3/ Une dynamique artistique en termes
de valorisation du patrimoine
Durant cette troisième partie, nous nous pencherons sur
la dynamique artistique des festivals, qui peuvent contribuer au
développement du milieu rural français par la valorisation de son
patrimoine. L'emploi du verbe << pouvoir >> s'explique ici par le
fait que tous les festivals ne s'appuient pas forcément sur la
valorisation du patrimoine.
En effet, nous avons vu lors de la définition des
termes que ce type de festival se classifait en tant que << festivals
touristiques >>. Cette catégorie se démarque des autres par
le fait que leur projet artistique se fonde essentiellement sur un monument ou
un cadre prestigieux, dans l'objectif de susciter une fréquentation
nouvelle dans une ville ou sur un site touristique par l'animation des
lieux.
Notre sujet portant sur les festivals de musiques actuelles en
milieu rural, il convient dans un premier temps de se questionner sur le
paradoxe entre les termes << actuel >> et << rural >>.
Cette réflexion nous amènera à envisager les
possibilités offrant une localité rurale aux porteurs de projets
de festivals de musiques actuelles en termes de valorisation de son patrimoine
qu'il soit culturel, naturel ou local.
3.1 Paradoxe entre festivals de musiques actuelles et
valorisation du patrimoine : les limites entre ruralité et
actualité
? Limites entre ruralité et actualité :
l'exemple du Massif Central
Comme nous l'avons vu au cours de notre étude sur la
décentralisation, les données de la répartition des
festivals en France démontraient un certain déséquilibre
entre les régions. Outre le fait que certaines s'affirment comme plus
attrayantes que d'autres par leur climat clément et une forte affluence
touristique, certaines des régions représentaient un pourcentage
relativement faible sur les données de l'offre totale : <<
L'Auvergne, région du Massif Central qui est principalement
constitué de <<rural isolé>>,
C'est le terme « rural isolé » qui est
facteur au paradoxe entre « ruralité » et «
actualité ». En effet, l'Auvergne ne
présente aujourd'hui qu'uniquement des festivals de musiques classiques.
Elle est marquée par l'échec de deux festivals de
musiques actuelles : le festival Les Volcaniques de mars
(1999-2008) et le festival Vachement Rock (2007-2009). Ces
échecs marquent très bien les limites entre le milieu rural et
les festivals de musiques actuelles. Ils s'expliquent par une
incohérence entre le projet artistique et les caractéristiques de
sa localité. Durant la définition du terme « milieu rural
», nous avons classé les espaces ruraux par leur dynamisme, faisant
apparaître une catégorie d'espaces appelés « fragiles
» ou « profonds ». En analysant la carte 2 des
Trois France rurales, nous avons pu constater que le Massif Central
regroupait les régions aux campagnes les plus affectées.
Cette fragilité s'explique par le fait qu'il s'agit
là, comme nous l'avons précédemment défini
d'espaces éloignés des villes qui gardent un accès
difficile aux services publics, une couverture en téléphonie
mobile insuffisante et des accès aux réseaux de transports
rapides difficiles. De plus, ils sont sujets à un vieillissement
de leur population, à un accueil important de retraités
ainsi qu'un certain déclin démographique.
L'échec des deux festivals de musiques actuelles en
Auvergne se traduit donc par une incompatibilité entre le public
traditionnellement ciblé par ces festivals et la population locale : les
musiques actuelles touchent généralement un public assez jeune,
compris dans une tranche allant de 20 à 35 ans -bien que le jazz et les
musiques improvisées sollicitent un public plus âgé allant
de 30 à 50 ans. (cf. partie 8) Ces moyennes d'âge
ne rentrent pas dans les caractéristiques démographiques de cette
région.
Par conséquent cet exemple n'est heureusement qu'une
exception, comme en démontre les nombreux festivals de musiques
actuelles qui se sont parfaitement adaptés au cadre de leur
localité. Pour n'en citer que quelques un : Musicalarue, les
Eurockéennes, Garorock, les Vieilles Charrues...
? Les festivals de musiques actuelles et la valorisation
du patrimoine
Les festivals de musiques actuelles peuvent parfaitement
s'appuyer sur la valorisation du patrimoine culturel de la
localité d'accueil.
Certes cela n'entend pas de baser entièrement leur
projet artistique sur ce point, mais d'utiliser le patrimoine pour leur propre
promotion, en assimilant leur positionnement avec un cadre historique ou
prestigieux et indirectement contribuer à leur valorisation. En
général, les festivals de musiques actuelles rentrent dans la
catégorie de << festivals de promotion >> voire << de
diffusion >>. (cf. déf termes) En revanche, comme nous l'avons
constaté dans la définition du terme << festival >>,
les catégories de sa typologie ne pas sont pas exhaustives : elles
peuvent très bien fusionner entre elles.
Concrètement, outre les retombées publicitaires
des festivals, ils contribuent à la valorisation patrimoniale
grâce à ses << touristes festivaliers >> (cf. partie
6) et à leurs visites des monuments historiques et
autres lieux patrimoniaux (églises, abbayes, grottes, musées...)
et à leurs promenades et découvertes des paysages et campagnes
alentours.
