Considérant que la construction d'un modèle
d'accréditation des districts de santé constitue une
problématique de changement, nous nous sommes basés sur le
schéma de changement (Ferlie E, 2001) qui nous a permis d'envisager la
conception suivant les trois dimensions du processus changement. Partant du
modèle de référence, le travail a d'abord tenu compte des
spécificités liées à la structure,
l'activité, l'organisation du travail, au processus du travail et
QUATRIEME PARTIE : DISCUSSION GENERALE
I. La conception du modèle
d'accréditation
L'enjeu de ce travail est d'accréditer les districts
de santé en Côte d'Ivoire et, par ce biais, améliorer leur
performance et les développer. Pour pouvoir appliquer
l'accréditation, il était dès le départ
indispensable non seulement de se convaincre et convaincre sur sa pertinence et
son utilité, mais il était également indispensable de
concevoir un modèle spécifique et adapté à
l'accréditation des districts de santé.
S'agissant de sa pertinence et de son utilité, tous
les développements que nous avons fait dans les chapitres I
(définition du problème), II (références
théoriques et définition des concepts), III 3 (réformes du
système de santé) et IV (cadre d'analyse) y ont largement
concouru en justifiant et en validant le choix qui est fait d'améliorer
la performance et le développement des districts de santé par
l'accréditation.
La pertinence et l'utilité de l'accréditation
est également fondé par une base théorique qui est
résumé par le travail de Gilbert Patrick dans son livre
intitulé « l'instrumentation de gestion » (Gilbert P, 1998).
Ce livre synthétise bien de notre point de vue les théories ou
les connaissances sur les instrumentations de gestion et en particulier celles
qui se donnent pour vocation d'apporter des changements positifs dans les
situations difficiles comme c'est le cas de l'accréditation des
districts de santé.
L'auteur synthétise les points de vue de plusieurs
auteurs dont Moisdon (1997), Minztberg (1979) et Crozier & Friedberg (1977)
et il a défini trois catégories d'instrumentations qui sont :
· les modèles prescripteurs de conduite
tournés vers les utilisateurs,
· les instruments d'analyse du contexte,
· et les aides à la gestion opérationnelle
tournées vers la relation de l'utilisateur avec le contexte.
Il a également défini quatre fonctions des
instrumentations de gestion qui sont :
· la fonction d'opérateur et de transformation du
contexte qui est fondée par l'approche rationaliste,
· la fonction d'analyseur et de révélation du
contexte organisationnel (Moisdon, 1997) qui est fondée par l'approche
contingente,
· la fonction de régulateur et de contrôle
social qui est fondée par l'approche politique,
· la fonction de moniteur et de révélation du
contexte organisationnel qui est fondée par l'approche cognitive.
Revenant à la démarche de conception d'un
modèle spécifique et adapté à
l'accréditation des districts de santé, nous nous sommes
inspirés d'un modèle de référence existant dans le
secteur de la santé qui est celui servant à
l'accréditation des hôpitaux. La question qui nous est revenue au
commencement était de savoir dans quelle mesure ce modèle
était il pertinent pour l'accréditation des districts de
santé. Après une exploitation des théories sur le concept
et le modèle, nous avons abouti à la conclusion et proposition
suivante pour l'étude à savoir que le modèle était
pertinent mais moyennant une adaptation.
aux acteurs au sein des districts de santé. Ensuite, le
travail a pris en compte le contexte et l'environnement des districts de
santé.
Sachant que les composants d'un modèle
d'accréditation comprend toujours des critères, des normes, des
supports de travail, des procédures de travail et des procédures
d'exploitation (Matthews, 2000 ; ANAES, 2004 ), notre travail d'adaptation a
porté sur ces différents aspects.
D'un côté, la conception des composants du
modèle (critères, normes, supports de travail, procédures
de travail et procédures d'exploitation, etc.) s'est faite en nous
basant sur l'activité et l'organisation du modèle du district de
santé dans le contexte ivoirien. De l'autre, avons nous avons
considéré d'une part trois catégories de critères
en fonction de l'activité du district (ressources, paquet minimum
d'activités et résultat ou indicateurs) et d'autre part trois
catégories de critères selon l'échelon ou l'organisation
du district de santé (établissements sanitaires de premier
contact ou ESPC, les hôpitaux et l'équipe cadre de district ou
ECD). Pour la prise en considération du processus et des acteurs, nous
avons non seulement associé les acteurs à toutes les
étapes possibles de la conception en laboratoire mais nous avons aussi
organisé un test dans les districts ainsi qu'un séminaire de
validation.
