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Construction des infrastructures sociales pour les Bakola/ Bagyelli et incidence sur la coexistence avec les Bantou: contribution à  une ethno- anthropologie du conflit

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par Bernard Aristide BITOUGA
Université de Yaoundé I Cameroun - Master en anthropologie 2011
  

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III-4-2-Les Bagyelli et les représentations culturelles des infrastructures sociales

La construction du hameau de Bidjouka-Samalè visait dans son volet social à faire sortir les Bagyelli du campement de Binzambo de la forêt pour les installer en bordure de route. Les raisons évoquées pour justifier le choix du campement de Binzambo portaient essentiellement sur quelques difficultés qui entravaient le mieux-être des Bagyelli vivant dans la forêt. Au nombre de ces difficultés on peut citer :

Les enfants ne pouvaient pas aller facilement à l'école à cause de l'éloignement du campement de l'école publique de Bidjouka-Bambi.

L'inaccessibilité des populations aux soins de santé primaires causée par l'éloignement du campement de la structure sanitaire.

La difficile traversée de la Mougué (rivière) pendant la saison de pluies.

L'isolement des Bagyelli du reste des populations vivantes à Bidjouka. Ce qui contribue à leur non prise en compte dans la politique de développement du village. Toutes ces difficultés citées ont conduit la grande majorité des Bagyelli de Binzambo à accepter volontairement de partir de la forét pour venir s'installer au bosquet de Mangom (Bidjouka-Samalè). Toutefois, il est important de mentionner le fait que même si les Pygmées ont apprécié l'initiative il n'en demeure pas moins vrai que plusieurs réserves ont été émises par les Bagyelli qui ont contribué à remettre en cause le bienfondé du projet de construction des maisons. La nécessité de construire des maisons aux Bagyelli était une bonne chose mais comme nous ont confié certains informateurs Pygmées au cours de nos entretiens qu'ils n'ont pas été consultés pour savoir s'ils voulaient quitter la forét pour aller s'installer dans un hameau qu'on leur construirait. Mapfoung, un des leaders Pygmées du hameau a déclaré :

Nous étions très contents quand Massila est venue nous dire qu'on allait nous construire des maisons. Mais à notre grande surprise les maisons n'ont pas été construites où nous aurions souhaité qu'elles soient construites. Nous voulions que ces maisons soient construites en foret. C'est là-bas que nous sommes habitués à vivre. Nous venons ici au village(Bidjouka) pour quelques temps. Après nous rentrons en forêt43.

La non prise en compte du point de vue des principaux bénéficiaires que furent les Bagyelli a eu comme conséquence la désertion rapide du hameau et l'abandon des maisons

43 Mapfoung, entretien réalisé le 09/01/2010 au bosquet de Mangom (Bidjouka-Samalè).

qui leur avaient été offertes. Sur un total de huit maisons, six d'entre elles furent abandonnées par leurs propriétaires qui préférèrent retourner vivre en forêt. Pour comprendre la réaction des Bagyelli face à ces maisons qui leur étaient destinées, il convient d'interroger les principaux acteurs au sujet des représentations culturelles qu'ils projettent sur ces maisons.

Des informations collectées sur le terrain, deux facteurs identifiés par les Bagyelli expliquent leur difficile intégration à cette initiative qui visait à améliorer leurs conditions de vie d'un point de vue global et celui de l'habitat en particulier. Le premier argument développé par les Bagyelli est lié au plan de construction des maisons. En effet, le modèle de construction habituellement utilisé par les Bagyelli n'a pas été pris en compte. La segmentation des maisons en compartiments (salle de séjour, chambres, cuisine) ne cadrait pas avec le schéma traditionnel de leurs cases. La case bagyelli est un tout. Le Ngyelli ne fait pas une distinction entre les différentes pièces de la maison. Un coin de la case sert de cuisine (étagère, claie, foyer, etc.), les lits sont disposés de part et d'autre de l'espace intérieur avec un ou deux sièges (sièges, bancs). Parce que peu habitués à l'architecture qui leur est proposée, les Bagyelli ne s'encombrent pas lorsqu'il s'agit de disposer les objets, meubles ou ustensiles à l'intérieur de la maison. On trouve dans la salle de séjour (salon) le lit, les ustensiles de cuisine (marmites, assiettes, seau, etc.) ainsi que des outils (machette, houe, etc.) placés à même le sol. La photographie ci-dessous montre l'intérieur d'une maison occupée par un Bagyelli du hameau de Bidjouka-Samalè.

Photo 19: Intérieur d'une maison appartenant a NDIG David (Bidjouka-Samalè) Source : Aristide Bitouga (Bidjouka 2009)

Le deuxième argument évoqué par les Bagyelli est la disposition linéaire des maisons. En effet, la société bagyelli est collectiviste et se traduit par le fait qu'habituellement la construction des cases se fait de façon groupale et sphérique. Les entrées des maisons d'un

même quartier sont toutes orientées vers une cour centrale commune, ce qui illustre la structure foncièrement collectiviste de la société Bagyelli. Ainsi, durant la journée, les entrées de case ne sont jamais fermées (sauf si l'ensemble de la communauté s'absente pour plusieurs jours : l'obturation de l'entrée informe l'éventuel visiteur de l'absence prolongée des occupants), et la nuit, si un panneau d'écorce fait office de porte, c'est plus par souci de maintenir à l'intérieur la chaleur dégagée par le feu et éviter l'intrusion des animaux que de se dissimuler aux yeux du reste de la communauté. Avec cette disposition linéaire des maisons, les Bagyelli ont vu tomber leur esprit collectiviste. Or, comme l'affirment les principaux bénéficiaires, cette disposition linéaire des maisons a fait naître dans la mentalité des membres de la communauté un individualisme qu'on n'avait pas jusqu'alors observé. Cet individualisme a contribué à exacerber les tensions entre les occupants du hameau de Binzambo-Samalè. Certains informateurs nous ont fait savoir que de plus en plus, on parlait des problèmes de jalousie, de tuerie, voire de sorcellerie. A cet effet, Mapfoundoeur Gervais affirme que :

Il y a un problème de complexe entre eux. Je cite par exemple Massila, elle est déjàémancipée et eux ils sont encore comme ils sont. Il y a un peu de jalousie. Ce qui fait

que quand tu vois quelqu'un déjà évolué tu lui jettes des mauvaises intentions. Si bien qu'il y a même ici déjà des problèmes de tueries. C'est l'une des causes qui fait en sorte que d'autres préfèrent rentrer en brousse. Par exemple Massila a fréquenté, elle est mieux placée, elle a des relations et elle voyage beaucoup. Maintenant ses frères l'accusent en disant qu'elle est ceci, elle est cela. Voilà pourquoi eux ils ne veulent pas venir habiter ici. C'est l'une des causes principales du fait que les maisons aient été abandonnées44.

Ces nombreux incidents ont poussé beaucoup d'occupants à abandonner leur maison pour rentrer s'installer en forét.

44 Mapfoundoeur Gervais, responsable Samalè du hameau de Binzambo, entretien réalisé le 09/01/2010 au bosquet de Mangom.

CHAPITRE QUATRIEME : CONTRIBUTION ETHNO-
ANTHROPOLOGIQUE A L'ANALYSE ET INTERPRETATION
DES CONFLITS

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault