3.2 Possibilités de valorisation des produits et
des commerces locaux
Comme nous venons de le voir dans la partie
précédente, le patrimoine ne se limite pas à
l'architecture et à l'art. Par extension, il peut aussi s'agir du «
patrimoine local » : sans rentrer dans la complexité qu'entraine la
définition précise de ce terme, nous l'utiliserons ici pour
désigner l'ensemble des éléments remarquables sur lesquels
se fondent la communauté, le paysage et donc l'identité
locale.
De ce fait, les festivals contribuent énormément
à la valorisation de ce << patrimoine local >>, par sa
convivialité et l'affluence touristique qu'il engendre. Les festivaliers
ont la possibilité de se prendre aux jeux du tourisme et de
découvrir les produits gastronomiques, artisanaux et autres
spécialités régionales, par le biais par exemple,
de visites des marchés et des commerces locaux. Citons le festival
de Jazz de StÉmilion en Aquitaine, village déjà
fortement identifié par sa production viticole ; le festival s'appuie
sur la promotion de sa richesse patrimoniale locale en fondant son projet
artistique sur l'idée d'un parcours initiatique entre la musique jazz,
le village et le vin.
En somme, les festivals contribuent aux développements
des commerces locaux, fondement de la << palette » constituant les
richesses patrimoniales locales. (cf. partie 4.3) Nous
reviendrons par ailleurs sur ce point de manière approfondie au cours de
notre partie sur le développement touristique. (cf. partie
6.3)
Ainsi, certains festivals s'associent avec les
restaurants alentours. Par exemple, le festival de Belfort
propose à son public de manger << Eurockéennes »,
comme ce teasing de cette année sur son site officiel en
démontre : << Pour la deuxième année
consécutive, les Eurockéennes de Belfort et une dizaine de
restaurants, s'associent afin de proposer un menu spécial
Eurockéennes. Plus d'informations très prochainement... »
Il en va de même quant au développement des
lieux d'hébergements et d'accueils alentours :
campings, hôtels, auberges de jeunesse, mais aussi gîtes et
chambres d'hôtes... tous bénéficient de l'afflux des
festivaliers et autres curieux de passages attirés par l'animation
locale que procure l'évènement. (cf. partie
4.3)
Cet afflux de visiteurs est souvent considérable, mais
la question de la fréquentation des festivals en milieu rural sera elle
aussi approfondie postérieurement, au cours de la partie sur les
publics. (cf. partie 8.2)
Afin d'illustrer ce point sans rentrer dans le vif du sujet,
prenons l'exemple du festival des Francofolies de la Rochelle, bien
qu'implanté dans une ville et non en milieu rural, il est
intéressant de le citer ayant battu son record de fréquentation
lors de sa dernière édition : 89 000 spectateurs en 2011, contre
77 000 en 2010 et 55 000 en 2003.* Pour donner une image plus
parlante, cela représente près de la moitié de la
population résidente à l'année dans la totalité de
son aire urbaine.
Enfin, les festivals participent au développement de
l'animation locale déjà présente, entre
autre par le développement de l'activité des centres de loisirs,
tels que les bases de canoës, les piscines, etc.
* * *
* Source : MÉDIONI Gilles, Les
Francofolies au beau fixe, article, journal L'express [En ligne], 2011
Conclusion : étude de cas : le festival de Jazz in
Marciac
Le festival de Jazz in Marciac est un exemple significatif par
la réussite de son intégration au sein de son village d'accueil
et la qualité reconnue de son projet artistique. C'est pourquoi nous
étudierons ce cas pour illustrer et nourrir ce premier chapitre.
? Historique du festival
Jazz in Marciac a été en 1978 grâce
à la volonté de Jean-Louis Guilhaumon d'animer la vie locale de
ce village gersois de 1 250 habitants. Alors jeune professeur nouvellement
nommé au collège local, il fait la rencontre d'un habitant
féru de jazz comme lui, qui avait déjà monté des
petits concerts en banlieue parisienne. De cette association est née une
manifestation d'abord axée sur le jazz traditionnel, accueillant le
clarinettiste Claude Luter de formation de style Nouvelle-Orléans.
L'affaire s'avèrent fructueuse, les bénévoles du Foyer de
Jeunes et d'Education populaire se mobilisent, des fanfares sont
convoquées, et 400 personnes viennent à la soirée.
Trente-quatre ans plus tard, le petit village de Marciac est
devenu l'une des capitales mondiales du jazz. L'initiative de cette
poignée d'amateurs s'est étendue sur la durée et a vu sa
formule se diversifier et son équipe de bénévoles
s'accroitre sous la mobilisation locale se faisant de plus en plus forte.
Désormais, non seulement Marciac est
réputé pour son festival d'été mais propose une
programmation de concerts toute l'année, au nombre d'un par mois
d'octobre à juin. Jazz in Marciac, aussi appelé JIM, s'impose
dorénavant comme l'un des plus grands rendezvous musicaux de France.