Pour la prise en considération du contexte et de
l'environnement, nous avons intégré les éléments
sur les réformes en cours au sein du système de santé,
notamment la mise en oeuvre du PMA, de la décentralisation
administrative et sanitaire en cours et la situation de crise sociopolitique
que connaît le pays.
Cette démarche nous a permis de construire des
critères, des supports, des procédures utiles, consensuels et en
adéquation avec terrain.
Une telle démarche qui est somme toute
méthodique, compréhensive, inclusive, participative et se
plaçant dans une perspective constructiviste et interactionniste
garantit à ce modèle la pertinence et le caractère
adapté qui est recherché.
Elle devrait également lui assurer une validité
interne, car même adapté au contexte ivoirien, ce modèle
n'en demeure pas moins un modèle générique qui se
réfère à une référence connue
d'accréditation (celle des établissements hospitaliers) avec
laquelle il partage les mêmes caractéristiques (composants
: critères et normes ou référentiels, de procédures
de mise en application et d'exploitation et des supports de travail et
démarche : auto évaluation, évaluation externe,
qualification ) (Matthews, 2000 ; ANAES, 2004).
Elle devrait par ailleurs lui assurer une validité
externe, car bien que n'ayant pas encore été appliqué
à d'autres contextes et que ses composants (critères, supports,
procédures de travail et d'exploitation, etc.) présentent
quelques spécificités propres au contexte ivoirien, sa conception
s'est basée sur le modèle de district de santé qui est un
modèle universel et appliqué presque partout aujourd'hui dans les
pays en développement ; il va sans dire que moyennant un petit
ajustement, il devrait être possible de l'appliquer dans des contextes
où le district de santé est en vigueur.
En ce concerne la fiabilité, il va falloir se donner du
recul pour l'observer sur plusieurs applications et dans des contextes divers
pour en attester, quoique l'on sait déjà que dans le cadre de la
conception en cours, les deux tests réalisés, même à
petite échelle dont l'une à l'étape empirique (2000) et
l'autre à l'étape de valorisation scientifique (2006), nous
augurent une fiabilité du modèle.
De sa conception initiale à sa finalisation, le
modèle a subi plusieurs niveaux d'ajustements (cf annexe n° 3). Ils
se sont principalement opérés suite aux tests, le
séminaire de validation et lors de la mise à jour indispensable
au commencement de cette étude. Ces ajustements ont donné lieu
à des corrections et adaptations portant sur tous les composants du
modèle (critères et indicateurs, normes, coefficients de
pondération, les formulaires, les instructions, les procédures,
etc.). Et malgré ces ajustements, on relève que les petites
difficultés observées lors du dernier test ne sont pas
intrinsèquement liés au concept du modèle ni à sa
démarche. Ce sont plutôt des difficultés d'appropriation
par les acteurs et qui sont principalement dues,
pour les critères et indicateurs, à des
formulations de compréhension difficilement accessible aux acteurs
chargés de l'appliquer. Dans certains cas, le plan de recueil des
données spécifiquement conçu pour les aider n'a pas suffi
à résoudre le problème. Ce fut par exemple le cas pour les
critères relatifs à la vaccination antitétanique chez les
primigestes, à la réalisation des ressources propres
budgétisées et à la chirurgie d'urgence à
l'hôpital pour lesquels la plupart des acteurs se sont trompés.
Dans ces cas, parfois une simple explication a suffi pour rectifier le tir mais
d'autres fois une reformulation plus accessible du critère a
été nécessaire. Ces genres de difficultés ont
amené les experts à recommander la rédaction
d'instructions spécifiques pour la recueil des données (annexes
n° 7a, 7b, 7c) en sus du plan de recueil déjà existant. Dans
d'autres cas, les difficultés sont venues des changements intervenus
dans le système de santé. Par exemple au moment du test, nous
avons tenu compte d'un changement intervenu dans le traitement du paludisme
simple et qui l'institutionnalisation de l'amodiaquine en lieu et place de la
chloroquine en raison de la résistance. Le problème c'est que ce
changement de politique ne s'était pas encore traduit sur le terrain, de
sorte que le médicament disponible sur le terrain pour le traitement du
paludisme simple était encore la chloroquine. Les acteurs ont eu des
difficultés à renseigner cette information. Nous avons
été amenés à rétablir l'ancien
critère (nombre de jours de rupture de chloroquine) afin de l'harmoniser
à la réalité du terrain et éviter par cette
correction de pénaliser le district pour son résultat concernant
ce critère d'évaluation. Par exemple encore, les acteurs ne
comprenaient pas que l'indicateur de présence de « chirurgie
d'urgence à l'hôpital » soit le taux de césarienne, et
qui plus est, a pour dénominateur les naissances vivantes. Là
encore, il a fallu leur expliquer en quoi cette activité (les
césariennes) était un bon proxy ou un bon traceur de la
présence l'offre du service de chirurgie d'urgence.
