II-3-THEORIES EXPLICATIVES
La théorie peut se définir comme un modèle
explicatif d'un phénomène social ou d'une réalité
sociale. Pour Raymond Aron, il dit de la théorie
qu'elle est :
Un système hypothético-déductif
constitué par un ensemble de propositions dont les termes sont
rigoureusement définis, élaborés à partir d'une
conceptualisation de la réalité perçue et
observée25.
Pour mieux l'expliciter Mbonji Edjenguèlè
dit d'elle qu'elle est :
Un ensemble de lois concernant un phénomène,
elle se veut être un corps explicatif global et synthétique
établissant des liens de relation causale entre les faits
observés, analysés et généralisant lesdits liens
à toutes sortes de situations26.
Les données primaires et secondaires ont été
analysées à l'aide de deux théories que sont :
l'ethnométhodologie et la théorie du conflit.
II-3-1-Présentation et Justification du choix des
théories
a- L'ethnométhodologie
L'ethnométhodologie a été
élaborée par Alfred Schütz et Harold Garfinkel au cours des
années 1960. L'ethnométhodologie est une théorie
sociologique qui considère l'ordre social comme un accomplissement
méthodique. Harold Garfinkel dit de sa recherche qu'elle est
orientée vers la tâche d'apprendre de quelle façon les
activités ordinaires réelles des membres consistent en des
méthodes pour rendre les actions pratiques, les circonstances pratiques,
la connaissance de sens commun des structures sociales et les raisonnements
sociologiques pratiques, analysables. L'ethnométhodologie relie donc une
approche des faits sociaux « comme des oeuvres », qui « voit des
processus », une approche de la cognition, en l'occurrence celle des
« méthodes des membres », et une approche de la communication.
Le thème central des études ethnométhodologiques est la
« descriptibilité (« accountability ») rationnelle des
actions pratiques, en tant qu'elle est un accomplissement continu et
pratique27 ». L'ethnométhodologie n'a pas pour objet de
construire un sens, elle tente plutôt de comprendre comment le sens se
construit dans un groupe précis. Si les membres ont une
compétence unique pour construire du sens, ils ne s'interrogent que
rarement sur la manière dont ils se construisent.
L'ethnométhodologie repose sur quatre grands principes à savoir :
L'indexicalité: désigne une
propriété du monde plus qu'un phénomène social.
Elle est une notion empruntée à la linguistique, elle a
été initialement formulée en 1954 par le linguiste
25 Aron, R; 1967, « What is a theory of International
Relations? », Journal of International Affairs, pp.185-206.
26 Mbonji, E ; 2005, L'Ethno-perspective ou le
discours de l'ethno anthropologie culturelle, Yaoundé, P.U.Y.
27 Garfinkel,H ; 1986 ,Ethnomethodological Studies of
Work, Londres ,Routledge & Kegan Paul.
Bar Hillel. Celui-ci dit de la notion d'Indexal expressions,
une notion qu'il a lui-même formée, « il y a des
expressions indexicales qui ne peuvent pas êtres sorties de leur
contexte. ». L'ethnométhodologie emprunte cette notion pour
rendre compte de la nécessité qu'il y a pour comprendre les
échanges au sein d'interaction, de les indexer sur les situations
locales qui les ont produites.
La réflexivité: c'est une
notion précise mais délicate à manipuler, car on peut
rapidement la confondre avec l'indexicalité. Contrairement à
l'indexicalité, elle est un phénomène observable dans les
comportements. On peut la comprendre comme la capacité de chacun
à interpréter les signes qu'il observe pour construire du
sens.
La descriptibilité: c'est un
caractère qui doit s'appliquer aux sujets d'études
ethnométhodologiques. Ceux-ci doivent être rapportables,
descriptibles, observables, résumable à toute fin pratique selon
les termes de Garfinkel. On laisse donc de côté les objets
construits par l'entendement humain véhiculant une part importante
d'imaginaire, impossible à circonscrire.
Les ethnométhodes: ce sont des
processus que les membres d'un groupe utilisent pour mener à bien leurs
actions pratiques. Les actions pratiques sont des activités quotidiennes
et banales que chacun assure sans y préter une attention
particulière. L'ethnométhodologie est donc l'étude de ces
ethnométhodes.
L'ethnométhodologie, dans le cadre de notre travail de
recherche s'offre à nous comme une théorie appropriée pour
analyser les rapports de cohabitation entre les communautés bantoues
(Ngoumba et Ewondo) et les Bakola/Bagyelli. En effet, elle nous permet de
mettre en évidence, de décrire des occurrences, des formes de
raisonnement pour dégager des « patterns " sous-jacents, les
structures sociales, qui, contrairement aux positions de Durkheim, ne sont pas
données, évidentes, lisibles, mais doivent être
construites, détectées, reconnues comme « objectives ". Le
chercheur doit lui apprendre à reconnaître comment quoi est
caractérisé. La notion de code est importante. Code de conduite,
implicite, à découvrir, mutuellement élaboré,
transmis dans et par l'action implicitement, et dont l'enquêteur doit
tenir compte pour rendre compte de ce qu'il voit du point de vue du code :
condition absolue. Le code est incarné dans la situation, et cette
dernière révèle le code. C'est le code qui rend l'action
sociale observable et reportable de façon plausible et partagée.
Car le conflit est souvent larvé, c'est-à-dire qu'on ne peut pas
forcément le voir « à l'oeil nu " ou plus
précisément, il nécessite, dans bien des cas pour
être vu et compris, une investigation socioanthropologique, un oeil
clinique. C'est-à-dire qu'un visiteur extérieur, une personne
étrangère au groupe ou à la communauté, pourra ne
pas prendre conscience de son existence. Seule une
familiarité plus grande avec ces personnes et ces
structures, ou une analyse approfondie voire anthropologique, pourra pointer
l'existence d'un conflit.
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