13-3. FORET DE PROTECTION OU DE PRODUCTION?
De tout temps la forêt a été perçue
en Algérie comme une valeur économique certaine, un fond
producteur de matière première facilement renouvelable. De ce
raisonnement simpliste, logique sous d'autres cieux et sous des conditions
écologiques et anthropiques différentes, a permis le
développement de la sylviculture où dominent surtout la phase
exploitation. Les essences les plus intéressantes sur le plan
économique sont le chêne liège et le pin d'Alep. Les
problèmes les plus urgents à résoudre depuis le
17ème siècle pour ces deux espèces
étaient et demeurent encore: la régénération des
peuplements et leur défense contre les feux. Toutes les tentatives
entreprises pour remédier à ces deux problèmes se
soldèrent par un échec. Les causes prépondérantes
à cet échec sont la mauvaise qualité des sols (tassement,
faible profondeur et faible taux de matière organique), les incendies
répétés sur la même formation, les maquis denses, le
pâturage excessif et la surexploitation. Le rajeunissement des formations
végétales n'a jamais été à l'ordre du jour
dans la politique forestière. La protection et la préservation de
la couverture végétale n'a pas elle aussi connu une prise en
charge effective par carence dans la maîtrise des formations ligneuses.
Cette situation s'est traduite concrètement par la destruction de
formations régressives et leur remplacement par des reboisements dont la
réussite n'était pas assurée pour répondre à
un objectif de production de matière ligneuse sans connaître les
potentialités des zones d'introduction. Devant cette politique de
gestion des écosystèmes forestiers si controversée, le
végétal n'arrive pas à répondre convenablement aux
objectifs fixés et qui sont le plus souvent en inadéquation avec
la dynamique végétale ou tout simplement les conditions de
milieu.
La confusion dans le domaine du choix des espèces et
des méthodes de gestion des formations végétales
règne encore à tel point qu'on est arrivé à
introduire des essences du semi-aride inférieur dans le subhumide
supérieur pour un seul but: réussir totalement l'opération
et les considérations écologiques passent après.
Même si le taux de réussite dans de telles opérations est
élevé, un potentiel ligneux et une formation en
paraéquilibre ont été totalement détruits au profit
d'une plantation dont l'avenir écologique n'est nullement assuré.
En 1981 LEUTREUCHBELAROUSSI analysa ce problème et arriva à des
propositions objectives en se basant sur les zones d'action forestières
principales où il existe des potentialités permettant d'installer
des plantations de production et des zones à faible potentialités
qu'il faut réserver à des formations de protection.
« Aspects physionomico- structuraux de la
végétation forestière ligneuse face à la pression
anthropozoogène dans les
monts de Tlemcen et les monts de Dhaya (Algérie
occidentale)
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1996
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Force est de constater qu'en absence d'un inventaire
sérieux des formations végétales et de leurs
caractéristiques éco-édapho-climatiques toute action
entreprise n'est qu'une accélération du processus de
dégradation de la couverture végétale. Ce n'est que par un
diagnostic phytoécologique réel, dont nous donnons les bases
fondamentales dans ce travail de recherche, qui déterminera
l'état dans lequel se trouvent les groupements et les peuplements
forestiers ainsi que le comportement de toutes les espèces
déterminantes qu'on pourra établir un classement de la
végétation pour en fixer les actions à entreprendre. Les
efforts de reconstitution du patrimoine forestier seront axés en
priorité sur les formations de protection car leur disparition constitue
une menace sérieuse sur les terrains agricoles et sur les facteurs
climatiques. Il ne faut pas perdre de vue que toutes les forêts sont
productives à différents degré et qu'une valorisation de
toutes les formations ligneuses est possible si le fonctionnement de
l'écosystème est maîtrisé
Les forêts de protection possédant un
intérêt écologique, biologique et même
économique qu'il ne faut pas négliger ni écarter au regard
des surfaces importantes qu'elles occupent. En parfaite état
d'équilibre avec le milieu physique elles contribuent à la
formation d'une couverture végétale permanente
caractérisée par une stabilité. Elles arrivent à
combler parfaitement les fonctions de protection antiérosives, de
réserve biologique, de régulation hydrique et également de
production de matière ligneuse appréciable pouvant être
utilisée à un taux remarquable si notre industrie du bois
était performante et adaptée à notre potentiel de
production. La réhabilitation des forêts de protection est une
nécessité, les fonctions qu'elles assument sont
irremplaçables et elle les honore malgré la marginalisation dont
elles ont été victime depuis plus d'un siècle.
Les critères de classification des formations
végétales en formation de protection et en formation de
production doivent être définis afin d'éviter une
discrimination dont les conséquences ont été
désastreuses sur toute la végétation ligneuse. Chaque
formation doit être appelée à jouer les deux rôles
pourvu qu'elle soit conduite selon une méthodologie et des techniques
appropriées où les deux objectifs sont associés. Cette
classification est indispensable car à chaque type de
végétation doit correspondre une intervention spécifique.
Les facteurs climatiques et édaphiques sont déterminants pour
cette classification et sont connu à travers les classes de
fertilité où le forestier classe son potentiel ligneux. La seule
condition de base valable pour toute forma de traitement des formations
végétales est de leur assure une pérennité.
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