b- La théorie du conflit
La théorie du conflit affirme que la
société ou l'organisation fonctionne de sorte que chaque
participant individuel et ses groupes luttent pour maximiser leurs avantages.
Ce qui contribue inévitablement aux changements sociaux comme les
évolutions politiques et/ou les révolutions. Cette théorie
est la plupart du temps appliquée en vue d'expliquer le conflit entre
les classes sociales, prolétariat contre bourgeoisie ainsi que, pour les
idéologies, capitalisme contre socialisme. La théorie essaie de
réfuter le fonctionnalisme.
En effet, il n'est pas question de considérer que les
sociétés et les organismes fonctionnent de sorte que chaque
individu et groupe joue un rôle spécifique, comme des organes dans
le corps. Il y a des hypothèses de base radicale (la
société est éternellement en conflit, ce qui pourrait
expliquer le changement social), ou de base modérée (la coutume
et le conflit sont toujours mélangés). La version
modérée tient compte du fonctionnalisme puisqu'elle accepterait
ce même jeu négatif d'institutions sociales par partie dans
l'individuBeibehaltung de la société. L'essence de la
théorie du conflit est mieux résumée par la «
structure de pyramide » classique dans ce qu'une élite dicte des
limites aux masses plus grandes. Toutes les positions, lois, et traditions
principales dans la société sont conçues pour soutenir
ceux qui ont traditionnellement été dans la puissance, ou les
groupes qui sont perçus pour être supérieurs dans la
société selon cette théorie. Ceci peut également
être augmenté pour inclure la « moralité » de
n'importe quelle société et par prolongation leur
définition de déviance. Quelque chose qui défie la
commande de l'élite sera probablement considéré «
déviante » ou « moralement répréhensible.
»
En résumé, la théorie du conflit cherche
à cataloguer les manières dont ceux qui ont le pouvoir, dans la
recherche de puissance travaillent à rester dans la puissance. Dans la
théorie du conflit, le groupe stratégique concurrent joue un
rôle principal. Nous allons à l'intérieur de la
théorie du conflit convoqué trois éléments que sont
: l'arène, les groupes stratégiques et le conflit.
Arène
C'est peut-être dans le contexte des analyses de
Bailey28 le terme, fréquemment
utilisé dans la littérature anglo-saxonne, est le plus
significatif, bien qu'il ne soit jamais explicitement défini.
Bailey voit la politique, nationale comme locale, en termes de
« jeu »,
28 Bailey, 1969, Strategems and spoils. A social
anthropology of politics , Oxford.
oü se confrontent et s'affrontent les acteurs sociaux,
autour des leaders et de factions. L'arène est au fond l'espace social
oü prennent place ces confrontations et affrontements.
La notion d'arène peut utilement être
rapprochée de la notion voisine de « champ ". Pour Swartz,
le champ (politique) est un espace social et territorial à
l'intérieur duquel sont reliés les uns et les autres les acteurs
impliqués dans un processus politique. Le champ politique inclut «
the values, meanings, resources, and relationships employed by the
participants in that process". Ainsi son acception du champ politique est
plus large que celle de Bailey et d'autres. Pour Swartz,
« arène " renvoie à:
The social and cultural area which is immediately adjacent
to the field both in space and in time", zone qui « contains the
repertory of values, meanings, and resources these actors possess, together
with the relationships among them» (relations qui peuvent être
multiplexes ou non) and « the values, meanings and resources possessed by
the field29.
Divers auteurs ont quant à eux utilisé
arène et champ de façon interchangeable, et d'autres ont
utilisé champ pour inclure simultanément les sens de champ et
d'arène selon Swartz. Pour nous, arène
évoque à la fois une échelle plus restreinte et une plus
claire conscience des affrontements chez les acteurs eux-mêmes. Une
arène, au sens où nous l'entendons est un lieu de confrontations
concrètes d'acteurs sociaux en interaction autour d'enjeux communs. Un
projet de développement est une arène. Le pouvoir villageois est
une arène.
Conflit
Les premiers travaux en anthropologie qui aient
systématiquement abordé la réalité sociale par le
biais des conflits sont sans doute ceux de l'Ecole de Manchester, dès le
début des années 195030. Cependant les usages qui ont
été faits de la notion de conflit restent ambigus, et renvoient
à au moins trois niveaux d'analyse qu'il est utile de
désagréger.
D'une part, un constat empirique : les sociétés,
toutes les sociétés, sont traversées de conflits ; Le
conflit est donc un élément inhérent à toute vie
sociale. Cette idée est un leitmotiv dans l'oeuvre de Max
Gluckman, le fondateur de l'Ecole de Manchester, et
dans celle de ses disciples31.