Aujourd'hui, Jazz in Marciac représente deux semaines
de festival lors de la première quinzaine d'août, une moyenne de
170 000 visiteurs, 55 000 places vendues pour une quinzaine de concerts
payants, mais aussi des concerts gratuits tous les jours sur la place du
village, des stages et ateliers pédagogiques de danse ou de percussions
avec des formateurs de haut niveau...
Enfin, l'association loi de 1901 responsable de l'organisation
est toujours dirigée par l'initiateur Jean-Louis Guilhaumon, devenu
principal du collège local en 1984, et maire du village en 1995.
? Un festival d'image
Jazz in Marciac s'assimile à la catégorie des
« festivals d'image » par sa forte implication dans l'animation de la
vie culturelle et locale du bourg médiéval de Marciac.
Par la qualité de son projet
artistique, il permet une reconnaissance internationale
à son lieu d'accueil pour tous les amateurs de jazz, mais aussi
des musiques improvisées et autres dérivées (musiques
latines, africaines...) Le festival s'impose comme une référence
par le biais de sa programmation d'artistes internationaux classés comme
« têtes d'affiches ». De plus depuis 2003, il se
démarque par son exploration férue « des nouvelles
sphères du jazz », véritable tremplin de
révélations musicales de choix.
En somme, il procure à Marciac de fortes
retombées publicitaires grâce aux nombreux
différents médias (presse, télévision, radio) qui
se bousculent pour faire des reportages sur son incroyable réussite.
Même s'il faut encore une fois relativiser quant aux données
exactes de ces retombées, il faut noter qu'elles sont à l'origine
de plus d'un tiers de la fréquentation du village.
Aujourd'hui, Marciac s'impose comme un
véritable temple dédié au jazz.
Jusqu'alors inconnu par la majorité des français, Jazz in Marciac
lui permet de renvoyer l'image d'une collectivité dynamique et de
conforter son identité locale.
? La valorisation du patrimoine gersois
« Marciac, petite bastide fondée à la fin
du XIIIème siècle. Aujourd'hui, une bourgade rurale de
quelque douze-cents âmes, nichée dans la verdure au coeur du Gers,
à michemin entre Auch et Tarbes. Avec sa place qui a conservé des
arcades médiévales, son lac où évoluent les
planches à voile, son église dont le clocher s'enorgueillit
d'être le plus haut de la région [...]. »
Cet éloge tirée du site officiel du festival de
Jazz in Marciac, nous invite à traiter de sa contribution en ce qui
concerne la valorisation du patrimoine local.
Les concerts du festival s'appuient sur une importante
collaboration avec les sites locaux pour joindre à la
musique le plaisir d'un cadre agréable. En effet, Jazz in Marciac se
divise en deux catégories de représentations : un festival
in* -payant- dans la salle de spectacle du village,
et un festival off* -gratuit- à
l'extérieur, afin de profiter du cadre convivial du bourg.
Le festival off se centre principalement sur la place
principale de Marciac, qui a conservé des arcades
médiévales. Des concerts ont lieu le soir sous un
chapiteau géant comptant entre 5 000 à 6 000 places.
En s'implantant en plein centre du village, le festival a
ainsi la possibilité de collaboré avec de nombreux
restaurants ou tavernes qui proposent pour l'occasion des
repas accompagnés de musiciens. Les commerces locaux profitent bien
évidemment eux aussi de l'afflux des visiteurs. Les artisans et autres
producteurs locaux peuvent ainsi accroitre leurs ventes tout en faisant
découvrir aux visiteurs leurs produits régionaux et locaux.
Le festival s'étend jusqu'aux arènes de
Marciac, site historique local, qui se transforment alors en espace de
spectacles, tout au long de la manifestation. De même, l'église
Notre Dame de l'Assomption de Marciac, édifice gothique du
XVème siècle, voit son jardin animé de
nombreux concerts durant l'évènement. (cf. planche
4)
Par conséquent, le festival engendre de manière
indirecte une reconnaissance du patrimoine culturel de Marciac, par la forte
identité locale qui lui procure et l'effort qu'il exerce à
s'appuyer sur son cadre historique. Toutefois, s'agissant-là d'une
manifestation au projet artistique très ciblé, les
retombées peuvent être limitées. On estime qu'environ 10%
des « visiteurs culturels » du Gers profitent de la présence
du festival dans le département pour découvrir le potentiel du
patrimoine local.
* * *
* Dans le jargon festivalier :
In, représente le côté
préparé de la programmation d'un festival ;
Off, englobe l'animation alentour
découlant du festival, présentée en marge de la
programmation officielle (parfois des représentations d'artistes et
compagnies non programmées voire amateures qui tentent de profiter de la
présence de professionnels en vue de se faire connaitre.)
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