatique comparative entre
les précipitations durant deux périodes 1940-1980 laisse
apparaître un déficit de 100 mm de pluie dans la forêt de
Hafir (Monts de Tlemcen).
Beaucoup d'animaux se sont éteints de notre pays sans
que le climat ne soit pour quelque chose. Il semble d 'parés toutes les
études faites que c'est la dégradation de la couverture
végétale ligneuse naturelle qui soit à l'origine des
conséquences d'un assèchement du climat. Le dessèchement,
l'abaissement du débit, la migration en profondeur de la nappe
phréatique sont plutôt dues à l'accentuation du
ruissellement découlant de la déforestation. C'est
généralement l'action de l'homme qui est à l'origine de la
dégradation des forêts et de la disparition de nombreuses
espèces animales dont le biotope a tout simplement été
perturbé ou détruit. Les thèses des botanistes et des
écologues justifiant que les dégradations de la flore
méditerranéenne sont d'origine climatique sont abandonnées
actuellement. Aucune modification remarquable et globale du climat du Tell
oranais n'a été confirmée durant le quaternaire
récent. Seule l'action de l'homme peut justifier la régression de
l'aire écologique de certaines espèces.
-chronologie de la déforestation: quatre siècles
de troubles et d'invasions marquèrent la période post-romaine
notamment l'occupation arabe du Maghreb par vagues successives du
7ème au 11ème siècle. Le
11ème siècle s'est distingué par une invasion
intense des tribus hillaliennes qu'IBN KHALDOUN décrit: " Comme une
armée de sauterelles, détruisant et dévorant tout sur leur
passage... ". C'est les conséquences de ces invasions qui
altérèrent les forêts par le repli des tribus
berbères dans les montagnes boisées, le défrichement en
Oranie pour installer des cultures et des vergers, le développement du
nomadisme et du semi-nomadisme pastoral associé au brûlis. A ce
moment le Tell changea de physionomie, l'invasion française en 1832
accentua la pression des populations autochtones sur les massifs forestiers
montagneux. Les colons agrandirent leurs exploitations en défrichant
toutes les formations ligneuses où la pente du terrain était
presque nulle (plaine de la Mékerra, vallée de Télagh et
de Slissen). PIESSE (1862) note: " Enfin dans la troisième zone (monts
de Tlemcen et monts de Dhaya), l'on rencontre de vastes forêts offrant
des bois immédiatement exploitables. Ces forêts forment la base du
Tell algérien et couvrent la chaîne
« Aspects physionomico- structuraux de la
végétation forestière ligneuse face à la pression
anthropozoogène dans les
monts de Tlemcen et les monts de Dhaya (Algérie
occidentale)
de montagnes qui, partant du Maroc, passe par Sebdou, Dhaya,
Tiaret. Forêts inexploitées et inexploitables pour le moment du
fait de l'éloignement de ces contrées et de l'absence
complète de route ".
BENCHETRIT (1966) apporte les précisions suivantes: "
La dégradation des forêts du Tell oranais apparaît donc, en
dernière analyse, comme un fait récent directement lié au
développement de la colonisation: une colonisation de type-colonisation
de peuplement- telle qu'elle s'est déployée dans l'ensemble du
Tell algérien, et singulièrement oranais, au cours des cent
dernières années ".
Les aspects biogéographiques et de géographie
humaine ne sauraient être dissociés pour comprendre
l'évolution de la couverture végétale qui incarne la
réalité géographique qui est un des éléments
du paysage résultant d'une convergence de plusieurs séries de
facteurs. Compléter ces analyses géographiques par des
études phytoécologiques permettrait de prendre en charge la
politique à mettre en oeuvre pour sauver ce qui reste.
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