D'autre part, une analyse structurelle : les conflits
renvoient à des différences de positions. Le plus clair exemple,
et le plus systématique, en est le premier grand ouvrage de
29 Swartz, M.J.1969, Social and Cultural Perspectives,
London: University of London Press: 1-46.
30 Bien évidemment la notion de conflit
était déjà au coeur du paradigme marxiste. Mais divers
auteurs extérieurs à cette tradition ont mis en évidence
l'importance des conflits, comme Dahrendorf (1959), en macrosociologie,
Crozier(1964) en sociologie des organisations.
31 Le conflit est déjà un thème
d'un des premiers ouvrages de Gluckman(1940), mais prend plus d'importance dans
les publications ultérieures comme : « Custom and conflict in
Africa " (Gluckman, 1956).
Victor Turner32. Les conflits sont
l'expression de « contradictions » structurelles. Autrement dit les
sociétés, aussi petites soient elles, et aussi dépourvues
soient elles de formes institutionnalisées de « gouvernement
», sont divisées et clivées. Ces divisions et ces clivages
sont entretenus par des « coutumes », c'est-à-dire des normes,
des règles morales, des conventions. Les conflits expriment donc des
intérêts différents liés à des positions
sociales différentes et sont culturellement structurés.
L'analyse structurelle, nous semble quant à elle devoir
etre amendée(en suivant d'ailleurs certaines pistes que Gluckman lui
même a tracées dans ses écrits les plus programmatiques).
Il est vrai que bien souvent les conflits renvoient à des positions
différentes dans la structure sociale. Mais il convient pour
Long33 de souligner l'existence d'une marge de
manoeuvre pour les individus ; C'est ce dernier qui a introduit dans la
sociologie et l'anthropologie du développement la problématique
de l'Ecole de Manchester. Un conflit entre personnes ou entre groupes n'est pas
l'expression d'intérêts objectifs opposés, mais aussi
l'effet de stratégies personnelles, plus ou moins insérées
dans des réseaux et organisées en alliances.
Identifier les conflits, c'est aussi un moyen d'aller au-
delà de la façade consensuelle et de la mise en scène en
direction de l'extérieur que les acteurs d'une société
locale proposent souvent à l'intervenant ou au chercheur
extérieur. Ceci est particulièrement important dans le champ du
« développement », où les stratégies de mise en
scène face à des intervenants extérieurs sont devenues une
part du savoir-faire des acteurs locaux. En Afrique, où la « rente
du développement » est désormais une composante structurelle
de l'économie de nombreux villages et a été
intégrée dans les stratégies
paysannes34, toute enquête est perçue
par les villageois comme les prémisses d'un flux aide potentiel, et les
gens présentent donc aux chercheurs le spectacle d'un village uni et
dynamique, dont les besoins correspondent exactement à ce que l'on pense
que les visiteurs sont prts à fournir.
Groupes stratégiques
C'est vers Evers35 que nous nous sommes cette fois
tourné pour mieux expliquer le concept de groupe stratégique.
Chez ce sociologue allemand, il s'agit de proposer une alternative à la
catégorie de « classe sociale », trop figée, trop
mécanique, trop économique,
32 Turner, 1957, Schism and continuity in an African
Society,Manchester University.
33 Long, 1989, Encounters at the interface.A
perspective on Social Discontinuities in Social Life,Wageningen.
34 Bierschenk&Olivier de Sardan, 1997,
«Ecris: Rapid collective inquiry for the identification of conflicts
and
the strategic groups »; Human
Organization.
35 Evers & Schiel, 1988, Strategische Gruppen.
Vergleichende Studien zu Staat ; Berlin, Reimer Vertag.
trop dépendante d'une analyse marxiste en termes de
« rapports de production ». Les groupes stratégiques
apparaissent ainsi comme des agrégats sociaux plus empiriques, à
géométrie variable, qui défendent des
intéréts communs, en particulier par le biais de l'action sociale
et politique.
Cette perspective plus pragmatique, plus proche des
réalités empiriques, au lieu de définir a priori les
critères de constitution de groupes sociaux, déduit les groupes
pertinents pour un problème donné à partir de l'analyse
des formes d'action observables en vue de l'appropriation des ressources. Selon
les contextes ou les circonstances, un acteur social est un membre potentiel de
différents groupes stratégiques, en fonction de son propre
répertoire de rôles. Il n'y a pas de frontières rigides
entre les groupes stratégiques. La notion de groupe stratégique
reste essentiellement d'ordre empirique et heuristique. Elle suppose simplement
que dans une collectivité donnée les acteurs n'ont ni les
mémes intéréts, ni les mémes
représentations, et que, selon les problèmes, leurs
intérêts et leurs représentations s'agrègent
différemment, mais pas n'importe comment.
|