En somme, il est important de noter que le patrimoine ne se
limite pas aux biens culturels de la localité. Il peut très bien
s'agir, dans ce contexte, du patrimoine naturel. Ainsi,
lorsque les << touristes festivaliers >> se promènent et
découvrent les paysages et campagnes alentours, cela engendre une
valorisation indirecte du patrimoine naturel local.
Par exemple, le festival des Eurockéennes valorise le
patrimoine naturel de Belfort grâce à l'animation annuelle qu'il
procure à la splendide presqu'île de Malsaucy et invite ainsi les
festivaliers et les journalistes à prendre conscience de son existence.
(cf. planche 3) Paradoxalement, c'est son implantation sur ce
site remarquable en terme de patrimoine naturel qui a conduit au succès
de ce festival qui est désormais classé comme l'un des plus
grands de France, par sa popularité et la qualité de ses
programmations.
Par ailleurs, le terme << ruralité >> ne
doit pas être généralisé à l'appellation
« rural isolé ». Comme nous l'avons vu, le
milieu rural est complexe et regroupent des espaces très
différents. Évidemment, certains espaces font preuve d'un plus
grand potentiel que les autres, mais il n'en demeure pas moins qu'ils
renferment tous des richesses tout à fait exploitables pour de nouveaux
projets de festivals de musiques actuelles (tourisme, cadre de vie,
beauté du patrimoine naturel, climat clément...).
Enfin, il n'y a aujourd'hui plus lieu d'assimiler la <<
ruralité >> aux termes péjoratifs tels que «
désuet » ou « rustique ».
Comme nous l'avons vu durant l'introduction de ce chapitre,
les jeunes ne confondent désormais plus le milieu rural avec le monde
agricole. Pour de jeunes festivaliers, le milieu rural
représente une forme de liberté : les festivals de musiques
actuelles en milieu rural sont signes de grands espaces, de campings se
transformant généralement en immenses colonies de vacances en
plein air, de découvertes, de convivialité... Mais ils
s'appréhendent surtout comme d'une rupture avec l'oppression
qu'engendrent des grands pôles urbains. De plus, la majorité des
jeunes gens interrogés à ce sujet dans une tranche allant de 16
à 26 ans, assimile automatiquement l'expression « festivals de
musiques actuelles en milieu rural > avec l'emblématique festival
de Woodstock de 1969. Ce qui démontre bien qu'actuellement le
milieu rural est perçu de manière tout à fait positive.
Par ailleurs c'est depuis Woodstock que l'on sait que la musique populaire peut
attirer les foules dans les endroits les plus reculés.
Ainsi, << ruralité » et << jeune
génération » peuvent actuellement tout à fait
collaborer. Les jeunes d'aujourd'hui ne représentent en aucun cas un
frein de ce point de vue-là, à la
)
conception de festivals de musiques actuelles en milieu rural.
(cf. partie 8.2
· Conclusion : les festivals, des outils
prisés en termes de valorisation du patrimoine
Par conséquent, un festival de musiques actuelles a
tout à fait la possibilité de s'implanter dans un cadre
historique et se servir de sa beauté patrimoniale afin d'offrir à
son évènement un côté encore plus exceptionnel. Pour
illustrer ce dernier point, citons les propos tout à fait pertinents de
Luc Bénito à ce sujet : « Cette capacité d'attraction
se trouve renforcée quand les festivals se déroulent dans des
lieux de << prestige », car ils accentuent le caractère
exceptionnel de l'évènement.>* Outre l'animation certaine du
patrimoine culturel local par leurs afflux de visiteurs, les festivals peuvent
le valoriser de manière plus directe, en versant par exemple des
contreparties financières au lieu historique d'implantation.
De même, nous pouvons aussi mentionner le fait que les
festivals de musiques amplifiées, en détournant de leurs usages
habituels les espaces du quotidien -ici les biens des communautés,
s'inscrivent dans une véritable tendance actuelle. En
effet, d'après le Centre d'information et de ressources pour les
musiques actuelles - dit IRMA*, en ce qui concerne les
festivals toutes disciplines confondues, << les interactions
entre le déroulement d'évènements culturels
et la présentation, la réhabilitation ou la découverte par
le public de monuments patrimoniaux sont considérables. »
En effet rappelons que la spécificité des
festivals se traduit par une volonté de sortir leurs
évènements des cadres traditionnels de la culture et les lier
à la beauté et à la mémoire du patrimoine est
souvent un procédé privilégié. Ainsi, en
contribuant couramment à la valorisation du patrimoine culturel
national, ils s'affirment comme des instruments efficaces voire avantageux. De
même, outre l'appui sur le patrimoine culturel, les festivals en milieu
rural sont souvent des soutiens de valorisation du patrimoine naturel local.
Finalement, la question du manque général
d'originalité des projets et de la banalisation du festival perdant de
son exceptionnalité peut être ici débattue : le milieu
rural dispose d'un grand nombre de potentiels qui n'ont pas encore
été tous exploités.
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* Source :
http://www.irma.asso.fr/IMG/pdf/Rapport_Dechartre-2.pdf
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