Chapitre 2 :
Principes, concepts et application du Taylorisme
Frédéric Winslow
Taylor (18561915) est le fondateur du management scientifique
du travail, qui fit passer l'art, le savoir faire d'un petit
nombre au savoir refaire du plus grand nombre en
formalisant et standardisant les méthodes, les outils, les
connaissances. Taylor s'appuya sur la démarche scientifique qui observe
et quantifie.
Il utilisa essentiellement le chronomètre, segmenta les
tâches et sépara les fonctions d'exécution et
d'organisation, prôna la spécialisation. Sa recherche
d'amélioration était basée sur une relation gagnant -
gagnant entre exécutants et donneurs d'ordre, mais ses principes seront
pervertis et son nom sera associé aux excès de méthodes
segmentant à outrance les tâches afin de gagner en
productivité, sans réelle contrepartie pour
l'exécutant.
I/ Le Taylorisme : un ensemble de principes de
gestion du travail.
Entre 1893 et 1911, F. W. Taylor, publie
une série d'ouvrages de « management » qui, selon lui,
définissent les bases d'une nouvelle science : l'OST, l'organisation
scientifique du travail. Son ouvrage principal : 1911, la direction
scientifique des entreprises. Il théorise et systématise
le mouvement irrésistible qui va du travail qualifié des ouvriers
de métiers, de l'artisanat traditionnel au travail
déqualifié de la grande industrie ne nécessitant qu'un
court apprentissage.
Le point de départ de Taylor est
double : d'une part, il constate « la flânerie » des ouvriers,
motivée à la fois par un penchant naturel à la paresse et
par la stratégie des directions profitant du progrès technique
pour augmenter le rendement au lieu d'inciter, par la hausse des salaires,
à l'accroissement de la productivité. D'autre part, il remarque
le rejet de l'ouvrier faisant preuve de zèle par ses confrères.
Quatre principes sont à la base du système
de Taylor : la division verticale du travail la division
horizontale du travail, le salaire au rendement et le contrôle des
temps.
1. Premier principe : la division verticale du
travail.
C'est la séparation entre le travail
d'exécution et le travail intellectuel de conception, assuré par
les ingénieurs du « bureau des méthodes ». Par la
démarche scientifique (étude du poste, décomposition et
simplification des gestes, attribution d'un temps d'exécution à
chaque tâche élémentaire), ils déterminent la seule
bonne façon d'effectuer une tâche (« the one best way
»). Ainsi, Taylor, chargé d'améliorer les
méthodes dans une entreprise minière, va jusqu'à montrer
au manoeuvre la bonne façon de charger sa pelle pour atteindre la
productivité quotidienne moyenne la plus élevée.
Taylor préconise donc le «
développement d'une science qui, remplace le vieux système de
connaissances empiriques des ouvriers ». Dans un contexte aux USA
marqué par le pouvoir des ouvriers de métier syndiqués et
par la faiblesse de la qualification de la main d'oeuvre immigrée, cette
proposition de Taylor ne pouvait que recevoir bon accueil.
Il s'agit donc de transférer le savoir des ouvriers de
métier aux ingénieurs. Ce processus implique un détour par
son intellectualisation et sa codification formelle car ce savoir devra
être ensuite diffusé, non par un long apprentissage auprès
des anciens, mais par des instructions adressées par la
hiérarchie à des exécutants formés en quelques
heures.
2. Second principe : la division horizontale des
tâches.
C'est la parcellisation des tâches entre
opérateurs. A chaque opérateur est attribuée une
tâche élémentaire, afin d'automatiser et
d'accélérer les gestes. La division horizontale des tâches,
menée le plus loin possible, aboutit au travail à la
chaîne, innovation de Ford, appliquée à partir de 1913 dans
ses usines. Au début du siècle, cependant, les machines ne
réalisent que des opérations simples : l'homme est
irremplaçable pour les manipulations complexes. La chaîne
contraint ainsi l'homme à adopter le rythme de la machine.