D'autres fois, il a été nécessaire
d'ajouter des nouveaux à la liste des critères pour tenir compte
d'éléments nouveaux intervenus dans le contexte. C'est le cas de
tous les critères qui se rapportent aux protocoles de soins que soit
à l'ESPC ou à l'hôpital. Ces critères ont pu
être intégrés que lorsque l'élaboration des outils
conceptuels de mise en oeuvre ont été achevés. C'est par
exemple le cas du critère « protocoles de soins IST et paludisme
» qui a été pris en compte lors du séminaire de
consensus.
Pour d'autres composants du modèle comme les valeurs
des normes, les valeurs des coefficients de pondération et certains
aspects des procédures de travail, les ajustements ont eu principalement
lieu lors du séminaire de validation. Ces corrections ont
été possibles grâce au niveau d'expertise des participants
qui était, du reste, suffisamment élevée et très
variée pour les permettre. Alors que lors des tests où l'on avait
affaire à des agents d'exécution dont le niveau d'expertise ne
permettait pas de se prononcer sur ces composants. Si nous prenons l'exemple
des critères sur les ressources financières, l'expertise des
participants du niveau central, en particulier des spécialistes
financiers qui connaissent bien les rouages de l'administration et les
procédures de gestion des finances publiques, a été
déterminante. Elle a permis l'ajustement des normes des critères
du volet gestion financière dont la plupart était initialement
fixée à 100%. Ces experts ont argumenté que la
complexité des décaissements rend impossible une
réalisation de 100%, d'où ils ont proposé de
réviser ces normes à 80% voire à 75%.
Certains coefficients de pondération ont
été ajustés. Par exemple, les coefficients de
pondération des critères se rapportant aux protocoles de soins et
a l'activité scientifique a l'hôpital ont été
révisés a la baisse. Ils sont respectivement passés de 6 a
4 pour les protocoles de soins et de 4 a 2 pour l'activité scientifique
a l'hôpital. Les experts ont justifié leurs propositions de
correction par le fait que l'introduction de ces activités a
l'hôpital est récente, au point que ne pas leur d'accorder un
recul pour une bonne intégration pénaliserait les
résultats des districts sanitaires. Pour eux, il était
nécessaire de relativiser le poids qu'on attribue a ces critères
en réduisant leurs coefficients de pondération respectifs.
Au commencement de cette étude dont l'ambition est la
valorisation scientifique de l'accréditation des districts de
santé, des ajustements notables des différents composants du
modèle ont été également réalisés.
Par exemple la décentralisation administrative et sanitaire actuellement
en phase d'accélération dans le pays et qui ne figurait pas dans
les précédents, a été prise en compte comme
activité traceuse. De nouveaux critères ont été
formulés par rapport a cette prise en compte. C'est le cas de tous les
critères qui dont la formulation comprend la mention «
collectivités territoriales ou CT >> tels que les critères
E5 (ESPC), H9 (Hôpital), D31 et D33 (ECD).
Au niveau des hôpitaux, un critère formulé
« projet d'établissement >> (H 28) a été
ajouté au titre de l'activité traceuse « planification a
l'hôpital >> pour pouvoir prendre en compte la dimension de gestion
prospective et a long terme des hôpitaux. La raison est que cet outil va
être maintenant promu dans le cadre du paquet d'activités des
hôpitaux parce que l'élaboration des directives de mise en oeuvre
de cette activité vient d'être achevée.
Toujours dans cette étape de l'étude, certains
coefficients de pondération ont été révisés
soit a la baisse soit a la hausse en fonction de l'importance relative qui est
accordée aux critères auxquels ces coefficients sont
affectés. Par exemple, pour la supervision (D13), le plan d'action
annuel (PAA : D9) et la recherche (RO/RA : D29), les coefficients de
pondération sont respectivement passés de 4 a 6, 2 a 4 et de 1 a
3 et pour le suivi (D11 et D12) des deux plans (PDS et PAA ou D9), le
coefficient est passé de 2 a 3 parce que l'importance de ces
activités a été reconsidérée.
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