3. Troisième principe : salaire au
rendement et contrôle des temps.
Taylor est tout à fait conscient
du caractère abrutissant et aliénant du travail ainsi
proposé à l'ouvrier : « Mais maintenant il nous faut dire
que l'une des premières caractéristiques d'un homme qui est
capable de faire le métier de manutentionnaire de gueuses de fonte est
qu'il est si peu intelligent et si flegmatique qu'on peut le comparer, en ce
qui concerne son attitude mentale, plutôt à un boeuf qu'à
toute autre chose. L'homme qui a un esprit vif et intelligent est, pour cette
raison même, inapte à exercer ce métier en raison de la
terrible monotonie d'une tâche de ce genre. » (TAYLOR, 1911).
La seule motivation d'un tel travail ne peut donc être
que l'argent. Pour cette raison, le salaire au rendement s'impose : à
chaque tâche correspond un temps d'exécution ; le
chronomètre détermine alors la rémunération de
l'ouvrier en écart au temps référentiel.
Le salaire au rendement permet donc la lutte contre les temps
morts, qu'ils découlent d'une mauvaise organisation ou de la tendance
spontanée des travailleurs à choisir leur propre rythme («la
flânerie ouvrière»).
4. La coordination du travail au moyen de la
hiérarchie fonctionnelle.
Le système de la
hiérarchie fonctionnelle consiste en une multiplicité de lignes
hiérarchiques. Selon Taylor, l'ouvrier doit avoir
autant de chefs spécialisés que l'on peut distinguer de fonctions
différentes impliquées par son travail : un pour son rythme de
fabrication, un pour ses outils, un pour ses affectations...
Ce système eut moins de succès que celui de la
centralisation hiérarchique du français Fayol, reposant sur le
principe de l'unicité du commandement. Selon ce dernier, on ne peut
éviter d'introduire un pôle d'autorité, quitte à
déléguer des tâches qui n'engagent pas la cohésion
de l'entreprise.
Donc le travail industriel repose sur une codification
et une analyse des processus et des temps de fabrication. La conception
est distincte de l'exécution. Le travail se fait individuel vu la
spécialisation. Stimuler la productivité par des bonus, des
primes et des salaires au temps et à la pièce, et afin de rendre
les tâches moins pénibles physiquement, Taylor a contribué
à la mécanisation des processus de production.
L'une des oeuvres importantes du travail Taylorien :
L'organisation scientifique du travail, qui de par son essence, consiste
plutôt en une philosophie résultant en une combinaison des quatre
grands principes de gestion:
1. Le développement d'une véritable
science 2. La sélection scientifique du travailleur 3. La
formation et le développement du travailleur selon les principes de
cette science
4. Une étroite et intime coopération entre
l'administration et les employés.
L'histoire du développement de l'organisation
scientifique du travail, à ce jour, invite à la prudence. La
mécanique de l'organisation scientifique du travail ne doit pas
être confondue avec son essence, ou sa philosophie sous-jacente.
Les limites de l'OST
· La dépossession du savoir faire de l'ouvrier
: l'OST a privé le travailleur des éléments qui donnent un
sens à son travail (l'organisation en équipe, choix de l'outil et
des modalités d'exécution et le contrôle du travail).
· Le contrôle abusif de l'ouvrier :
l'individualisation du travail, la séparation et la décomposition
des tâches ainsi que la définition précise de leur contenu,
permettent un contrôle systématique
· La démotivation au travail : le taylorisme
crée pour l'ouvrier des tâches répétitives monotones
et sans intérêt, aboutissant à un travail
déshumanisé et démotivant.
Quant à Ford, il a appliqué les principes de l'OST
dans son usine et instaura le travail à la chaîne. Son
organisation productive était fondé d'une part sur la
simplification de la nature et les méthodes de production des voitures
et d'autre part sur l'augmentation des salaires des ouvriers de façon
à leur permettre d'acheter plus facilement les voitures
fabriquées, d'où la hausse des salaires permettra le
développement d'une consommation de masse.
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